LOST IN TRANSLATION (SOFIA COPPOLA)
Et bien voilà... Un film de Sofia Coppola, la propre fille du mythique réalisateur d'Apocalypse Now (1979). Un pur joyau, sorti en 2003, tout en subtilité et en tendresse, narrant l'improbable rencontre entre un acteur sur le retour et une jeune femme délaissée par son mari, encouragés en cela par l'étrangeté absolue du lieu pour les occidentaux (Tôkyô), ce qui autorise tous les débordements. Mais regardons tout de suite le trailer :
Je dois dire ici que c'est un film qui me touche énormément, pour des tas de raisons : d'une part parce que pas très loin de la cinquantaine, j'ai moi-même beaucoup plus d'amies de moins de trente ans que de mon âge ; et surtout parce qu'étant allé cinq fois au Japon, j'ai connu et expérimenté à peu près toutes les sensations d'étrangeté que l'on peut ressentir dans ce pays complètement schizophrène, qu'il s'agisse de l'agression permanente des néons et de la publicité :
De la sensation subite d'être un géant :
Ou encore des difficultés à se repérer dans cette ville immense et tentaculaire (la troisième du monde, je crois, après Mexico et Los Angeles), où en plus les gens n'écrivent même pas avec de vraies lettres bien de chez nous :
Avec pour inévitable résultat la sensation, au bout d'un laps de temps plus ou moins long, de se retrouver d'un seul coup complètement largué, et ceci de façon d'autant plus certaine qu'en apparence, la plupart de nos repères de citadins occidentaux sont préservés :
Là, il faut bien dire que Sofia Coppola a décrit cette très étrange sensation avec une rare justesse, surtout qu'elle a choisi de nous la faire vivre au travers de deux êtres en plein marasme, une jeune fille en pleine dérive amoureuse (fantastique Scarlett Johansson !) :
Et un acteur en pleine dérive existentielle (non moins fantastique Bill Murray, relativement à contre-emploi), tout autant ennuyé par les lettres ou les coups de fil de sa femme sur des sujets dont il n'a rien à foutre :
De la sensation subite d'être un géant :
Ou encore des difficultés à se repérer dans cette ville immense et tentaculaire (la troisième du monde, je crois, après Mexico et Los Angeles), où en plus les gens n'écrivent même pas avec de vraies lettres bien de chez nous :
Avec pour inévitable résultat la sensation, au bout d'un laps de temps plus ou moins long, de se retrouver d'un seul coup complètement largué, et ceci de façon d'autant plus certaine qu'en apparence, la plupart de nos repères de citadins occidentaux sont préservés :
Là, il faut bien dire que Sofia Coppola a décrit cette très étrange sensation avec une rare justesse, surtout qu'elle a choisi de nous la faire vivre au travers de deux êtres en plein marasme, une jeune fille en pleine dérive amoureuse (fantastique Scarlett Johansson !) :
Et un acteur en pleine dérive existentielle (non moins fantastique Bill Murray, relativement à contre-emploi), tout autant ennuyé par les lettres ou les coups de fil de sa femme sur des sujets dont il n'a rien à foutre :
Que par sa présence au Japon à cause d'un job qui l'emmerde profondément (une pub pour le whisky Suntory) :
Surfant, donc, sur la douce vague de l'ennui et du détachement, ces deux personnes pas tout à fait très bien dans leur peau vont finir, sans même se trouver des millions de points communs, par trouver plutôt sympa de passer du temps ensemble. Car sait-on jamais vraiment ce qui fait que l'on se sente bien à passer du temps avec telle ou telle personne plutôt que telle autre ?
En tout cas, moi, je ne me ferais pas longtemps prier pour passer du temps avec ladite Scarlett... Car curieusement, cette fille qui n'est pas très photogénique sur les portraits fixes se révèle en live d'une stupéfiante beauté, qui plusieurs fois manque de nous tirer les larmes, tellement son expression semble sincère, naturelle, et pleine de vie :
D'ailleurs, à propos de beauté, il est aussi assez rassurant de constater que Sofia Coppola n'a pas fait l'économie de quelques plans assez sublimes sur le Japon traditionnel, comme par exemple les Omikuji (souhaits que l'on noue et que l'on attache ensuite à des branchages dans les temples shintô) :
D'ailleurs, à propos de beauté, il est aussi assez rassurant de constater que Sofia Coppola n'a pas fait l'économie de quelques plans assez sublimes sur le Japon traditionnel, comme par exemple les Omikuji (souhaits que l'on noue et que l'on attache ensuite à des branchages dans les temples shintô) :
Ou encore ce joli mariage, qui par la pureté et la chasteté de ses gestes, semble comme une mise en abîme de la relation qui va unir Bill Murray à Scarlett Johansson :
C'est bien pour cela que je parlais, dès le début, de schizophrénie - ou tout du moins, de ce qui nous semble tel à nos yeux d'occidentaux. Car ce fameux hiatus entre tradition et modernité - qui ne semble en être un que pour nous, d'ailleurs - apparaît présent tout au long du film, ne serait-ce qu'en alternant la séquence d'Ikebana :
Avec ce qui est probablement la télévision la plus trash du monde, quand elle s'y met :
Bref, un film magnifique, à louer ou à acheter de toute urgence !
Et l'ultime séquence (là encore particulièrement bien vue, dans sa compréhension de la psychologie des personnages, tous deux suffisamment intelligents pour comprendre que malgré toute l'attirance qu'ils éprouvent l'un envers l'autre, ce ne serait pas forcément une très bonne idée de pousser les choses un petit peu plus loin) :
C'est bien pour cela que je parlais, dès le début, de schizophrénie - ou tout du moins, de ce qui nous semble tel à nos yeux d'occidentaux. Car ce fameux hiatus entre tradition et modernité - qui ne semble en être un que pour nous, d'ailleurs - apparaît présent tout au long du film, ne serait-ce qu'en alternant la séquence d'Ikebana :
Avec ce qui est probablement la télévision la plus trash du monde, quand elle s'y met :
Bref, un film magnifique, à louer ou à acheter de toute urgence !
Et l'ultime séquence (là encore particulièrement bien vue, dans sa compréhension de la psychologie des personnages, tous deux suffisamment intelligents pour comprendre que malgré toute l'attirance qu'ils éprouvent l'un envers l'autre, ce ne serait pas forcément une très bonne idée de pousser les choses un petit peu plus loin) :
D'où ce très chaste baiser, l'acte sexuel le plus osé qu'ils finissent par s'autoriser de façon fugitive (quelque part, c'est donc aussi assez proche de In the Mood for Love de Wong Kar-wai) :
Que dire de plus ? Ah si ! Cette jeune fille très douée a également à son actif le très intriguant Virgin Suicides, son tout premier film basé sur une histoire vraie, ainsi que l'assez controversé, mais tout aussi fascinant Marie-Antoinette...
Autres films du même réalisateur : Virgin Suicides, Marie-Antoinette, Somewhere
10 Comments:
Un article très bien fait sur un film très bien réalisé;
j'ai vu le film dernièrement, il est plutôt calme, apaisant et les deux acteurs ont joué trop bien.
Merci beaucoup ! Et en plus, ça illustre à merveille le sujet de ta dernière conférence, n'est-ce pas ?
C'est vrai que les deux acteurs sont remarquables... Et on peut en dire tout autant du couple royal dans Marie-Antoinette, le dernier film de Sofia Coppola, magistral, dont je vais parler très, très bientôt !!!
je n'ai pas encore vu ce film, mais si tu dis "magistral", je vais le voir. d'ailleurs tous les films que tu as cité dans le blog sont trop bien.alors je te fais confiance :-)
Tout d'abord, merci pour ce vote de confiance !!!
Ah oui, non, vraiment, c'est à voir ! D'une part parce que c'est bien "déjanté" juste ce qu'il faut, à mon sens (ce qui est l'esprit du baroque, quelque part !), mais en même temps ultra-respectueux de l'histoire et des traditions... Pour tout tout dire, ce film rejoint, dans mon panthéon des films historiques (très majoritairement ratés, en général...), le très fameux Barry Lindon de Stanley Kubrick, et l'excellent Vatel de Roland Joffé !
Point final, je n'en vois pas d'autres... Ah si, peut-être Tous les Matins du Monde de je ne sais plus qui, mais à partir du texte de Quignard, c'était également magnifique...
Enfin bon... Rien ne peut remplacer une VRAIE visite de Versailles, le plus beau château du monde, comme chacun sait, lol !!!
je ne l'avais pas vraiment apprécié lors de sa sortie mais avec le temps (et tes articles comme les tiens) je me dis que je devrais le revoir. Je suis sûre que je le comprendrais bien mieux (ça aide d'avoir 23 ans!!!)
http://justarrived.canalblog.com/
C'est sûr, c'est un film auquel on n'accroche pas forcément du premier coup... Mais dans ce cas précis (de même qu'avec Eye's Wide Shut, de Kubrick), je ne suis pas du tout certain que cela aide d'avoir 23 ans, au contraire ! Mais peut-être que je me trompe ?
Une ville démentielle récupérant à la nuit tombée toute une apparence improbable dont on admire les ultimes fumeroles matinales du haut d’un building dont la logistique interne ne fonctionne plus que par des concepts automatisés.
Imitant du mieux possible l’offrande d’une assistance affective qu’elle semble impossible d’offrir de manuelle naturelle.
Coruscant au pays du soleil levant, cité ne semblant jamais finir ne s’exprimant que par l’abondance de ses rues et les extravagances de ses différentes technologies dont la plupart de ses habitants semblent dépendants.
On est ensemble mais toujours sous la dépendance d’un champ d’énergie thématique constitué d’écrans géants, de néons gigantesques et de lumières rouges clignotantes.
Un Karaoké omniprésent nouvelle manne destinée à des esprits ne semblant plus être en mesure de communiquer de manière intérieure.
Une nouvelle expérience dont le but est de sortir de soi en tâtonnant dans un état second la représentation continuelle d’une machinerie toujours courtoise tout en semblant hermétique au top de son décalage et de sa robotisation que l’on découvre éreinté par le décalage horaire.
Quelques heures à se ressourcer à la recherche de repères sensitifs momentanément perdus que l’on partage avec l’autre en lui offrant le temps de quelques confidences le maximum de sa sensibilité sans passer à l’acte.
Et bien, c'est un commentaire, ça... Je ne peux rien dire de plus, mais en tous cas, merci !
merci pour votre "critique" si juste, oui, ce flou, ce flottement... c'est apres coup qu'on en mesure le charme absolu.
Oui, vous avez bien raison, cela repose sur du flou, du flottement, etc... C'est ce qui fait la grande force du film, même tant d'années plus tard !
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