Pour une fois, je ne vais pas vous parler directement de cet art, mais plutôt d'une langue de temps en temps utilisée dans ce milieu, qui n'est pas spécialement facile, soyons clair... Le simple côté où elle s'avère fort simple, c'est dans sa prononciation, encore plus limitée que le français - qui se révèle déjà très pauvre, comparé à l'anglais ou au chinois.
Par contre, il en va tout autrement de l'écriture, particulièrement complexe du fait qu'elle utilise non seulement 1920 caractères de base (sans parler des autres, heureusement plus rares !), mais se sert aussi de deux tables d'écriture élémentaires, le Katakana et le Hiragana.
Je ne vais pas parler du Katakana, un syllabaire bien particulier, qui ne sert qu'à retranscrire les noms d'espèces biologiques, les onomatopées, ou encore les mots d'origine étrangère :
Par contre, il est important de citer le Hiragana, un syllabaire très utilisé soit pour faire le résumé d'un mot japonais trop difficile à mémoriser, soit tout simplement pour écrire les particules grammaticales - telles que kara, no, wa, etc...
Vous allez le rencontrer si souvent qu'il est essentiel de bien le mémoriser - et vous allez voir, ce n'est pas si difficile que cela, vu qu'il n'y a au départ que 49 représentations :
Pour en arriver, aujourd'hui, à 46 images :
Avec même, pour les amateurs, l'ordre du tracé :
Voyons maintenant quelques-uns des films les plus prestigieux que cela concerne directement...
1) En commençant bien sûr avec l'un des mieux renommés au Japon, BATTLE ROYALE, le dernier Opus de Kinji Fukusaku tourné en l'an 2000, juste avant sa mort - qui comme par hasard, a permis à Takeshi Kitano de passer du métier d'acteur à la réalisation :
C'est un film absolument inclassable, basé sur la lutte pour la vie de quarante écoliers, dont seuls deux vont réussir à passer au travers - ce qui est bien entendu interdit, puisque le souhait initial est d'un seul élève. Vous allez voir, c'est fascinant !
2) L'on poursuit naturellement avec Takeshi Kitano, aujourd'hui le plus réputé des réalisateurs japonais, qui fut dès le départ assez célèbre grâce à Violent Cop et Hanabi, mais connut un véritable succès avec ZATOICHI (2003), le plus réputé de tous. Cela parle des samurais, certes, mais surtout de Zatoichi lui-même, un aveugle virtuose qui trace son chemin comme il l'entend, avec son charisme habituel - interprété bien sûr par Takeshi Kitano :
3) Histoire de faire une pause, nous passons cette fois à une réalisatrice américaine, Sofia Coppola, qui tourna son second Opus en 2003 en plein cœur de Tôkyô, LOST IN TRANSLATION, juste après Virgin Suicides. Ceci lui rappelle une ville qu'elle a bien connue, et elle est célèbre pour son titre "Perdu dans la traduction", qui utilise son propre scénario pour mettre en scène ces deux monstres du cinéma, Bill Murray et Scarlett Johansson. Ils jouent les rôles d'américains perdus dans la société japonaise, sans jamais aller plus loin que ce qui est permis, et c'est absolument remarquable... Du reste, cela valu à cet Opus de décupler son faible budget initial, ainsi qu'une quinzaine de récompenses pour les deux acteurs et Sofia Coppola :
4) J'en viens maintenant à un cinéaste américain bien plus sérieux, Edward Zwick, qui a tourné l'un de ses meilleurs films en 2003, se basant sur l'évènement historique de la rébellion de Satsuma - une bataille au Japon entre les Shôguns, un soldat américain et l'armée impériale en 1877, qui devait se terminer hélas relativement mal. THE LAST SAMURAI se base entièrement sur la réalité, incarné tout à la fois par Ken Watanabe et Tom Cruise, jouant les rôles du dernier samouraï et du capitaine Nathan Algren.... Personnellement, je pense qu'il s'agit vraiment de son chef-d'œuvre :
5) Et pour finir, concluons avec le grand Opus d'Akira Kurosawa, bien plus ancien (1980), qui remporta à l'époque la palme d'Or de Cannes, et fût à ce moment le plus coûteux jamais réalisé au Japon. Je veux bien sûr parler de RAN (Chaos, en français), un film basé au départ sur le livre de Motonari Môri (1497-1571) et l'histoire de trois fils d'un Daimyo, mais qui se mit très vite à ressembler davantage à la tragédie King Lear de William Shakespeare (1564-1616), plus connue en Occident. Il est inutile que je vous cite les acteurs célèbres de ce temps, mais vous connaissez forcément Rashômon, Shichinin no samurai ou Kagemusha, leur directeur Akira Kurosawa ayant pratiquement tourné autant de chefs-d'œuvre que Stanley Kubrick :
Je ne vous ai certes pas parlé de tous les films concernant le Japon, mais il me reste au moins ceux-ci à mentionner - vu qu'il en a déjà été question sur mon site...
Vous en ai-je assez dit sur ces Opus - et suscité des commentaires de votre part ? En tous cas, une chose est certaine, même si vous ne parlez pas du tout cette langue : il vaut toujours mieux regarder ces films en VO, le doublage en français étant (souvent) très mal fait !
Pour une fois, je publie cet article pour l'anniversaire de Chah, une amie résidant à Grasse, servant de professeur à de nombreux élèves, et en outre ayant le temps de consulter mon site, y laissant souvent des commentaires éloquents...
Je suis donc fort content de lui adresser cet article précisément le 15 juin, car il concerne l'un des plus grands films de cette planète, Ran, qui je l'espère lui plaira énormément. Bon anniversaire, Chah !
Tourné juste après Kagemusha, qui lui valu la Palme d'Or de Cannes en 1980, Ran (qu'on peut traduire en français par Chaos) marque enfin le retour d'Akira Kurosawa en 1985 parmi les plus grands cinéastes du monde, cette fois-ci soutenu financièrement par les deux français Serge Silberman et Daniel Toscan du Plantier.
Avec un budget franco-japonais de 12 millions de dollars, c'était à l'époque le film le plus coûteux jamais produit par un réalisateur de ce pays, et surtout l'un de ceux travaillé dans le domaine du storyboard en peinture depuis 1976 par Akira Kurosawa lui-même - ce qui a été publié plus tard sous forme de livre.
Au départ, cet Opus s'inspirait surtout de l'histoire bien réelle du daimyo Motonari Môri (1497-1571), dont les trois fils furet encouragés à travailler ensemble pour la prospérité du clan. Mais cela ressemblait de plus en plus à la pièce Le Roi Lear écrite autour de 1605 par William Shakespeare, de sorte que Kurosawa finit par indirectement l'intégrer au film - bien que sa façon de traiter du chaos engendré par les trois hommes représente également une assez virulente critique de l'état japonais, qui l'a fait beaucoup souffrir les années précédentes.
A la place de Motonari Môri, nous rencontrons donc le daimyo Hidetora Ichimonji (Tatsuya Nakadai), qui s'expose dès le début avec ses trois fils, dont le plus âgé se nomme Taro (Akira Terao)... On a ici l'ordre des couleurs, allant du jaune pour l'aîné au bleu du frère cadet, ce qui contribuera beaucoup à l'ordre du film, chacune des armées étant vêtu de la même teinte :
Aussitôt suivi par Jiro (Jinpachi Nezu) et enfin le plus jeune Saburo (Daisuke Ryû)... Mais celui-ci se révolte naturellement contre le test des trois flèches, théoriquement impossibles à briser ensemble, et est aussitôt banni par Hidetora :
Heureux pour Saburo qu'il se retrouve appuyé par Fujimaki (Hitoshi Ueki), daimyo théoriquement opposé, qui a toutes les chances de devenir un jour son beau-père :
Il reste à Hidetora à rencontrer l'épouse de Taro, la dame Kaede (Mieko Harada), bien plus manipulatrice qu'elle ne le paraît au premier abord :
En fait, la véritable intention de Kaede - liée à l'extermination de toute sa famille autrefois par Hidetora - est d'éliminer ce dernier en lui faisant signer avec son sang un simple papier, qui assure désormais à Taro de prendre la totale direction du clan :
Furieux, Hidetora se rend alors au second château, celui de Jiro, où il commence à discuter avec Sue (Yoshiko Miyazaki), l'épouse de ce dernier - dont il a aussi massacré toute la famille, mais qui s'est tournée vers le bouddhisme et lui a pardonné, contrairement à Kaede :
Mais Jiro est fort peu sympathique, et expulse Hidetora du second château, sans même lui donner d'explication :
Entouré de son fidèle bouffon Kyoami (Shinnosuke Ikehata), Hidetora se retrouve en train d'errer dans les plaines, à la recherche de nourriture :
Lorsqu'il parvient enfin au troisième château, celui de Saburo, il constate que ce dernier n'est plus là, et s'apprête à vivre l'une des attaques les plus terribles de Taro :
En fait, Saburo s'est rendu chez Fujimaki, son futur beau-père, laissant dans le château Hidetora à la merci des deux armées qui se sont engagées, celle de Taro et celle de Jiro :
Il assiste alors impuissant à la dégradation du château par les troupes concernées, qui se conclut avec le massacre de plusieurs de ses gardes du corps, le suicide de leurs concubines, et au final par l'incendie volontaire du château :
Finalement, Taro - le plus âgé et le plus puissant des trois héritiers - est abattu par un arquebusier embusqué dans l'une des tours :
A partir de là, la scène se déroule dans le plus grand silence, montrant non seulement les trajectoires insensées de différentes flèches, mais surtout la descente du château en flammes par Hidetora - ce qui est en quelque sorte pour Kurosawa la façon de nous montrer en quoi l'être humain peut facilement se révéler fou ou insensé :
Ne sachant plus où aller, Hidetora marche quelque temps sur les pentes herbeuses de la montagne, puis se rend accompagné de son bouffon Kyoami dans la hutte de Tsurumaru (Mansai Nomura), frère de dame Sue :
Sue est également présente, mais ce sont les dires de Tsurumaru qui toucheront le plus profondément Hidetora, en lui parlant non seulement de la destruction totale de sa famille, mais aussi du fait qu'il lui ait crevé les yeux :
Tout comme sa sœur, Tsurumaru s'en désintéresse, ayant au passage découvert la flûte comme moyen d'expression - superbe musique de Tôru Takemitsu, qui joue ici avec les traditions japonaises et anciennes d'une façon très efficace :
C'est alors que Kaede, l'épouse de Taro provisoirement en deuil, tente de séduire le désormais daimyo Jiro, et fait preuve immédiatement de son caractère bien tranché :
Une fois tout ceci réussi, elle en vient au point essentiel pour elle : comment se débarrasser de Sue, la femme officielle de Jiro ? Et elle n'a bien sûr qu'une seule chose en tête :
Pendant tout ce temps, Hidetora bascule vers la folie, seulement accompagné par son bouffon Kyoami, qui s'amuse comme il peut avec sa tête :
Façon plus ou moins ironique de conduire le spectateur à voir ce que recherche effectivement Kaede, la tête de Sue... Et l'attitude faussement surprise du maître d'armes de Jiro, Kurogane (Hisashi Igawa), qui a l'air très étonné du changement du crâne de Sue en simple pierre - bien qu'il cite, comme par plaisir, des cas similaires déjà réputés :
Du coup, Kyoami dit des choses bien plus ironiques à Hidetora, qui nous laissent de plus en plus penser qu'il est devenu fou :
C'est alors que se prépare en toute apparence le piège de Jiro envers Saburo - qui en réalité est puissamment élaboré par Kaede :
En fait, il s'agit tout simplement de persuader Saburo que Jiro lui donne l'autorisation d'aller chercher leur père Hidetora - ce qui dans un premier temps a l'air de bien se passer :
Mais la réalité est toute autre, et se trahit par l'intention de Jiro de tuer tout à la fois Saburo et Hidetora - ce qui le laissera le seul daimyo :
Saburo se pointe alors à l'extérieur, tentant de montrer sa grande fidélité au désespéré Hidetora :
Mais c'est au même moment que Jiro décide d'envoyer ses hommes, dont des centaines vont être tués par les guerriers de Saburo, habilement dissimulés au sein de la forêt...
Dans cette scène, se révèle encore plus nettement que dans l'attaque du second château l'opposition entre les couleurs rouge et bleu - une grande spécialité d'Akira Kurosawa... La première est liée à la violence, à la passion et au sang, la seconde davantage proche de l'humanité, avec son côté plus calme et serein :
Si vous souhaitez assister à cette dernière bataille, allez-y :
En apparence, cela a l'air de bien finir, avec la victoire de Saburo, confronté à Hidetora qui semble avoir retrouvé ses esprits :
Mais ce n'est bien sûr qu'une illusion... Saburo est tué à son tour par les arquebusiers de Jiro, un corps sur lequel tombe aussitôt celui d'Hidetora, qui mourra dans les quelques minutes à suivre :
Jiro, qui se pense de nouveau le seul daimyo, n'attend que deux choses avec une grande impatience - les crânes respectifs de Saburo et Hidetora :
Est-ce là le point commun avec la précédente livraison de la pierre à dame Kaede ? En tous cas, celle-ci dévoile enfin sa véritable intention dès le départ, récupérer le château de ses parents, et diviser les fils de Hidetora au point qui l'arrange le plus...
Irrités par cette révélation et la haine inattendue qu'elle dévoile, Jiro et son maître d'armes Kirogane se jettent sur elle, et sans aucune compassion la décapitent :
Il ne reste plus qu'une chose : la débâcle de l'armée de Jiro, qui est certes suggérée, mais pas montrée effectivement :
Comme ultime plan, nous n'avons que celui-ci : Tsurumaru errant sur les ruines du château de son père... Et laissant tomber dans le vide - comme par hasard - le dessin qu'il a de Bouddha protecteur :
Que dire d'autre sur cet Opus ? Pour une fois, je ne vais pas vous diriger vers Wikipédia, mais plutôt sur cet article passionnant et comportant de nombreuse photos éloquentes, dû à Ronny Chester : RAN... Il raconte les points que je cite, mais d'une façon bien meilleure, et peut-être plus adaptée à quiconque a déjà vu le film plusieurs fois.
En tous cas, je trouve là l'un des meilleurs cinéaste du monde, Akira Kurosawa, face auquel je n'ose placer qu'un seul et unique maître : Stanley Kubrick (1928-1999)... Je ne le regarde pas ce film aussi souvent qu'il le mérite, mais à chaque fois, cela représente une expérience unique et considérable !