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  • samedi, août 10, 2024

    AMADEUS (MILOS FORMAN)

    Comme vous le savez sûrement, il s'agit là d'un immense film de 1984 dû à Milos Forman - déjà fort connu grâce à Vol au-dessus d'un nid de coucou (1975)... Comme la plupart des biopics, cette œuvre s'inspire directement d'une pièce de théâtre de Peter Shaffer (1979), elle-même portée au départ par une courte tragédie d'Alexandre Pouchkine, Mozart et Salieri (1830).

    Ce thème, complètement faux, vient d'une légende de l'époque romantique : la jalousie puis l'empoisonnement de Wolfgang Amadeus Mozart par Antonio Salieri... Mais il a énormément plu à Milos Forman, qui confia à Peter Shaffer l'intégralité du scénario, et a réussi à en tirer l'essentiel sur un angle certes un peu anachronique, mais pas du tout irréel.

    Hormis l'opposition entre les deux musiciens, presque toute l'actualité de la vie de Mozart est totalement exacte, et à part quelques erreurs assez peu importantes - et inhérentes à tout biopic -, l'on se retrouve comme par magie en Autriche à la fin du XVIIIème siècle, et cet Opus de presque trois heures se regarde toujours avec un grand plaisir ! 

    Evidemment, l'on se retrouve dès le départ en présence d'Antonio Salieri (1750-1825) - joué par F. Murray Abraham -, qui est vu tout à la fin de sa vie en 1823 en train de rater sa tentative de suicide, et se trouve envoyé dans un hôpital psychiatrique. Là, il est invité par le père Vogler (Richard Frank) à se livrer à une vaste confession - que j'éviterai de retranscrire, mais qui se poursuivra jusqu'à la fin du film :

    Cela bascule aussitôt sur la propre vie de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), un enfant très doué, qui jouait de n'importe quel instrument, et composa ses premières œuvres à l'âge de six ans !
    Joseph II (Jeffrey Jones) était alors empereur d'Autriche - pour être exact, empereur du Saint-Empire romain germanique -, et s'il avait jusqu'alors Salieri comme compositeur de cour et directeur de l'opéra italien depuis 1774, il se tourna très vite vers ce nouvel arrivant :
    Mozart (Tom Hulce) rencontra quelque temps plus tard, en 1777, sa future femme, Constance Weber (Elizabeth Berridge), qui n'était autre que la cousine germaine du compositeur célèbre Carl Maria von Weber (1786-1826)... Mais une fois en 1782, il devient officiellement un très grand musicien de Joseph II, auquel il devra livrer sans plus tarder l'opéra toujours connu aujourd'hui, L'Enlèvement au sérail, pour la première fois entièrement écrit en allemand :
    Aucun des artistes interprétant les rôles n'était à l'époque bien connu, et ceci était très volontaire de la part de Milos Forman. Lequel se livra, après l'audition de 1400 figurants, à une sélection farouche des intéressés principaux, notamment Salieri, Mozart, sa femme, Joseph II, et son ami Shikaneder...
    Ceci se voit instantanément avec Caterina Cavalieri (Christine Ebersole), qui non seulement est la grande chanteuse de L'Enlèvement au sérail et l'amante de Salieri, mais tombe sous les yeux de Joseph II - et bien sûr de tout le public - comme la future épouse de Mozart :

    Heureusement, Joseph II s'aperçoit au dernier moment de la fausseté de cette opinion, et malgré le visage fort déçu de Catarina Cavalieri, il s'empresse de féliciter Mozart pour son union :

    Le mariage de Mozart avec Constance Weber aura lieu à Vienne en 1782, qui devra donner naissance non pas un unique enfant - c'est l'une des rares erreurs de ce film -, mais bel et bien à six :
    Peu de temps après, celle-ci se rend chez Salieri afin de faire adopter sa candidature grâce à un nouvel opéra de son mari :
    Il est stupéfié de la perfection de l'écriture... Mais s'empresse dans le même temps de voir la femme de Mozart le soir-même, dans un but inavouable, ce qu'elle refuse de faire :
    Du coup, l'opinion de Salieri sur le compositeur change radicalement, surtout vis-à-vis de Joseph II... Certes, il respecte Mozart, mais il ne peut s'empêcher de décrire son manque d'éducation, sa façon de rire plutôt curieuse, son jeu invétéré au billard, son alcoolisme, et du coup sa spontanéité fort dérangeante dans le milieu de la cour :
    Pour ne rien arranger, l'apparition de son père Leopold Mozart (Roy Dotrice) autour des années 1785 complique les choses, tant celui-ci est attaché à son métier d'éducateur de musique à la cour de Salzbourg :
    Mozart essaye de l'empêcher de mettre la main dans la propreté de l'appartement, refuse d'aller à Salzbourg avec lui, et tente même d'amuser un peu ce père trop sérieux par son interprétation étonnante au piano... Mais visiblement, cela n'obtient aucun succès :
    Une mystérieuse femme de ménage Lorl (Cynthia Nixon) se présente alors à toute la famille, sans qu'elle soit autorisée à dire qui la paye pour cela... Et bien qu'il soit évident pour tous les spectateurs qu'il s'agisse de Salieri, Leopold Mozart refuse d'emblée sans même le savoir, juste pour le principe :
    Heureusement, Mozart présente enfin son nouvel opéra Le Nozze di Figaro (1786) à Joseph II... Lequel ne sait trop que faire au départ, car cette œuvre de Lorenzo da Ponte était basée sur la pièce française de Beaumarchais, dont il avait interdit toute représentation à Vienne :
    Mais très enthousiasmé par Mozart, il finit non seulement par lever cette interdiction... Mais surtout par remettre en liste le ballet du troisième acte (fandango), qui était jusqu'alors toléré - absolument sans orchestre - par le comte Rosenberg :
    Inutile de dire que Joseph II est enchanté de cette répartition, qui évite le caractère ridicule de cette danse privée de musique :
    Hélas, un an plus tard (1787), Constance Mozart annonce à son mari la terrible nouvelle de la disparition de son père Leopold :
    Du coup, celui-ci écrit dans le même temps un autre opéra, Don Giovanni - toujours basé sur le texte de Lorenzo da Ponte, mais nettement plus sombre que Le Nozze di Figaro, juste créé l'année précédente :
    C'est aussi le moment précis où le film bascule vers sa version la plus tragique, qui hélas correspond bien à la réalité... Lorsque Mozart reçoit la visite d'un mystérieux inconnu, qui lui commande un Requiem en 1791, sans lui laisser beaucoup de temps :
    D'une façon très curieuse, son ami Emanuel Schikaneder (Simon Callow) - directeur depuis 1790 du Freihaustheater et franc-maçon - lui demande de composer la même année un autre opéra beaucoup plus déjanté que les précédents, et dont il va écrire lui-même tout le scénario très original :
    Ceci va non seulement déplaire à Salieri, mais aussi à la propre mère de la femme de Mozart, qui ne va pas hésiter à le critiquer dans les moindres détails :
    Mais il parvient à jouer avec un grand succès son ultime opéra, Die Zauberflöte (La Flûte enchantée) - le plus célèbre d'entre tous, notamment grâce à cet air sublime - et très délicat - confié à la soprano, celui de la Reine de la Nuit à l'acte II :
    D'où il ressort malheureusement très affaibli, ne pouvant guère tenir au-delà de deux représentations :
    Il ne lui restait plus alors qu'à écrire son Requiem - commandé anonymement par le comte Franz de Walsegg... C'est là qu'on rentre dans l'aspect complètement mythologique du film voulu par Milos Forman, où l'on voit Mozart de plus en plus malade se faire aider par Salieri - ce qui est totalement inventé, mais cadre très bien avec l'aspect général de la lutte profonde entre deux classes de la société :
    Sa femme rentre alors de Salzburg, où elle était brièvement partie faire une cure... Hélas, avant même qu'elle ait pu faire part à Salieri de tout ce qu'elle pense, elle assiste désespérée à la mort de son mari :
    Comme on le sait, il fut enterré dans une fosse commune - ce qui tenait tout d'abord aux pauvres (car Mozart n'était pas riche du tout), mais surtout à une loi mise en place par Joseph II, afin que les Viennois évitent de ramener des maladies des cimetières ;
    Vous pourrez voir la scène entière ici, accompagnée par son Requiem :
    Et le film se conclut avec les dernières phrases de Salieri, qu'il prononça en 1823 après sa tentative de suicide, et son intégration dans le grand hôpital de Vienne, en chaise roulante et dans un état sénile :

    Que dire de plus ? Certes, on peut commencer par le seul aspect négatif du film, celui de se dérouler du début jusqu'à la fin sur une pure opposition entre Mozart et Salieri - totalement inventée, bien sûr ! Mais cette vision des choses, qui date d'Alexandre Pouchkine au début du XIXème siècle, a énormément aidé Peter Shaffer et Milos Forman à donner une juste idée de la musique à cette époque, basée non seulement sur les dons personnels, mais aussi sur la place sociale que l'on occupe, pour des raisons qui ont fort peu de rapports avec ceux-ci...

    Si j'en viens maintenant aux grandes qualités de cet Opus, outre le fait qu'il ait quasiment triplé le budget initial de 18 millions de dollars, je ne saurais trop quoi dire : ses acteurs, fort peu connus, sont tous géniaux, la musique est évidemment superbe, le cadre - situé à Prague plutôt qu'à Vienne - apparait magnifique, et il en va de même pour les nombreux costumes et maquillages...

    Amadeus mérite grandement les huit Oscars du cinéma obtenus en 1985, les cinq propositions offertes par Golden Globes, et j'espère qu'il vous plaira énormément, quarante ans plus tard !

    Autres biopics (avec entre parenthèses la date du film, et le nom de la personne traitée) : Patton (1970, George Patton), Barry Lyndon (1975, Barry Lyndon), Raging Bull (1980, Jake LaMotta), Elephant Man (1980, John Merrick), Bird (1988, Charlie Parker), Ed Wood (1994, Ed Wood), Braveheart (1995, William Wallace), A Straight Story (1999, Alvin Straight), The Insider (1999, Jeffrey Wigand), Ali (2002, Cassius Clay), Frida (2002, Frida Kahlo), Girl with a Pearl Earring (2003, Johannes Vermeer), Marie-Antoinette (2006, Marie-Antoinette), The Last King of Scotland (2006, Idi Amin Dada), La Môme (2007, Edith Piaf), Into the Wild (2007, Christopher McCandless), Zodiac (2007, Arthur Leigh Allen & Robert Graysmith), Invictus (2009, Nelson Mandela), J. Edgar (2011, J. Edgar Hoover), Silence (2017, jésuites portugais)

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