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  • samedi, août 25, 2007

    MYSTIC RIVER (CLINT EASTWOOD)

    Un film vraiment mystique !
    Succédant immédiatement à Créance de Sang, et précédant le très noir Million Dollars Baby, Mystic River (octobre 2003) apparaît comme un film un peu atypique dans la production de Clint Eastwood, notamment par son pessimisme glaçant et désespéré, à l'opposé des morales humanistes de ses opus précédents :
    Le film se déroule en deux phases bien distinctes : l'histoire, tout d'abord, de trois jeunes garçons joueurs et inséparables, comme il en existe des milliards de par le monde, et dont le destin va subitement basculer suite à l'enlèvement de l'un deux (Tim Robbins) par un couple de pédophiles :
    Trois personnages que nous retrouverons bien des années plus tard dans leur vie d'adultes (la partie la plus importante du film), interprétés par un trio de choc : Tim Robbins, Sean Penn et Kevin Bacon (à noter également la présence de Laurence Fishburne, sans doute bien content de se reposer entre deux Matrix) :
    Et là encore, tout le destin des trois personnages va de nouveau basculer suite à l'assassinat sauvage de la fille de Sean Penn :
    Dès ce moment, un nouveau trio s'ébauche donc petit à petit - la victime (Sean Penn), le policier (Kevin Bacon), l'ami (Tim Robbins) -, trio qui va peu à peu se transformer de façon sordide en cet autre : le policier (seul personnage des trois à afficher une certaine constance), le suspect numéro un (Tim Robbins), et le père trop pressé qui va finir, faute de patience, par faire justice lui-même en assassinant son ami d'enfance.
    La difficulté de parler de ce film, c'est entre autres qu'il n'appartient à aucun genre déterminé, même s'il peut tous les évoquer à un moment ou à un autre : ce n'est pas un thriller (malgré quelques scènes assez mémorables), ce n'est pas un polar (même si l'enquête menée par Kevin Bacon et Laurence Fishburne se révèle au final assez tordue), ce n'est pas non plus une peinture sociale (malgré la très parlante vision du Boston ouvrier de l'époque)... Peut-être pourrait-on dire que c'est à la fois un film sur la destinée, la perte de l'innocence, et un film sur la finalement banale naissance de la violence (ce en quoi il se révèle par certains aspects assez proche du futur A History of Violence de Cronenberg) :
    L'un des sommets du film réside dans la terrible confrontation finale, filmée de façon crépusculaire et magnifique, alors même que Clint Eastwood explore là les zones les plus sombres de l'âme humaine :
    Peut-être aussi l'une des morales du film réside-t-elle dans ce que l'on a coutume d'appeler l'effet papillon : le moindre évènement, aussi infime soit-il, peut finalement provoquer des ravages planétaires insoupçonnés. Et comme le suggère Kevin Bacon vers la fin du film, "peut-être qu'en fin de compte, nous sommes tous les trois montés dans cette voiture, ce jour-ci ?" :
    Autre aspect très important du film, c'est tout de même le rôle extrêmement important des femmes, qui constituent elles aussi une sorte de trio parallèle non dénué d'importance, puisqu'elles jouent finalement un rôle crucial dans le passage de Tim Robbins du rôle de simple ami au rôle de suspect, puis de victime expiatoire. La femme de Kevin Bacon (dont il est séparé), muette durant tout le film, et dont on n'aperçoit jamais que ce plan totalement lynchien au possible :
    La femme de Tim Robbins (Marcia Gay Harden, la partenaire de Tommy Lee Jones dans l'excellent Space Cowboys), laquelle est peut-être en fin de compte la plus grande responsable de la condamnation ex abrupto de son mari :
    Et pour finir, la femme de Sean Penn (Laura Linney, qui jouait la fille de Clint Eastwood dans Les Pleins Pouvoirs), d'une froideur et d'un opportunisme à glacer le sang, lorsqu'elle apprend la grossière erreur de son mari, et que l'on constate avec stupeur que c'est finalement le dernier de ses soucis, du moment que sa famille est préservée :
    Au final, un trio entièrement calqué sur le trio masculin, dans sa vision psychologique des personnages : celui/celle qui ne bouge pas (Kevin Bacon/sa femme), celui/celle entièrement dévoré par sa névrose (Tim Robbins/Marcia Gay Harden), celui/celle qui fonce tête baissée, et choisit toujours la solution la plus rapide, même si ce n'est pas forcément la bonne (Sean Penn/Laura Linney).
    Pour la route : les deux dernières images du film, magistrales d'éloquence et de concision. La première, qui hélas nous laisse supposer que toute la violence initialement engendrée par le kidnapping de Tim Robbins n'est certainement pas prête de s'arrêter, bien au contraire :
    La seconde, à l'image du titre : cette rivière large, immense, peut-être mystique, qui se charge de tout engloutir, les hommes, les cadavres, les souvenirs, qui était là des milliers d'années avant nous, et le sera encore bien après :
    Bref. Un film magique, fascinant, maîtrisé de A à Z, par contre à ne pas voir si vous êtes dans une phase dépressive, c'est clair...
    Petit P.S à l'intention de mes amis musiciens : je ne sais pas si cela vous aura sauté aux oreilles autant qu'à moi, mais depuis que Clint Eastwood ne travaille plus avec son fidèle compositeur de toujours, Lennie Niehaus, il s'est pour une fois targué d'écrire la musique du film... En commettant impunément ce que l'on peut bel et bien qualifier de plus énorme faute d'harmonie du monde, à juste titre, d'ailleurs, tellement c'est laid (le genre de faute pour laquelle on se fait virer du Conservatoire à peine après y être rentré). Je vous laisse deviner laquelle - sachant qu'au moins l'une de mes amies a repéré l'erreur instantanément !

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    4 Comments:

    Anonymous Anonyme said...

    Il serait mieux de dire, lorsque tu parles des femmes :

    "et DONT l'on constate que c'est finalement le dernier de ses soucis"

    Sinon, cette critique fait tout a fait remonter le film dans la memoire.

    D.F

    mardi, 28 août, 2007  
    Blogger Vincent said...

    Bon, je ne suis pas convaincu (mais je crois que les deux options se valent, en fait)...

    Mais cette critique ne me satisfait toujours pas, je ne sais pas pourquoi...

    mardi, 28 août, 2007  
    Anonymous Anonyme said...

    Commentaire pour tous les internautes qui vont ainsi pouvoir apprendre l'harmonie, lol : une fois n'est pas coutume, j'apporte mon grain de sel à la fin de cet article : c'est qu'il y a une méga méchante putain de doublure de la sensible par la basse dans cette musique de film, lol !!!
    En clair pour les non-musiciens (amateurs ou pro !) : la sensible, c'est une note qui donne envie d'écouter la suite, c'est comme le sel dans les chips : juste assez pour donner envie d'en reprendre, pas trop pour ne pas écoeurer... Imaginez qu'on mette 2 fois la dose de sel, ça casse tout, les chips sont mortes. On peut aussi faire un parallèle avec le hoummos, le tarama, le guacamole, la bouffe, l'art en général : tous les ingrédients qui apportent un peu de relief, de piment, de contraste, etc... doivent toujours être utilisés avec modération, dosés subtilement, sinon ça casse l'effet, ça devient vomitique...
    Alors en principe, en musique, la sensible ne doit pas être doublée. C'est-à-dire que si elle apparaît à la basse, elle ne doit pas figurer dans la ligne mélodique, et inversement... C'est ça la boulette !

    jeudi, 30 août, 2007  
    Blogger Vincent said...

    Merci à toi (héhé, je sais qui c'est), et bravo pour le travail de pédagogie: on sent bien les années de professorat derrière!

    vendredi, 31 août, 2007  

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