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  • samedi, septembre 30, 2006

    AVIATOR (MARTIN SCORSESE)

    Un monument de Martin Scorsese, basé sur la vie assez délirante de Howard Hughes (sorti en 2004), et encore une épopée (comme Lawrence d'Arabie ou Patton) où l'on ne voit guère le temps passer...
    Il est certain que quand un génie tente un film sur un autre génie, tautologie oblige, ça ne peut être que... génial !
    Il faut dire que ce Howard Hughes était quand même quelqu'un. Complètement autodidacte et héritier d'une fortune colossale liée au pétrole texan, amoureux du cinéma comme de l'aviation alors naissante, il mise à 25 ans une énorme part de sa fortune sur un coup de poker : Hell's Angel, à l'époque le film le plus cher de toute l'histoire du cinéma, une centaine d'avions, presque une quarantaine de caméras, plusieurs dizaines de jours de "weather days" (le cauchemar des producteurs, lorsqu'un réalisateur attend une météo bien précise pour filmer, et qu'il faut néanmoins pendant ce temps payer toute l'équipe) :
    Mais non content de réaliser ou de produire (entre autres, le premier Scarface, toujours plus ou moins persécuté par la censure), il s'avère en outre un ingénieur et un visionnaire de génie, concevant certains des avions les plus révolutionnaires de son temps, fondant la TWA, assumant presque toujours le rôle de pilote d'essai, parfois à ses plus grands risques et périls, notamment lors de ce crash spectaculaire en plein sur Beverly Hills qui lui valut d'être brûlé à 70%, y compris une centaine de fractures et même, chose rare à laquelle on ne survit normalement pas, un déplacement du cœur de la gauche vers la droite :
    Ce qui, précisons-le, ne l'a pas empêché de fréquenter à l'époque les plus belles femmes du monde, notamment Jean Harlow, Katherine Hepburn et Ava Gardner.
    On pourrait donc en déduire qu'il existe un Dieu, ou au moins des Anges Gardiens pour les génies, mais c'est faux ; car tout se gâte hélas assez fâcheusement dans la seconde partie du film, où nous assistons consternés à l'acharnement de tous les pouvoirs bien pensants envers ce visionnaire, qui plus est pour de mauvaises raisons... Et notre pauvre Leonardo DiCaprio, incarne à vrai dire magistralement cet ultime Howard Hughes quasi ruiné, accablé de toutes parts, et de plus en plus en proie à ses folies obsessionnelles, curieusement les mêmes que cet autre grand génie du piano, Glenn Gould, phobie irrationnelle des microbes, et sensation permanente de paranoïa :
    Même si ce film regorge d'énergies positives et pleines d'espoir, il laisse néanmoins transparaître en toile de fond ce qui, hélas, semble être l'une des lois des sociétés humaines.
    Quelque part, tous les pouvoirs, tous les pays, et autrefois toutes les royautés, ont besoin de génies...
    Cela les valorise, à peu de frais pour eux, et comme l'on dirait aujourd'hui, avec une immense publicité à la clef pour pas un sou, ou presque. Qui pourrait nier, encore aujourd'hui, que Shakespeare soit la vitrine de l'Angleterre, de même que Michelangelo celle de l'Italie et Mozart celle de l'Autriche ?
    Le seul problème, c'est que le vrai génie ne connaît pas de lois, et n'a a fortiori aucune envie de se laisser emmerder par les lois humaines... De là le broyage de Mozart, de Beethoven, de Vauban, de Rembrandt et de tant d'autres par le pouvoir absolu, mécanisme qui s'avère magnifiquement démontré dans ce film magistral de Martin Scorsese, qui fort heureusement nous a toujours habitué à l'excellence, et ne nous a que très rarement déçu !
    Autres films du même réalisateur : Taxi DriverRaging BullAfter HoursCape FearBringing Out the DeadSilence

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    dimanche, septembre 10, 2006

    DOLLS (TAKESHI KITANO)

    Un film magique, daté de 2002...
    Non seulement au même titre que Hanabi ou Zatoichi, mais articulé cette fois autour d'un principe cher à Robert Altman - notamment dans les très brillants The Player et Short Cuts -, la coexistence fluide et aérienne de trois histoires d'amour simultanées, qui bien sûr, vont toutes finir de façon tragique :
    Et pourtant, la plupart de ses films ne sont pas dépourvus d'optimisme, bien au contraire ; mais leurs fins désespérées laissent à penser que l'auteur, tout comme Shakespeare ("It's a tale told by an idiot, and signifing nothing..."), semble considérer l'être humain dans son ensemble comme une sorte de marionnette balayée au gré du destin, telles ces poupées du Bunraku qui ouvrent magistralement le film (N.B : le Bunraku est une forme de théâtre très prisée à Osaka, proche du Kabuki, sinon que les acteurs en sont des marionnettes - avec les manipulateurs non cachés, mais ceci s'oublie très vite ! - et qu'un unique chanteur récitant interprète à lui seul tous les rôles, à ne pas manquer dès que la troupe repasse par Paris, retenez donc bien ce mot, Bunraku) :
    Les amants réunis par la corde rouge des clochards (kojiki no nawa, 乞食の縄), sont en route vers leur destin :
    Comme toujours chez Kitano (qui à ses heures, outre acteur, présentateur, réalisateur, manie également très bien le pinceau, souvenons-nous des tableaux de Hanabi), le film n'est pas avare de séquences somptueuses, magistralement cadrées, et souvent aux limites de l'onirisme :
    Il est vrai que ce n'est pas tous les jours que l'on peut voir un poisson s'habiller en kimono !
    Et pour conclure, les fameux érables de Takao à l'automne, recensés parmi les merveilles du Japon au même titre que la floraison des cerisiers (Sakura, 桜) au printemps, et ceci dès la littérature médiévale (par ex : 清少納言,枕の草子 : Sei Shônagon, Notes de Chevet (1183), éditions Gallimard / Unesco).
    L'une des choses qui m'a frappé dans ce film (à nouveau, devrais-je dire, car la même idée m'était déjà venue à l'esprit dans certains plans de Hanabi et de Zatoichi), c'est la filiation avec la grande tradition chinoise, puis japonaise, de la peinture sansuiga (山水画, littéralement : peinture d'eau et de montagne), dans laquelle l'homme, bien que souvent présent, occupe toujours une place microscopique au sein de la nature (le moine minuscule, dans la maison en bas à gauche) :
    Il est clair que là, c'est la nature elle-même qui est le principal acteur du film. En même temps, la filiation peut être double, puisque ce genre de plans existait déjà chez un pionner du cinéma, Sergueï Einsenstein (notamment dans Ivan le Terrible, 1944).
    Bref, du cinéma brillant, inventif, audacieux, sublime visuellement, remarquablement interprété... Du cinéma sans grands moyens ni gros budget, en résumé : du cinéma comme on aimerait en voir plus souvent dans un petit pays comme le nôtre, qui après en avoir inventé le concept, semble depuis longtemps en avoir oublié l'esprit...
    この DVD 買いてくださいよ !
    Autres films du même réalisateur : Violent CopSonatine, mélodie mortelleZatoichi

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    dimanche, septembre 03, 2006

    SAW (JAMES WAN)

    Après Tim Burton, et dans un tout autre genre, l’arrivée d’un nouveau petit génie du cinéma indépendant, James Wan (né en 1977), qui avec son premier film Saw fait la preuve, en 2004, d’une maîtrise et d’une inventivité époustouflantes, puisque ce huis clos oppressant a été tourné en seulement dix-huit jours :
    Dans la digne lignée de premiers films célèbres tels que Eraser Head (David Lynch), Pi ou Cube, le huis clos semble d’ailleurs être l’une des formes de prédilection des réalisateurs faisant leurs premiers pas dans le long métrage, bien sûr pour des raisons budgétaires évidentes, mais aussi probablement parce que cette forme resserrée et épurée permet de travailler le style en profondeur et sans effets inutiles...
    Postulat initial proche de celui de Cube (les deux films d’ailleurs primés au festival de Gérardmer, et connaissant un succès populaire totalement inespéré au départ par les distributeurs) : deux hommes se réveillent dans une salle de bain, enchaînés chacun par le pied aux deux murs opposés de la pièce.
    Lemme (j’adore ce mot, d’une part parce que je crois ne l’avoir jamais lu ailleurs que chez Spinoza, d’autre part car il va obliger des tas de paresseux à sortir leurs dictionnaires !) : l’un des deux dispose de six heures pour tuer l’autre, Adam (N.B : Leigh Whannell, le co-scénariste du film), faute de quoi sa femme et sa fille seront exécutées.
    Sympa, non ? Car le tueur au puzzle n’en est techniquement pas un, selon les mots mêmes de l’un des personnages, puisqu’il ne se borne finalement qu’à placer des personnes soigneusement choisies dans des situations intenables, dont on peut se faire une petite idée avec les deux extraits suivants :
    Quelques come-back inattendus : celui de l’excellent Danny Glover, qui je crois n’avait plus tourné depuis sa dernière Arme Fatale, et encore plus surprenant, celui du masque du tueur, emprunté à un film déjà ancien de l’un des rois du gothique italien, j’ai nommé Dario Argento (Les Frissons de l'Angoisse, 1975).
    Un film puissant sur la manipulation, le voyeurisme et la perversité de l’être humain… Certes, film d’horreur à n’en point douter, mais dans lequel le "thrill", contrairement à tant d’autres récents (The Ring, The Grudge) s’avère moins une fin en soi que la conséquence de la démonstration presque philosophique d’une réalité humaine intangible, dans la digne lignée de films cultissimes comme La Mouche ou Alien. La fin du film, parfaitement imprévisible, mais d’une logique imparable, vous laissera totalement sans voix, ça, je peux vous le garantir…
    Pour situer, disons qu’il faut au moins être capable d’encaisser de l’horreur visuelle à hauteur de Seven, et de l’horreur psychologique au niveau de Dogville – ce qui place tout de même la barre assez haut, n'est-ce pas ?
    Dernière petite digression autour du titre, triplement significatif : SAW, le passé du verbe "voir" (allusion au voyeurisme du principal protagoniste du film), (JIG)SAW, le "puzzle", surnom du tueur, mais aussi parfaite métaphore du puzzle scénaristique auxquels les spectateurs sont confrontés, et pour finir, SAW, la "scie", instrument providentiel et indispensable, sinon que, comme se le demande l’un des deux enchaînés : "Est-ce qu’il veut que l’on scie nos chaînes… ou veut-il que l’on scie nos pieds ?"...
    Allez, un bref résumé du film entier :
    Incidemment, c’est du reste l’occasion de remarquer ce qui distingue les vrais génies créatifs des simples tâcherons, tout comme en musique : l’économie de moyen d’une part, l’ultra pouvoir signifiant de chaque cellule, le sens de la variation (les trois phénomènes étant presque, comme la Sainte Trinité, "un et indivisibles"). Pour preuve la petite variation sémantique suscitée sur Saw, mais aussi sa déclinaison visuelle :
    Ce dernier plan (l’un des tout premiers du film, en fait, lorsque Adam, s’éveillant de sa torpeur, demande à l’autre d’allumer la lumière) ne PEUT tout simplement pas avoir été tourné par hasard, tellement c’est brillant : le premier néon, abîmé, sur lequel Adam lève les yeux, se trouve justement affecter la forme d’une scie !
    Bref ! À la suite de Daren Aronofsky et Vincenzo Natali (dont les seconds films Requiem for a Dream et Cypher ne m’ont absolument pas déçu), un nouveau petit génie à suivre de très près : James Wan, de Malaisie (Saw en DVD : moins de 10 Euros) !

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