Il s'agit d'un film sorti en 2009, la même année que Gran Torino et deux ans avant le stupéfiant J. Edgar, un autre biopic, qui nous parle - d'une façon assez inattendue - du rôle du rugby dans la toute récente nomination en tant que président d'Afrique du Sud de Nelson Mandela - dit aussi Madiba par ses plus proches.
Comme vous le savez sans doute, il est très rare que je m'intéresse à ce genre de pratique, de même qu'au football ou à la boxe. Mais de même que Raging Bull (1980, Martin Scorsese) ou Ali (2002, Michael Mann), cette œuvre nous montre l'importance de ce sport dans la compréhension du régime totalitaire, fasciste et raciste, qui régna de nombreuses années dans ce pays.
De plus, c'est encore une fois réalisé par Clint Eastwood, basé sur le livre de John Carlin décrivant en 1994 la montée au pouvoir de Nelson Mandela grâce à la Coupe du monde, Playing the Enemy, Nelson Mandela and the Game that Made a Nation. L'on y retrouve encore une fois sa façon très particulière de filmer, et de nous émouvoir dès le début, montrant la distinction entre noirs et blancs - qui existe en Afrique du Sud depuis une éternité :
Cela est bien vu par certains, mais visiblement pas par tout le monde :
Pour tous ceux qui connaissent mal la vie de Nelson Mandela (brillamment interprété par Morgan Freeman), je vous conseille vivement de vous rendre sur les pages de Wikipédia. Toujours est-il que cet homme connut 27 ans de prison, dont il sortit en 1990, jusqu'à devenir chef d'état en 1994 :
Lorsque Nelson Mandela s'entretient avec Jason Tshabalala (Tony Kgoroge), son principal responsable de la sécurité, il veut absolument la fin de l'apartheid, et compte beaucoup sur l'ancien gouverneur blanc, Frederik de Klerk et ses hommes de main :
Mais il ne pourra y parvenir que grâce à ce sport fondamental, le rugby, porté par la troupe nationale majoritairement blanche des Springboks, baptisée ainsi par amour pour les antilopes d'Afrique :
C'est le moment précis où nous découvrons le chef de l'équipe Francois Pienaar - joué remarquablement par Matt Damon, qui remporta aux Oscars le prix de meilleur second rôle masculin :
Magistralement filmé par Clint Eastwood, ce premier match contre l'Angleterre fut hélas assez peu flatteur, entrainant de nombreuses complications de par le monde entier :
A tel point que ce que l'on voit dans un premier temps, c'est la volonté du Comité des sports sud-africain - récemment dominé par les noirs - de débaptiser les Springboks, au profit de Protea, une plante typique de la région :
Mais Nelson Mandela n'est pas du tout d'accord avec cette idée, et à la surprise générale, il va finir par faire basculer tout le monde de son propre côté :
Vient alors le moment où il décide d'inviter Francois Pienaar à boire le thé chez lui - ce dont tout le monde est très fier :
Et de lui révéler sa vraie pensée, celle de participer à la Coupe du monde de rugby en 1995, où l'éventuelle victoire des Springboks serait un énorme pas en avant concernant l'unification et l'inspiration du pays tout entier :
Mine de rien, cela envahit de plus en plus le crâne de Francois Pienaar, qui finit par persuader toute l'équipe des Springboks de gagner :
Ce pourquoi il va tout d'abord se rendre avec ses hommes dans les villages fondés par l'apartheid dès 1948, allant même jusqu'à se montrer enthousiastes vis à vis des jeunes noirs et de leur goût montant pour le rugby :
Ensuite, ils vont contre toute attente gagner face à la France (et oui, c'est bien possible !), ceci sous une pluie exécrable, puis contre l'Australie et ses Wallabies, jusque là champions du monde :
Sans compter avec le survol inattendu de la piste par un avion d'Afrique du Sud, qui contrairement à ce que laisse supposer le film dans un premier temps, se rend ici dans un but non seulement pacifique, mais en prime très encourageant pour les Springboks :
Nous en sommes ainsi au dernier match contre la Nouvelle-Zélande et les All Blacks, lequel va se présenter durant longtemps comme la grande supériorité de ces derniers face aux Springboks :
Mais leur reste une dernière possibilité, celle d'une prolongation du match grâce à un drop goal (coup de pied tombé) du demi d'ouverture Joel Stransky (Scott Eastwood) :
Et celui-ci va marquer l'ultime but, portant le score à 15-12 contre les All Blacks, ce qui est tout à la fois improbable et inattendu pour Nelson Mandela, qui va remettre personnellement à Francois Pienaar la Coupe du monde William Webb Ellis :
Contrairement au football, ce sport qui peut paraître très violent sur le terrain se conclut toujours par une bonne et vraie amitié - et celle-ci ne se borne pas, comme le prétend le journaliste anglais, au 65000 personnes présentes dans le stade, mais bel et bien aux 43 millions de Sud-Africains :
C'est le dernier entretien entre Francois Pienaar et Nelson Mandela - avant que celui-ci ne termine en voix off, citant le poème Invictus de William Ernest Henley et ses deux derniers vers, "Je suis le maître de mon destin, je suis le capitaine de mon âme" :
Un film magnifique, n'est-ce pas ? Inutile de préciser que cet Opus n'a pas très bien marché aux Etats-Unis, qui comme chacun sait, reste toujours un pays profondément raciste... Mais il a remporté une grande victoire en France (3 millions d'entrées) et dans le reste du monde, ce qui lui a permis finalement de bien récupérer son budget initial de 60 millions de dollars.
Et bien sûr, National Board of Review Awards de janvier 2010 a attribué le titre de meilleur réalisateur à Clint Eastwood, et le prix de meilleur acteur à Morgan Freeman - qui étrangement, ressemble pas mal du tout au vrai Nelson Mandela, vous ne trouvez pas ?
En tous cas, c'est un excellent biopic, qui deux années avant le sublime J. Edgar, va définitivement marquer la tendance actuelle de Clint Eastwood de se consacrer à la vie de gens réellement importants - comme il l'avait déjà fait il y a bien longtemps avec Bird, un film dédié en 1988 à Charlie Parker !
Ceci est le dernier film de Clint Eastwood que je possède en DVD, et l'on peut fort justement remarquer qu'il s'agit - au moins - du quatrième biopic tourné par le maître, à la suite de Bird (1988, Charlie Parker), Changeling (2008, Christine Collins) et Invictus (2009, Nelson Mandela). Ce dernier est relativement ambigu, car il parle en 2011 de la vie de John Edgar Hoover, qui fut durant 48 ans directeur du FBI (Federal Bureau of Investigation), et se montra en tant que tel difficile à cerner, très autoritaire, et selon certains corrompu par des pulsions sexuelles inhabituelles.
En 1924, il est nommé - à seulement 29 ans - comme directeur du BOI, le Bureau of Investigation, prédécesseur du fameux FBI. Je ne vous prive pas du plaisir de découvrir ce trailer, montrant Leonardo DiCaprio sous un jour bien différent qu'habituellement :
Le film démarre le 2 juin 1919, jour où huit bombes explosent dans sept villes américaines, dues à des anarchistes étrangers :
J. Edgar Hoover (Leonardo DiCaprio) se trouve déjà au poste crucial de directeur du General Intelligence Division, puis il devient en 1924 directeur du FBI, se livrant à toute sorte de classifications, avec l'aide des Palmer Raids - un groupe anticommuniste de l'Etat :
Sa première et ultime secrétaire de 1918 à 1972 sera Helen Gandy (elle aussi interprétée par la brillante Naomi Watts, tout autant défigurée que Leonardo DiCaprio pour se rendre conforme aux personnages) :
Dernier rôle très important, celui de sa mère omniprésente, Anne Marie Hoover (Judi Dench), chez qui J. Edgar Hoover vivra en permanence, en subissant sa profonde influence :
En ces années, il crée un fichier gigantesque et précis sur tous les gens appartenant à des groupes radicaux - qu'il est capable d'explorer en quelques minutes :
Il le montre immédiatement à Helen Gandy, et en profite - selon sa mère - pour la demander en mariage, chose qui finalement ne va pas du tout se réaliser :
Enfin se déroule le procès de tous ceux qui ont participé à l'envoi des bombes en 1919, auquel très peu de gens vont se désister :
J. Edgar Hoover revendique lui-même sa participation à sa lutte contre le communisme et l'anarchisme, tout en exigeant le port des armes pour tout ses hommes, et - plus curieusement - demandant l'absence de recrutement des femmes en ce même domaine :
L'un des points capitaux de sa carrière fut, en 1932, l'enlèvement - et le meurtre - du bébé de Charles Lindbergh (Josh Lucas), un aviateur de haute renommée, qui fut en 1927 le premier à rallier New York à Paris en 33 heures, à bord de Spirit of Saint Louis :
Cela va prendre deux années avant d'être résolu, mais cela permettra à J. Edgar Hoover de réorganiser les procédés utilisés, jusqu'alors plutôt lamentables et heurtés de tous les côtés :
Il obtient ainsi la même année le vote positif du Federal Kidnapping Act - lequel se trouve d'ailleurs rebaptisée loi Lindbergh -, en bénéficiant du soutien de l'actuel président, Franklin Roosevelt :
Le drame de Charles Lindbergh est bientôt connu du monde entier grâce à la télévision, mais il faudra hélas attendre jusqu'en 1934 pour que l'on retrouve le corps de l'enfant, et qu'on arrête du même coup le principal responsable :
A la même époque, sa mère - dont il habite toujours la maison - commence à se sentir très mal :
Rapport ou non ? En tous cas, le refus de J. Edgar Hoover d'accompagner agréablement des femmes se révèle de plus en plus marqué, ceci sans la moindre condescendance :
Ce que lui confirme aussitôt sa mère, qui préfèrerait cent fois avoir un enfant mort plutôt qu'un homosexuel travesti :
Enfin, en 1934, J. Edgar Hoover finit par arrêter Bruno Hauptmann (Damon Herriman), ce qui s'ensuivit par ce que l'on surnomma le "procès du siècle", et se termina en avril 1936 par son exécution sur la chaise électrique :
Petite astuce de Clint Eastwood : d'un seul coup, il fait une brève allusion à l'assassinat du président John F. Kennedy, à Dallas le 22 novembre 1963 - et surtout de la conversation entre son frère et J. Edgar Hoover :
Mais ceci retourne immédiatement vers le début en 1930, date à partir de laquelle le second directeur du FBI, Clyde Tolson (Armie Hammer) est très présent, et l'on découvre seulement à ce moment son homosexualité, qui pourrait l'unir à J. Edgar Hoover... L'on n'en est pas sûr et certain, tant le tabou est vaste aux Etats Unis, mais Clint Eastwood le prend extrêmement au sérieux :
Depuis qu'ils se connaissent, J. Edgar Hoover et Clyde Tolson passent toujours des vacances ensemble, et vont au restaurant pratiquement tous les jours de la semaine :
Malgré quelques scènes - très rares - de bagarre, le plus grand souci de J. Edgar Hoover reste bien sûr la bonne santé de Clyde Tolson :
L'on se retrouve ainsi lors du procès de Bruno Hauptmann, qu'il gagne sans le moindre problème en 1934 :
Puis peu de temps après, sa mère meurt en 1938, le poussant un bref moment à se travestir en privé - phénomène qu'il rejette immédiatement, en se disant à lui-même "sois fort" :
Avant qu'il ne meure à son tour, J. Edgar Hoover se trouve confronté à tout ce que sait Clyde Tolson sur un certain nombre de faits qui lui sont faussement attribués - tels de nombreuses arrestations -, ou encore de chantage envers de multiples sénateurs, de persécution politique, et de corruption avec la mafia :
En 1972, sa secrétaire Helen Gandy apprend ainsi définitivement sa mort, due à une attaque cardiaque liée à sa maladie cardio-vasculaire :
Comme elle le connaissait depuis très longtemps, elle se dépêche de faire disparaître les fichiers confidentiels et personnels, dont elle connaissait l'importance à partir de son début en 1918 :
En 1975, son grand ami Clyde Tolson meurt à son tour, et fut enterré à quelques mètres de J. Edgar Hoover dans le cimetière du Congrès, situé à Washington.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais pour moi, c'est un film extraordinaire, dont le charme vient en grande partie de la vie complexe de J. Edgar Hoover, mais aussi à l'interprétation fascinante de Leonardo DiCaprio, ainsi qu'à ces trois grands professionnels que l'on retrouve avec plaisir, Naomi Watts, Judi Dench et Armie Hammer... Après ma présente (et assez mince) analyse de Bird (1988), je vais de nouveau me pencher sur un autre biopic de Clint Eastwood, nettement plus positif, Invictus (2009). J'espère que vous l'apprécierez tout autant que celui-ci, et que pour une fois, vous oserez laisser un commentaire !