Oui, je sais, cela ne m'arrive pas très souvent, de parler d'un film vu sur ARTE plutôt qu'au cinéma, mais là, je vais tout de même faire une exception avec cette œuvre de Naomi Kawase, sortie en 2015 :
Vous préférez le titre japonais ? Moi aussi :
D'autant que le An est le terme exact dans cette langue désignant la pâte de haricots azuki (ou rouges), élément essentiel de ce film, qui nous met très vite en contact avec cette dame assez âgée, Tokue (Kirin Kiki), dont le rêve est de travailler dans cet endroit apparemment délicieux :
Le seul vrai problème, c'est qu'elle vit depuis des années dans Higashimurayama, cette banlieue de Tôkyô réservée aux atteints de la lèpre, et qu'elle se voit nettement attirée par la boutique de Sentaro (Masatoshi Nagase), un quarantenaire alcoolique qui a pas mal de difficultés dans la vie :
Tout le début de l'œuvre est en fait basée sur la rencontre, tout à la fois logique et invraisemblable, entre les deux personnes, chacune solitaire à sa façon... Ce qui va néanmoins se construire peu à peu autour du lever de plus en plus tôt de Sentaro, et de sa patience envers la vieille Tokue, qui malgré sa lèpre, se révèle très forte sur le choix et le travail du haricot rouge :
Ce qui va très vite donner lieu à un excellent dorayaki (どら焼き), une pâtisserie particulièrement appréciée par les collégiennes - ce qui, soi dit en passant, énerve beaucoup Sentaro :
Seule exception, la très timide Wakana (Kyara Uchida), délaissée par sa mère, et habitant avec une autre étudiante, juste accompagnée d'un petit canari... De la même façon qu'il n'y avait pas de relation amoureuse entre Sentaro et la très âgée Tokue, il n'y en a pas non plus entre cette homme de quarante ans et cette très jeune fille, mais à la place, une sorte de complicité et de compréhension qui est très puissante :
Meilleure preuve, bien sûr, ici (qui sert d'ailleurs de couverture à la version japonaise de ce film) :
Ceci se passe en plein milieu de Tôkyô face à cet évènement incontournable de la saison, la floraison des cerisiers, qui est à la fois très belle et très courte :
Il serait bien de parler davantage du film, et de tout ce qu'il implique, surtout au niveau de la complicité entre trois générations, qui s'intensifie au fur et à mesure que s'impliquent trois niveaux de lecture et de compréhension du monde... Mais bornons-nous à cette unique description de la fin, où hélas Tokue finit par mourir, laissant quelques cadeaux et confidences aux deux restants, par le biais de son amie Yoshiko (Etsuko Ichihara) :
Et que le désormais seul Sentaro ferme provisoirement son magasin, et termine l'œuvre en vendant du dorayaki sur la place publique, en espérant que ça marche :
Pourquoi peut-on qualifier ce film de chef-d'œuvre ? Tout d'abord, parce qu'il est extrêmement difficile de tourner aussi lentement (comme je l'ai démontré récemment avec Fargo des frères Coen), surtout si la photographie et la musique ne sont pas bonnes... Mais ce n'est pas du)) tout le cas ici, où Shigeki Akiyama et David Hadjadj se sont révélés excellents, de même d'ailleurs que la réalisatrice du film, que vous voyez juste à gauche des trois acteurs principaux, à l'occasion du festival de Cannes :
Pour une femme réalisatrice, il est aussi dur de s'imposer au Japon qu'il l'est toujours aux USA ou en France, face aux hommes intolérants de la vieille génération... C'est donc très bien qu'elle en arrive à ce niveau, ayant déjà tourné environ 15 films, et remporté plusieurs fois un prix à Cannes :
Pour ma part, j'ai toujours bien aimé le cinéma japonais, surtout Akira Kurosawa - notamment Ran, dont je viens de m'offrir l'analyse -, et naturellement Takeshi Kitano, dont j'ai déjà parlé de Violent Cop, de Sonatine, et du magistral Zatoïchi. J'espère donc vous avoir donné envie de voir l'un des films de Naomi Kawase, une réalisatrice très inspirée, qui m'a été révélée à travers ce film diffusé sur ARTE...
Laissez un commentaire, si vous en avez le courage !
Oui, pour une fois, il s'agit d'un film de Olivier Megaton, sorti en 2011, qui a remporté un succès limité à 45%... Mais rassurez-vous, je fais absolument partie des 55% restants, car pour des raisons que je connais bien, cette œuvre m'apparaît très riche sur un triple plan : son thème fondamental - celui de la vengeance d'une jeune fille assez éprouvée -, sa prise de vue et sa lumière superbes, et aussi sa musique excellente, due à Nathaniel Méchaly.
Etant donné que j'ai mis pour une fois près de 40 photos, je vais me permettre de raconter l'histoire dans son ensemble - attention si vous avez peur du spoiler -, qui commence par ce double plan assez contradictoire au sein du plus grand cartel de Colombie, entre ce que le grand chef Don Luis (Beto Bentites) dit, et ce qu'il va faire en réalité :
Reste malgré tout un certain nombre de personnes à éliminer, dont toute une famille, à commencer par Cataleya Restrepo jeune (Amandla Stenberg, qui deviendra plus tard une actrice célèbre), sa mère, et son père, donnant un seul conseil avant sa mort :
Voici, pour ainsi dire, le sens de son prénom :
Je peux me permettre de vous offrir une courte vidéo, à ce sujet :
Résultat ? La petite fille est désormais toute seule, n'ayant pas encore tranché la question :
Mais elle va le faire très rapidement, lorsque Marco (Jordi Mollà), l'un des chefs les plus puissants de Don Luis, va lui demander de lui remettre sa "cataleya" :
Ce qui va lui donner une envie folle de se barrer par la fenêtre, pour donner lieu à une course-poursuite absolument hallucinante, dont je regrette de ne pas avoir trouvé de vidéo, tellement ceci est bien filmé, avec une horde de voitures et de motos à la poursuite de la jeune fille dans la capitale colombienne :
Rassurez-vous, elle s'en sort totalement indemne - ce qui est assez inexplicable, vu son âge très jeune :
Elle se retrouve aussitôt à la police, qui devine très rapidement ce dont il s'agit - le collier de Cataleya comprenant un fichier très important sur tous les cartels de Colombie :
Mais doit lui payer le prix évident en retour, un trajet définitif en Amérique du Nord :
Une fois ce gigantesque parcours étant fait, elle se retrouve donc face à la seule personne encore en vie, son oncle Emilio Restrepo (brillamment interprété par Cliff Curtis, qui participa notamment au célèbre film de Martin Scorsese, A Tombeau Ouvert) :
Que reste-t-il à faire, durant la longue période qui suivra ? Peu importe, en fait... Sinon que la jeune actrice interprétant Cataleya (Amandla Stenberg) laissera la place à Zoe Saldana, jouant le même rôle, mais quinze ans plus tard en Californie :
Cette jeune fille incarnant Cataleya Restrepo était d'ailleurs déjà bien connue à l'époque, en participant en 2009 au célèbre Avatar de James Cameron... Sinon qu'on la découvre ici quelque peu différente, royalement bourrée, en fait juste dans le but de rentrer en prison :
Pour y faire quelque chose de bien précis, qui une fois de plus est magistralement filmé :
En fait, elle a tout simplement décidé de flinguer petit à petit tous ceux qui sont près de la mort de ses parents - en dessinant au passage sur leur corps une orchidée cataleya, ce qui va bien sûr permettre de l'identifier relativement rapidement :
Sinon que le seul destiné à résoudre cette enquête, l'agent spécial Ross (Lennie James), va se trouver confronté à de nombreux problèmes, à commencer par l'identité de la tueuse, aussitôt suivi de la très mauvaise volonté du FBI de l'aider dans ce domaine :
Même chose pour Marco et Don Luis, bien que ceux-ci voient la chose d'un œil assez différent, qui se résume à un bon reproche du second - le plus puissant - envers le premier :
Pendant ce temps, on en apprend un tout petit peu plus sur Cataleya... Qu'elle vit seule, dans un appartement semble-t-il très bien équipé (d'armes, d'ordinateurs, etc...), qu'elle entretient une vague relation amoureuse vis-à-vis d'un jeune peintre, totalement innocent et pas du tout au courant de tout ce qu'elle fait :
Et surtout, que le seul sur lequel elle peut compter reste son oncle Emilio, qui lui donne volontiers quelques tuyaux sur le prochain :
Mais se montre toujours réticent face au choix initial de la jeune fille, à savoir tuer le principal responsable du meurtre de ses deux parents :
En tous cas, celle-ci va déjà se pencher sur le premier cas mentionné par son oncle, celui d'un homme très puissant, qui se cache provisoirement aux Caraïbes bien entouré :
Sauf que pour le plaisir, il possède, outre de nombreuses femmes qui lui sont acquises, une très jolie piscine assez inquiétante :
Ce que savait bien sûr dès le départ Cataleya, qui joue avec lui comme avec les requins :
Parvenant ainsi à le tuer sans problème, ce que vous pouvez - pour une fois - découvrir sur cette vidéo magistrale :
Incidemment, il ne s'agit d'ailleurs pas du deuxième meurtre qu'elle commet, mais au moins du vingtième, ce qui désappointe grandement l'agent spécial Ross, et met tout aussi mal son oncle Emilio, qui lui donne la dernière information possible avant sa mort - tué lui aussi par Don Luis :
En fait, tout va mal - du moins, en apparence... D'une part, l'oncle est mort, d'autre part, l'agent spécial Ross se trouve embarqué dans quelque chose de bien plus complexe qu'il l'avait prévu, et enfin, sans le faire exprès, l'amant de Cataleya a envoyé une photo d'elle dans leur lit, ce qui va déclencher une intervention assez peu prévue :
Sauf par Cataleya elle-même, qui a depuis longtemps mis au point un processus pour quitter à temps son appartement, avant qu'il croule sur une explosion voulue par Ross :
Résultat de tout ceci : avant même qu'on le devine, Cataleya se dirige déjà vers la maison de Don Luis... Où se trouve Marco, encore vivant, qui essaye de faire comprendre à son propre chef les aléas de son apparition :
Que Don Luis qualifie plus simplement de disparition :
Ici intervient alors l'une des scènes les plus fracassantes du film... Celle où cette superbe maison se trouve prise d'emblée par une vaste explosion - dont hélas, je n'ai pas réussi à trouver la vidéo :
Mais Cataleya a pas mal de choses de son côté, en fait :
Et elle a pratiquement éliminé tout le monde, sauf bien sûr Don Luis - qui s'est caché en attendant dans un endroit assez machiavélique -, et surtout le véritable responsable de la mort de son père, Marco :
Lequel va se battre de façon assez incroyable durant une bonne dizaine de minutes avec Cataleya :
Sans arme, juste avec les petits moyens du bord, tous deux vont lutter comme des fous furieux... Jusqu'à ce que Marco finisse par y passer à son tour :
Laissant ainsi comme seul survivant de l'incroyable bataille Don José, qui se moque d'elle dans un ultime coup de fil :
Sauf que là comme ailleurs, elle a encore quelque chose à lui dire :
On se demande de quoi il s'agit, certes... Mais si on déjà vu le film une fois, on sait que vers le milieu se déroule cette scène incroyable, où Cataleya donne soigneusement à manger à ses trois chiens affamés :
Ce qui se justifie entièrement à la fin, où Don José disparaît lors de son ultime fuite en voiture, lors d'une attaque mémorable de ces bêtes :
Est-ce la dernière image du film, avec la disparition totale de tout ce cartel ? En fait, il reste sûrement à Cataleya quelque chose à faire, mais l'on n'en saura pas plus... Juste que son amant périodique a eu droit à un unique coup de fil de sa part, certes durant juste une minute, mais laissant augurer d'un avenir plus généreux et plus loyal envers eux :
Vous voulez que je vous dise ? J'adore ce film, pour différentes raisons assez évidentes - qu'il s'agisse du pouvoir de la femme, ou de sa grandiose mise en scène -, mais aussi pour son réalisateur à mon avis trop mal connu de nos jours, Olivier Megaton, né en France (mais oui !) et auteur entre autres de Le Transporteur 3, de Taken 2 et de Taken 3.
Il est bien sûr très lié avec Luc Besson, lui aussi français, qui a pratiquement écrit tous les scénarios de ses films américains, y compris celui de Colombiana... Vous trouvez cela étonnant ? Pas moi, et si je vous disais à quel point ce film se trouve proche de Léon, tourné et écrit par Luc Besson en 1994, vous y croiriez à peine... D'une part, la mission s'avère relativement impossible pour les deux hommes concernés, Jean Reno et Gary Oldman ; de l'autre, la seule actrice en question, Natalie Portman (qui a joué son tout premier rôle au cinéma à l'âge de 12 ans), reste la seule vivante à la fin, après la perte des deux autres ! Incroyable, non ?
Quoiqu'il en soit, je pense qu'il s'agit de l'un des meilleurs films de Luc Besson, de même que Colombiana est à mon avis le chef-d'œuvre de Olivier Megaton... Et sinon, oui, vous avez le droit de laisser un commentaire, que vous ayez aimé ce film ou non !