Je dois dire que ce film de 2011, soit deux ans avant The Wolf of Wall Street, est tout simplement exceptionnel, et apparaît comme l'une de ses œuvres les plus positives et les plus optimistes... Il y a une bonne raison à cela: après la naissance de sa fille Francesca en 1999, Martin Scorsese voulait absolument réaliser un Opus qu'elle puisse voir sans problème, et il eut la très bonne idée de se baser sur le roman illustré pour enfants L'Invention de Hugo Cabret, de Brian Selznick.
En outre, ce livre s'inspire de la vie de Georges Méliès (1861-1938), l'un des grands créateurs du cinéma avec les frères Lumière - tous trois français, ais-je besoin de le préciser ? -, et ce fut une grande inspiration pour Martin Scorsese, qui déclara sans hésiter :
"En tant que cinéaste, j'ai le sentiment que l'on doit tout à Georges Méliès. Et quand je revois ses premiers films, je suis ému, ils m'inspirent, parce que cent ans après leur création, ils font toujours naître ce frisson lié à l'innovation et à la découverte. Méliès a inventé et exploré la plus grande partie des techniques que nous utilisons aujourd'hui. Les films fantastiques et les films de science-fiction descendent de Méliès. Tout était déjà dans le travail de ce précurseur".
Aucune raison de se faire du souci, donc, et profitons-en pour rendre ce tournage aussi agréable que possible - avec le grand maître sur la gauche, bien sûr :
Cela commence avec le personnage principal, Hugo Cabret, qui après un début chaotique avec son père puis son oncle, se met à vivre tout seul dans la gare Montparnasse, entretenant et réparant l'horloge :
Il est à noter que l'acteur - Asa Butterfield - n'avait que 13 ans à l'époque, et que malgré ses débuts dans le cinéma, il était véritablement excellent. Et je dois avouer que ses yeux me semblent incroyables, dignes de ceux tout aussi fascinants de Jodie Foster :
Au départ, le seul ennemi auquel il doit se confronter est l'inspecteur de la gare Gustave (Sacha Baron Cohen) et son doberman Maximilien, ce qui n'est pas spécialement facile :
Vivant en grande partie de petits vols, Hugo se trouve vite confronté au principal vendeur de la gare, un certain "Papi Georges" (Ben Kingsley) - qui en fait se révèle être le véritable Georges Méliès, ce que nous ne découvrirons que bien plus tard dans le film :
Ils se vouent dès le début une antipathie acharnée, mais sans que l'on sache vraiment pourquoi, cela se calme avec le découverte de l'un des premiers films de Louis Lumière, L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat - daté de 1895, et effrayant tous les spectateurs, bien au-delà de ce l'on pouvait imaginer :
Durant tout ce temps, Hugo se rend à la bibliothèque, où il finit par rencontrer la filleule de Papi Georges, Isabelle, une jeune fille avec laquelle il s'entend très bien - ce qui est finalement assez normal, puisque son interprète, Chloë Grace Moretz, avait exactement le même âge que lui, soit 13 ans :
Son grand projet reste de réparer un automate créé par son père, et ils vont finalement y parvenir... Sans que l'on sache vraiment comment ni pourquoi, l'automate se met à dessiner la lune détruite par une bombe - une œuvre que Hugo connait très bien, et qui est le tout premier film de science-fiction, dû à Georges Méliès en 1902 :
Il se revoit pour un temps avec son père horloger (Jude Law), en train de tenter une réparation de l'automate - sans bien avoir ce qui se passe en réalité :
Mais il le découvre subitement avec Isabelle et René Tabard (Michael Stuhlbarg), un expert cinématographique vénérant Georges Méliès, leur projetant son fameux film Le Voyage dans la Lune, hélas convaincu comme tout le monde que leur auteur était mort au cours de la Première Guerre mondiale :
Fort heureusement, ce n'est pas vrai du du tout, et Hugo tout comme Isabelle commence à se douter de la véritable identité de Papi Georges :
C'est le moment précis où Hugo se trouve livré à un cauchemar terrible d'un train arrivant gare Montparnasse - une scène magistralement filmée par Martin Scorsese, qui a nécessité une locomotive de 4,5 mètres de long, quatre mois de travail pour un plan d'à peine deux secondes, et décrit en réalité le réel accident du 22 octobre 1895 !
Vous avez vu ? L'image du film est pratiquement la même que la photographie réaliste qui a été prise à l'époque, ce qui est tout simplement incroyable !
L'on pourrait dire que l'histoire est presque terminée... Mais il reste encore à Hugo de découvrir qui est Georges Méliès, autrement dit le fameux Papi Georges. Au départ, ce dernier apparaît assez consterné que l'enfant ait percé tous ses secrets, mais il finit par s'y habituer, et lui raconte peu à peu toute son histoire - autrement dit, celle de son atelier et des nombreux films qui y ont vu le jour :
Dernier drame : la surveillance de Gustave reprend de plus belle, contraignant Hugo à fuir dans l'escalier de la fameuse horloge, jusqu'à se retrouver lui-même pendu à ses aiguilles... Mais heureusement, Georges Méliès est là, et contrairement à son attitude originelle, il parvient à faire libérer Hugo de la traque de ce dernier - qui au final s'avère plutôt content :
Merveilleux, n'est-ce pas ? Il ne fallait que cela pour redonner à Georges Méliès sa confiance en lui, et lui offrir en guise de remerciement toute une soirée consacrée à lui-même et à son œuvre, ce qui est la moindre des choses :
On y voit bien sûr certains de ses films les plus connus, allant de ses origines et des nombreuses actrices (dont sa femme) jusqu'à ses remises en couleur - ce qui fut évidemment le cas pour Le Voyage dans la Lune :
Mais laissons le très souriant Martin Scorsese nous donner - en partie - un certain nombre d'explications à cet Opus, reliant tout à la fois les films fantastiques, les effets spéciaux, le jeu des acteurs, tout ceci étant en grande partie dû la création et au testament de Georges Méliès :
Je dois donc comme d'habitude rendre hommage à Martin Scorsese, qui une fois de plus nous donne un film inoubliable, honorant l'un des créateurs du cinéma, et d'une façon bien différente de ce qu'il avait l'habitude de faire - sauf peut-être dans After Hours de 1985, un Opus complètement surréaliste !
Il me faut aussi remercier Allociné, grâce à qui j'ai pu emprunter la plupart de ces photos, car hélas je ne possède pas ce film en DVD, et je n'ai pu le voir qu'avec la bonne volonté d'ARTE, qui l'a programmé en octobre 2024. En tous cas, je souhaite beaucoup que vous le regardiez de vos propres yeux, et que vous y laissiez un petit commentaire, ne serait-ce qu'en guise de respect à Georges Méliès !
Il m'est très difficile de vous parler de ce film sorti en 1980, pour différentes raisons... 1) Il s'agit d'un véritable biopic sur le boxeur Jake LaMotta, mort il y a seulement quelques années 2) C'est le quatrième Opus du désormais célèbre Robert De Niro, qui a déjà tourné dans Mean Streets, l'impeccable Taxi Driver, et New York, New York, tous les trois de Martin Scorsese 3) C'est le seul film de ce dernier entièrement réalisé en noir et blanc - sous le prétexte de couleurs assez ternes -, et d'autre part sur une forte dépendance à la cocaïne, doublée d'une grande dépression liée à son divorce et le faible succès de ses films précédents.
Inutile de dire que Robert De Niro a énormément participé à cette œuvre, qu'il a lui-même développée à partir de 1974, alors que le sujet - celui de la boxe - ne semblait pas intéresser outre-mesure Martin Scorsese. En outre, il s'est livré à près de 1000 combats avec Jake LaMotta lui-même, ce qui a fait dire à ce dernier qu'il était "quasiment professionnel".
Peut-être est-ce la raison pour laquelle le titre du film apparaît en couleur, ce qui reste limité à quelques uniques plans - heureusement accompagnés par le fameux opéra Cavalleria rusticana de Pietro Mascagni (1863-1945) :
En tant que biopic, l'œuvre n'est pas aussi originale que, par exemple, Bird de Clint Eastwood (1988) ou Ed Wood de Tim Burton (1994), mais ceci est dû en grande partie au destin relativement inattendu de Jake LaMotta (Robert De Niro), qui commença par perdre face à Jimmy Reeves, à Cleveland en 1941 - à l'occasion duquel on découvre d'ailleurs le sens de son surnom :
Bien qu'en réalité gagnant, il est repoussé par tout le groupe, ce qui ne le met pas d'excellente humeur... Mais ceci se rattrape bien vite, lorsqu'il découvre subitement celle qui va être la femme de sa vie, Vickie (Cathy Moriarty) :
D'autant qu'il est aussitôt encouragé par son propre frère Joey LaMotta (Joe Pesci), qui restera avec lui le plus longtemps possible :
Jugez-en de vos propres yeux, ce qui ne prendra pas longtemps :
Il est clair que la douceur se révèle de plus en plus flagrante entre Jake LaMotta et Vickie, ne serait-ce que par la position de son bras :
Et quand elle regarde la photo des deux frères, elle ne peut pas s'empêcher de sourire :
Deux ans plus tard, à Detroit en 1943, il finit par gagner, chose totalement imprévisible, contre Ray Robinson - lequel fait la première chute de sa vaste carrière :
Il est d'ailleurs remarquable de voir la façon dont Martin Scorsese a filmé toutes ces batailles, qui ne sont pas tournées par de très nombreuses caméras situées hors du ring, mais par une seule, bien placée sur un unique protagoniste au sein du ring. Ceci se ressent immédiatement par la tension des scènes en question, qui demandèrent ainsi près d'un mois de tournage, pour seulement dix minutes de combat.
Mais Martin Scorsese sait bien trouver une parade à ceci, notamment en s'intéressant au projet qui semble davantage le concerner lui-même - celui lié au divorce d'avec sa propre femme -, qui se retrouve associé à l'attitude de Jake LaMotta, de plus en plus proche de Vickie :
Là, on est forcément émerveillé par la façon dont le réalisateur aborde tout cela - qui est proprement sensuel, avouons-le :
Il n'empêche : la même année et au même endroit, Jake LaMotta se fait cette fois-ci bien avoir par Ray Robinson, qui va finir par gagner le round proposé :
Une explication à cela ? Toujours la même, donnée par le frère... De la domination de gens peu fiables, contre lesquels il est important de se battre quoi qu'il arrive :
Il se décide alors à lutter contre tout le monde, et là, il faut bien remarquer qu'en dépit du temps qu'ont duré tous ces combats (trois ans), cela passe assez vite à l'écran... Comprenant juste le nom, le lieu et la date, affiché rapidement sur fond noir, autrement dit Zivic (Detroit, 1944), Basora (New York, 1945), Kochan (New York, 1945), Edgar (Detroit, 1946), Satterfield (Chicago, 1946), et Bell (New York (1947) :
Fort heureusement, ceci est beaucoup moins important aux yeux de Jake LaMotta que la cérémonie tant attendue du mariage avec Vickie... C'est là où nous voyons un peu de couleur apparaître, afin de définir cet endroit du film comme très particulier, parlant de la seule chose véritablement fondamentale à cette époque :
Même le ring, c'était pour ainsi dire calculé d'avance... Il y avait des probabilités de perte quasiment voisines de zéro :
Jake LaMotta enchaîne ensuite pas mal de combats, notamment contre Janiro, à New York en 1947 - qu'il gagne également, de justesse :
Mais cela se dégrade pour lui à un tout autre niveau, celui de sa femme Vickie, avec laquelle il n'a pas couché depuis une éternité... Maintenant qu'ils ont trois enfants, elle ne sert que de soubrette, et cela l'énerve de plus en plus - quelles que soient les paroles rassurantes de Joey LaMotta :
Après des années de gloire, Jake LaMotta semble désormais pourvu à une autre destinée, comme le prouve sa défaite face à Billy Fox, à New York en 1947 - où il ne franchit pas le 4ème round :
Mais fort heureusement, il bat, en juin 1949 à Detroit, Marcel Cerdan - le champion français très épris d'Edith Piaf -, qui s'est blessé à l'épaule, et ne peut pas continuer la rencontre à partir du 10ème round :
De plus, Marcel Cerdan va mourir tragiquement à seulement 33 ans, lors d'un accident d'avion... On pourrait donc croire que Jake LaMotta n'en va que bien mieux, mais c'est tout le contraire qui se produit, avec une jalousie dévorante à l'égard de sa femme - qui n'est pratiquement basée sur rien :
Curieusement, ceci est filmé d'une façon vraiment hystérique, exactement de la même façon que dans Mean Streets (1973) - où Robert De Niro jouait déjà un bon rôle de déjanté :
Et de même que dans ce film antérieur de Martin Scorsese, Jake LaMotta finit toujours par livrer sa véritable pensée - bien qu'il semble qu'il soit déjà trop tard :
Sur le ring, il souhaite se battre encore une fois contre un français, Dauthuille, à Detroit en 1950... L'adversaire est particulièrement redoutable, et Jake LaMotta manque de s'écrouler complètement, lorsqu'à 13 secondes du dernier round, il finit par remporter la victoire. Du coup, il se décide à faire comme autrefois, vaincre Ray Robinson, mais n'y parvient pas du tout, cette fois :
Seul motif de satisfaction : il a réussi - nul ne sait comment - à résister au coups de ce dernier, et à ne pas se faire envoyer au tapis :
Quoi qu'il en soit, il décide alors de prendre sa retraite, à Miami en 1956 - le tout dans une ambiance bien plus sympathique, avec sa femme et ses enfants :
Du moins, c'est ce qu'il croit... Mais pas pour bien longtemps, puisque Vickie le plaque pour de bon, lassée de voir son mari ne rien faire du tout. Il est d'ailleurs remarquable de constater que Robert De Niro a pris à cette occasion 30 kilos en 4 mois, à tel point que Martin Scorsese a filmé cette section le plus vite possible, afin de ne pas mettre sa santé en danger :
Toujours est-il qu'il ne reste à Jake LaMotta guère de possibilités à Miami, à part ouvrir une boîte de nuit portant son propre nom, ce qui est la seule chose à laquelle puisse servir sa célébrité... Mais il se fait vite repérer pour un usage illicite de jeunes filles peu destinées à cela, vu l'âge de 14 ans qu'elles avaient :
Du coup, il fait plusieurs mois de prison, en 1957, en Floride - où il subit toutes les pressions que l'on peut imaginer :
Et à sa sortie, il ne cherche qu'une chose, se réconcilier avec son frère Joey, qu'il n'a pas vu depuis bien longtemps - et l'on comprend pourquoi ceci a fort peu de chances de marcher, finalement :
On a l'impression que les deux hommes ne se connaissent pas du tout, alors que ce n'est bien sûr pas le cas :
Voici donc comment le film se termine, par une sorte de discours auto-rassurant prononcé devant une glace, et qui n'a plus guère de portées que celle-ci n'en offre :
Ceci n'était peut-être pas l'œuvre la plus fabuleuse de Martin Scorsese à l'époque, mais elle valu tout de même à Robert De Niro l'Oscar du meilleur acteur, et celui du meilleur montage pour Thelma Schoonmaker - qui fut pratiquement la monteuse de tous ses films, y compris Silence de 2017 !
Fort heureusement, le réalisateur verra mieux remarqué Raging Bull une dizaine d'années plus tard, lorsqu'il fut considéré comme l'un des meilleurs Opus des années 1980, et comme l'un des plus grands films jamais réalisé sur la boxe - ce qui m'a l'air tout à fait exact, en comprenant également Million Dollar Baby de Clint Eastwood, sorti en 2004. Tout comme Martin Scorsese, je suis relativement indifférent à ce sport, qui me paraît inutile et dévastateur... Mais réaliser un film grandiose en parlant d'une vie en fin de compte terrible, ça me semble tout simplement prodigieux !