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  • lundi, novembre 28, 2022

    AMORES PERROS (ALEJANDRO GONZALEZ IÑARRITU)

    Tourné en l'an 2000, ce film fut le premier de la désormais célèbre trilogie d'Alejandro Gonzalez Iñarritu (qui comprend également 21 grammes et Babel), dont il a dit ceci : "Je ne suis qu'une petite partie des vingt millions de personnes qui habitent dans la ville la plus grande et la plus peuplée du monde, Mexico. Aucun être humain n'avait vécu auparavant dans une ville qui présente des niveaux pareils de pollution, de violence et de corruption, et pourtant, à sa façon invraisemblable et paradoxale, c'est aussi une ville belle et fascinante, et c'est précisément cela qu'Amours chiennes représente".

    Meilleure preuve au tout début de l'Opus, avec l'accident qui marquera définitivement la vie des trois couples (ou personnes) représentés, qui détiennent tous un ou plusieurs chiens :

    01) Octavio et Susana : Je commence avec l'allegro le plus marquant de ce film, où l'on voit Ramiro (Marco Pérez) investir de l'argent dans une lutte à mort de différents chiens, dont il ne va pas se sortir très bien :
    On découvre également un bref instant El Chivo (Emilio Echevarria), qui n'apparaît pour l'heure que comme un célibataire fauché, peu soigneux et traînant d'un bout à l'autre de la ville son chariot de supermarché :
    Vient ensuite le personnage d'Octavio (Gael Garcia Bernal, un excellent acteur mexicain, qui jouait ici son tout premier rôle), le frère de Ramiro, dont il ne partage pas du tout les idées et la façon de vivre :
    Hélas, Ramiro n'en a absolument rien à foutre, et ne trouve qu'à lui proposer deux options, évidemment toutes identiques, "le payer, ou bien le payer" :
    Durant tout ce temps, on voit très brièvement El Chivo, le personnage de la troisième partie, tirer rapidement sur quelqu'un, probablement le mari de son ex-femme - mais cela n'est jamais vraiment dit :
    De la même façon, on aperçoit sur une affiche la belle Valeria de la deuxième section :
    Ainsi que la femme de Daniel - qui jouera un rôle très important dans cette seconde partie -, avec lui-même tout au fond de la pièce (Alvaro Guerrero), se doutant que le coup de fil venait de sa maîtresse cachée Valéria :
    Mais revenons à la première section, qui est assez nettement la plus violente du film... Octavio, après s'en être pris au chien de Ramiro, un frère dont il ne tolère pas la brutalité et l'inconscience, se tourne désormais vers la femme de celui-ci, Susana (Vanessa Bauche), qu'il admire secrètement, et dont il est consterné d'apprendre la seconde grossesse :
    Susana lui dit alors ce qu'elle pense vraiment de son mari Ramiro - du moins, c'est l'impression qu'on en a -, ce qui va pousser Octavio à lui révéler de plus en plus son amour, et son rêve bien caché d'abandonner tout cela, et de partir très loin :
    Ont-ils raison ? C'est du moins ce que l'on pense au cours du plan suivant, où Ramiro se prépare à braquer une banque en toute innocence, ce qu'il va dans un premier temps réussir :
    Dans le même temps, Octavio ne pense qu'à une seule chose, en présence de son ami... Comment trouver - légalement - de l'argent, afin de partir loin comme il l'a prévu avec Susana ?
    Mais il finit par trouver le moyen qu'il attendait : placer son propre chien au centre d'une bataille, appuyé en cela par le grand patron de cette boîte... Qui certes ne lui offre que huit ou seize opérations, mais se montre bien réglo, et appuie bel et bien Octavio, surtout comparé à Ramiro, dont il déteste le comportement :
    La première partie se termine avec El Chivo, qui assiste discrètement à l'enterrement du mari de son ancienne épouse, une femme qui non seulement s'indigne de le rencontrer, mais souhaite surtout l'empêcher de retrouver la fille qu'elle lui a donnée, et qu'il n'a pas revu depuis bien des années :
    02) Daniel et Valeria : Après l'allegro, il est normal que se place l'adagio, afin de reposer tout le monde. A commencer par Valeria (Goya Toledo), une top-model très en vogue pour la marque Enchant, et qui ne se gêne pas du tout pour annoncer son amour - sans toutefois livrer son nom à l'écran :
    Mais nous le connaissons déjà, le fameux Daniel (Alvaro Guerrero), qui en outre quitte définitivement sa propre femme et ses deux filles, pour offrir à Valeria la maison qu'elle mérite :
    Un autre point qui marque le passage de l'allegro à l'adagio, c'est la réduction des nombreux chiens de la première partie à un seul caniche blanc, auquel Valeria tient beaucoup, et qu'elle compte bien sortir au moins une fois par jour... Ce qu'elle n'hésite pas à faire en prenant sa voiture, s'exposant hélas à cet accident vu depuis le début du film, et qui en est en quelque sorte le point central :
    Résultat ? Elle se retrouve complètement fracassée, condamnée à la chaise roulante, voire même à d'autres problèmes, que le médecin n'évoque qu'entre parenthèses :
    La seule chose qui la fait réellement souffrir, en fait, c'est la subite disparition de son petit caniche dans le sol de son nouvel appartement - ce que Daniel ne prend tout d'abord pas vraiment au sérieux :
    Mais il va bien être obligé de s'y intéresser plus que de coutume, surtout lorsque l'animal reste tapi là durant plusieurs jours, obligeant à s'interroger sur ce qui lui arrive vraiment, si par exemple ce n'est pas dû à la présence de milliers de rats :
    Ainsi, ceci qui a commencé comme une belle histoire d'amour, avouée à la télévision et rendu concrète par l'offre du superbe appartement, va progressivement se dégrader en bataille de haine, livrée dans des conditions à peine supportables, et de plus en plus souvent : 
    03) El Chivo ("le cabri") : Après l'adagio, il est normal de s'attendre à un dernier allegro, bien que celui-ci ne soit pas du tout sur le même ton qu'au début... Il se déroule beaucoup plus intimement, et met tout d'abord en place un ami de El Chivo - qui fut autrefois son ennemi, du temps où celui-ci était encore guerillero communiste et tueur à gages -, et Gustavo, un homme qui en veut beaucoup à son beau-frère, pour détournement d'argent :
    El Chivo se présente donc sous un jour désormais passe-partout, et il s'empresse de refaire l'album de photos de sa fille dès que celle-ci n'est pas dans sa maison, en réintégrant sa propre photo à la place de celle du prétendu père, dont il a récemment assisté à l'enterrement :
    Mais il n'empêche : on assiste, pour la troisième fois, au déplorable accident de voiture, qui provoqua non seulement l'amputation de Valeria, mais marque aussi Octavio sur son propre crâne... Ce qui va en outre lui apprendre la terrible nouvelle, que Susana est bel et bien partie très loin, mais avec son mari Ramiro, et en plus en emportant tout l'argent qu'il avait soigneusement mis de côté :
    Bref, que du négatif, en quelque sorte... D'autant que El Chivo fait à son ami la promesse que tout sera réglé demain, et qu'il n'y a donc aucune raison de s'inquiéter :
    La seule chose qui le tourmente, en fait, c'est le comportement du seul chien vivant qu'il a pu récupérer de l'accident, et qui est pour le moins inquiétant, vis-à-vis des autres chiens dont il dispose déjà... Hormis cela, il ne sait trop que faire, concernant les deux demi-frères qu'il a fini par arrêter, et finalement, il va se borner à laisser face à face Luis (Jorge Salinas) et Gustavo (Rodrigo Murray) :
    En résumé, voici ce dont il s'agit :
    Finalement, il ne s'intéresse pas beaucoup à cette histoire, hormis l'argent qu'elle lui rapporte, et il va laisser aux deux hommes le soin de tout régler, grâce à une arme laissée sur le sol entre eux :
    Pour notre part, nous ne saurons jamais lequel des deux finira par triompher... Mais El Chivo s'en fout, et ne cherche qu'une seule chose à faire, s'entretenir avec sa propre fille, qu'il n'a pas vue depuis une éternité. Il ne réussit pas encore à la rencontrer, mais au moins, il parle avec elle, et de faits qu'il estime important de lui dire :

    L'œuvre se termine avec une dernière vue sur lui, de dos, marchant au soleil couchant, et semblant pour une fois positif... Alors qu'on ne sait rien sur ce qui est arrivé à Luis et Gustavo, ce qu'il en résulte pour Daniel et Valeria, et à peine plus sur Octavio, que l'on sait toujours en vie, mais complètement désespéré du fait que Susana soit partie avec son frère Ramiro.

    Je ne sais pas ce que vous pensez de ce film, mais pour ma part, je l'ai beaucoup aimé... Non seulement parce qu'il s'agit du tout premier de la fameuse trilogie (21 grammes et Babel), mais surtout car le traitement de son contenu en trois mouvements s'apparente nettement à la musique de Beethoven ou de Brahms, alors que 21 Grammes est bien plus proche des toutes premières œuvres de Arnold Schönberg, et que Babel nous fait songer à des variations infinies. Evidemment, cela m'a bien aidé à apprécier énormément Amores Perros, mais aussi les deux autres créations, qui nous livrent son point de vue sur l'humanité, la violence, le hasard, en résumé sa propre vue sur le monde - ce qui reste très rare chez les réalisateurs actuels !

    Autres films du même réalisateur : Le 11 septembre 200121 grammesBabel

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    dimanche, novembre 20, 2022

    21 GRAMMES (ALEJANDRO GONZALEZ IÑARRITU)

    L'avez-vous déjà vu ? Il s'agit d'un film de Alejandro Gonzalez Iñarritu sorti en 2004, le second de sa fameuse trilogie qui débute avec Amours chiennes (2000), et se conclut avec le fantastique Babel en 2006. Ces trois œuvres ont bien sûr des points communs, notamment le fait de se baser sur au moins trois histoires, mais celle-ci me semble la plus complexe de toutes à bien comprendre, étant donné sa façon de raconter les faits réels.

    Evidemment, il s'agit de la mort et de ses fameux 21 grammes (je reviendrai sur ce point à la fin de cet article), ce qui semble bien exposé sur cette vidéo :

    Mais en réalité, il en va tout autrement, notamment du fait que le temps bouge en avant ou en arrière, ce qui ne nous saute pas encore aux yeux durant la première section, où il importe avant tout de présenter les personnages principaux. A commencer par Cristina Peck (Naomi Watts) et Paul Rivers (Sean Penn), qui lors du premier plan on l'air d'être ensemble, alors que le second plan parle du mari et des enfants de celle-ci - ce qui date d'une époque où elle ne connaissait pas encore Paul Rivers. Déjà assez déstabilisant, non ?

    Ensuite, on passe à la troisième personne fondamentale, Jack Jordan (Benicio del Toro), un chrétien absolu, qui est encore vu dans sa prison, où il occupe désormais un rôle de plus en plus important d'homme juste et rigoureux, notamment envers les jeunes arrivés :
    Mais ce que l'on ne connait pas encore, c'est la fragilité du cœur de Paul Rivers - qui non seulement est très importante, mais a bel et bien lieu avant même qu'il soit au courant de l'existence de Cristina Peck ou de Jack Jordan :
    Et ce que l'on découvre du même coup, c'est sa vraie et première femme, Mary Rivers (Charlotte Gainsbourg, jouant enfin dans un film américain), et qui malgré ses possibilités assez restreintes d'avoir un enfant de Paul, ne pense qu'à cela :
    Alors que son époux, Paul Rivers, vient tout juste d'être sauvé d'une mort certaine :
    Cela a l'air , jusque-là, plutôt cohérent, n'est-ce pas ? Mais juste histoire de nous déstabiliser, Iñárritu se place, juste un instant, avec Cristina Peck et ses réelles intentions - bien qu'on ne sache pas encore qui elle veut tuer, et surtout pourquoi... C'était certainement l'une des façons du réalisateur de montrer ce que la vie peut être capricieuse, que personne n'est entièrement bon ou mauvais, et que nous flottons tous dans un univers immense :
    Rassurez-vous, on revient très vite à un cours normal des choses... Où Mary Rivers a l'air de tenir de plus en plus à son nouvel enfant, alors que son mari Paul Rivers semble s'en désintéresser complètement :
    Et c'est le moment où nous apprenons le terrible drame que vient de subir Cristina Peck, la mort de son mari et de ses deux filles suite à un accident de voiture :
    Que Jack Jordan vient de commettre quasiment inconscient, en se demandant lui-même pourquoi Dieu l'a-t-il laissé faire ceci - alors qu'il n'avait que de la pureté au sein de l'âme ?
    Nous comprenons alors le lien entre tous ces personnages, notamment en écoutant le docteur Rothberg (Denis O'Hare) annoncer à Paul Rivers sa greffe bien réussie :
    Et bien qu'il ne soit pas autorisé par la loi à lui donner le nom du donneur, Iñárritu s'en charge pour lui, en nous montrant à quel point Cristina Peck a pu se montrer terriblement ébranlée par la perte de tous ces gens qu'elle aimait, et ce que le docteur lui a en tout dernier demandé, concernant le cœur de son mari :
    Désormais, la vie s'avère totalement différente pour les trois personnes concernées, à commencer par Jack Jordan, qui ne sait plus du tout où il en est :
    Pour suivre avec une fête de Paul et Mary Rivers envers leurs amis, à laquelle il ne semble pas du tout prêt à participer - n'ayant pas du tout l'envie de sa femme d'avoir un enfant :
    Et pour conclure finalement par la rencontre de Paul Rivers avec quelqu'un qu'il paye pour lui donner des indications interdites par la loi, l'origine de son nouveau cœur :
    Le résultat de tout cela, c'est que l'on voit progressivement se dégrader les relations entre Mary et Paul Rivers - qui s'attendait fort bien à ce qu'elle le quitte, sans se montrer particulièrement triste ou concerné :
    Sans même parler de la rencontre de Jack Jordan avec son révérend John (Eddie Marsan), tous deux ayant une vision bien différente de la vie et du rôle qu'y joue le christ - ce qui plonge Jack Jordan dans une intense colère :
    L'un des premiers bien décidé à changer de vie, c'est bien sûr Paul Rivers, qui grâce à son indicateur a pu remonter jusqu'à la femme de celui qui lui a fait don de son cœur, Cristina Peck - vis-à-vis de laquelle il se sent bel et bien attiré, contrairement à Mary, qu'il méprise de plus en plus :
    C'est ainsi le moment idéal pour nous montrer cette scène que l'on attendait en quelque sorte depuis le début du film, lorsque Cristina Peck a prononcé la phrase : "Je veux le tuer"... Celle du combat entre Paul Rivers et Jack Jordan, parés tous les deux d'armes à feu, et dont l'on ne connaitra jamais la véritable fin :
    Peu de temps après (ou avant ?), Paul Rivers avoue d'ailleurs du même coup à Cristina Peck d'où provient son cœur, ce qui n'est pas spécialement facile :
    D'autant qu'il en sait encore bien plus, révélant ainsi toute la vérité à cette femme alors en pleine fragilité, dont le contraste entre l'annulation de sa vie passée et les possibilités du futur semble pour l'heure bien pesant :
    Et il en va de même pour Mary Rivers, bien que les raisons en soient totalement différentes, et qu'elle décide cette fois-ci de cesser toute vie commune avec Paul :
    Il ne reste plus alors à Paul Rivers qu'à aller dans le sens de celle qu'il aime désormais, punir une bonne fois pour toutes Jack Jordan - vu qu'il ne mérite que cela, de toute façon :
    Mais c'est là le grand mystère du film : pour quelle raison précise Paul Rivers se trouve-t-il définitivement blessé ? S'est-il pris une balle de Jack Jordan ? Peu probable, en fait... Est-il alors involontairement victime du remplacement de son propre cœur ? J'ai beau voir l'œuvre pour la cinquième ou sixième fois, je ne suis toujours pas fixé, et je crois qu'Iñárritu a sciemment été dans ce sens :
    Toujours est-il que Paul Rivers se trouve désormais sur un chemin fatal inévitable, dans lequel il n'y a qu'une seule question à se poser, tout à la fois celle du titre du film, et de son ultime plan :

    Je vous l'avais promis dès le début de l'article, je vous donne enfin toutes les explications nécessaires à la compréhension de ce mythe en place durant des années - et en plus, dans une vidéo entièrement en français :

    Bon, c'est certes un film impeccable, mais qui à force de vouloir faire transparaître l'aspect irréel ou très ambigu de la vie humaine, se révèle en fait bien plus délicat à comprendre que le premier, Amours chiennes, ou même l'ultime Babel. Ecoutons un bref instant Iñárritu, qui en a dit ceci : "C'est une méditation qui explore tous les aspects de nos vies : la perte, la dépendance, l'amour, la culpabilité, les coïncidences, la vengeance, l'obligation, la foi, l'espoir et la rédemption. J'aime les personnages multidimensionnels et contradictoires".
    Cela vous aide-t-il à prendre de bons points de repère ? J'en doute, mais sait-on jamais... En tous cas, vous pouvez toujours laisser un commentaire, cela me fera le plus vif plaisir !
    Autres films du même réalisateur : Amores perrosLe 11 septembre 2001Babel

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