Ce fut tout d'abord un téléfilm sur ABC (en 1971), puis devant son immense succès, un film en 1972, alors que Steven Spielberg n'avait que 26 ans - et ce n'est pas, contrairement à ce qu'on prétend souvent, son tout premier, mais son second Opus !
Au départ, le scénario était conçu la même année par Richard Matheson comme une nouvelle fantastique, à partir d'une histoire qui lui est réellement arrivé le 22 novembre 1963 (le jour de l'assassinat de John F. Kennedy) sur une route de Californie, où il se trouva agressé par un camion dont le conducteur restait invisible. Mais quand Steven Spielberg apprit cela, il la lut, et déclara tout simplement : "Mais c'est génial ! On dirait du Hitchcock !".
Vous souhaitez en savoir plus sur ce film ? En ce cas, rendez-vous sans plus tarder sur l'article de Wikipédia sur le sujet, qui se révèle traité d'une façon très intéressante. Sinon, venez avec moi, et soyez désormais entre les mains de David Mann (Dennis Weaver), une personne constamment omniprésente dans ce vaste parcours, contrairement au conducteur du camion (Carey Loftin), dont l'on n'aperçoit jamais la tête :
Pour tout savoir, la première partie du film décrit David Mann en train d'écouter la radio en voiture à la sortie de la grande ville de Californie, et n'existait tout simplement pas sur le téléfilm - plus court, cela va de soi, de 76 minutes ! De la même façon, la conversation avec sa femme (Jacqueline Scott) sur un téléphone est ajoutée au dernier moment, obtenant ainsi les 90 minutes nécessaires :
Mais dès que l'on aperçoit le camion, le film rejoint entièrement le téléfilm - avec cette fois-ci la part indéniable de ce conducteur anonyme, semant pour ainsi dire la panique dans l'esprit de David Mann :
Ce camion était entre autres un Citerne Peterbilt 281 datant de 1960, autrement dit un modèle plutôt ancien, d'une peinture terne, d'un aspect très sale et graisseux, dégageant une pollution ingérable. Plus l'on voyait le camion en question, moins l'on n'avait besoin d'en découvrir le conducteur, et c'est ce que représente la mise en scène tout simplement géniale de Steven Spielberg.
L'une des rares fois où l'on distingue sa main, c'est lorsqu'il fait un geste à David Mann, lui suggérant de le doubler :
Hélas, cela va vite se retourner dans l'autre sens, David Mann poussant jusqu'à 100 km/h afin de fuir le camion, ce que non seulement il ne parviendra pas à faire :
Mais qu'en outre il l'irritera au plus haut point, comme s'il lui demandait de lui rentrer volontairement par l'arrière :
Regardez cet assez long extrait, c'est tout simplement impressionnant :
Rien qu'au début du film, David Mann est déjà paniqué, et on le comprend fort bien :
Il se réfugie pour un temps dans le Chuck's Cafe, un petit endroit du coin relativement calme, où hélas le conducteur du camion se trouve aussi... Mais malheureusement, rien ne permet de le reconnaître :
Croyant pourtant l'identifier, David Mann se jette sur lui, et se fait comme d'habitude piéger... Car l'homme en question n'avait rien à voir avec le camion qui le poursuivait, et il s'en aperçoit - à pied - au dernier moment :
Peu de temps après, il quitte enfin le Chuck's Cafe, mais se retrouve cette fois-ci coincé par un bus scolaire, dont le conducteur (Lou Frizzell) lui demande de le pousser, à l'aide de sa voiture... David Mann hésite un peu, mais il finit par accepter de le faire :
C'est encore une scène qui n'existait pas dans le téléfilm, et c'est bien dommage... Car les enfants cherchent à parler à tout le monde, et cela se dégrade de plus en plus, avec le coincement de la voiture dans le bus - contre lequel David Mann ne peut lutter qu'en escaladant son propre capot :
Ce qu'il va finalement réussir à faire... Mais en donnant aussitôt le feu vert au camion qui ne faisait qu'attendre sous un pont, et va aussitôt s'engager une nouvelle fois :
Comme vous pouvez le voir, c'est assez impressionnant :
Mais pas encore assez pour empêcher le conducteur du camion de le poursuivre jusqu'à la voie ferrée, où il va tenter de pousser David Mann dans le train - scène qui n'existe pas non plus dans la version téléfilm :
Cette tentative est heureusement ratée, ce qui pousse David Mann à appeler directement la police depuis le café "à serpents" Snakerama (où Lucille Benson joue la femme propriétaire)... Mais il est très vite percuté par le camion, qui casse toutes les cages en question lors de plusieurs passages répétitifs :
En outre, il se relance aussitôt à la poursuite de David Mann, lequel panique rien qu'à la vue de ce que transporte le camion :
Pourtant, David Mann a au départ confiance dans sa voiture, qu'il estime bien supérieure sur les côtes :
Mais très vite, celle-ci - une Plymouth Valiant de 1971 - va se dégrader, pour la plus grande angoisse de son conducteur :
Heureusement, voici ce qui va créer la panique... "Camions : restez en première ou en seconde les 18 prochains kilomètres" :
Fait dont le conducteur du camion se désintéresse complètement... Mais il a grand tort, car au dernier moment, David Mann va se jeter de sa voiture, laissant le camion s'écrouler au pied de la pente :
Incroyable, n'est-ce pas ?
Bien sûr, dans un premier temps, on voit David Mann sauter de joie, tellement content d'avoir gagné qu'il ne sait comment s'en exprimer... Mais il finit vite par tomber en larmes, et termine magnifié par le soleil couchant, comme si c'était la seule et unique chose à faire :
Que puis-je dire d'autre de ce film ? En tant que (presque) premier Opus, il traite d'un thème fort rare dans l'histoire du cinéma, celui qui met en scène un véhicule menaçant - ce qui ne sera repris que douze ans plus tard, à l'occasion du fameux Christine de John Carpenter. Personnellement, je trouve cela fort bien réussi, et surtout remarquablement tourné, vu l'âge du réalisateur...
Si vous êtes d'accord, laissez pour une fois - ce qui ne fera de mal à personne - un commentaire !
Je dois dire que ce film de 2011, soit deux ans avant The Wolf of Wall Street, est tout simplement exceptionnel, et apparaît comme l'une de ses œuvres les plus positives et les plus optimistes... Il y a une bonne raison à cela: après la naissance de sa fille Francesca en 1999, Martin Scorsese voulait absolument réaliser un Opus qu'elle puisse voir sans problème, et il eut la très bonne idée de se baser sur le roman illustré pour enfants L'Invention de Hugo Cabret, de Brian Selznick.
En outre, ce livre s'inspire de la vie de Georges Méliès (1861-1938), l'un des grands créateurs du cinéma avec les frères Lumière - tous trois français, ais-je besoin de le préciser ? -, et ce fut une grande inspiration pour Martin Scorsese, qui déclara sans hésiter :
"En tant que cinéaste, j'ai le sentiment que l'on doit tout à Georges Méliès. Et quand je revois ses premiers films, je suis ému, ils m'inspirent, parce que cent ans après leur création, ils font toujours naître ce frisson lié à l'innovation et à la découverte. Méliès a inventé et exploré la plus grande partie des techniques que nous utilisons aujourd'hui. Les films fantastiques et les films de science-fiction descendent de Méliès. Tout était déjà dans le travail de ce précurseur".
Aucune raison de se faire du souci, donc, et profitons-en pour rendre ce tournage aussi agréable que possible - avec le grand maître sur la gauche, bien sûr :
Cela commence avec le personnage principal, Hugo Cabret, qui après un début chaotique avec son père puis son oncle, se met à vivre tout seul dans la gare Montparnasse, entretenant et réparant l'horloge :
Il est à noter que l'acteur - Asa Butterfield - n'avait que 13 ans à l'époque, et que malgré ses débuts dans le cinéma, il était véritablement excellent. Et je dois avouer que ses yeux me semblent incroyables, dignes de ceux tout aussi fascinants de Jodie Foster :
Au départ, le seul ennemi auquel il doit se confronter est l'inspecteur de la gare Gustave (Sacha Baron Cohen) et son doberman Maximilien, ce qui n'est pas spécialement facile :
Vivant en grande partie de petits vols, Hugo se trouve vite confronté au principal vendeur de la gare, un certain "Papi Georges" (Ben Kingsley) - qui en fait se révèle être le véritable Georges Méliès, ce que nous ne découvrirons que bien plus tard dans le film :
Ils se vouent dès le début une antipathie acharnée, mais sans que l'on sache vraiment pourquoi, cela se calme avec le découverte de l'un des premiers films de Louis Lumière, L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat - daté de 1895, et effrayant tous les spectateurs, bien au-delà de ce l'on pouvait imaginer :
Durant tout ce temps, Hugo se rend à la bibliothèque, où il finit par rencontrer la filleule de Papi Georges, Isabelle, une jeune fille avec laquelle il s'entend très bien - ce qui est finalement assez normal, puisque son interprète, Chloë Grace Moretz, avait exactement le même âge que lui, soit 13 ans :
Son grand projet reste de réparer un automate créé par son père, et ils vont finalement y parvenir... Sans que l'on sache vraiment comment ni pourquoi, l'automate se met à dessiner la lune détruite par une bombe - une œuvre que Hugo connait très bien, et qui est le tout premier film de science-fiction, dû à Georges Méliès en 1902 :
Il se revoit pour un temps avec son père horloger (Jude Law), en train de tenter une réparation de l'automate - sans bien avoir ce qui se passe en réalité :
Mais il le découvre subitement avec Isabelle et René Tabard (Michael Stuhlbarg), un expert cinématographique vénérant Georges Méliès, leur projetant son fameux film Le Voyage dans la Lune, hélas convaincu comme tout le monde que leur auteur était mort au cours de la Première Guerre mondiale :
Fort heureusement, ce n'est pas vrai du du tout, et Hugo tout comme Isabelle commence à se douter de la véritable identité de Papi Georges :
C'est le moment précis où Hugo se trouve livré à un cauchemar terrible d'un train arrivant gare Montparnasse - une scène magistralement filmée par Martin Scorsese, qui a nécessité une locomotive de 4,5 mètres de long, quatre mois de travail pour un plan d'à peine deux secondes, et décrit en réalité le réel accident du 22 octobre 1895 !
Vous avez vu ? L'image du film est pratiquement la même que la photographie réaliste qui a été prise à l'époque, ce qui est tout simplement incroyable !
L'on pourrait dire que l'histoire est presque terminée... Mais il reste encore à Hugo de découvrir qui est Georges Méliès, autrement dit le fameux Papi Georges. Au départ, ce dernier apparaît assez consterné que l'enfant ait percé tous ses secrets, mais il finit par s'y habituer, et lui raconte peu à peu toute son histoire - autrement dit, celle de son atelier et des nombreux films qui y ont vu le jour :
Dernier drame : la surveillance de Gustave reprend de plus belle, contraignant Hugo à fuir dans l'escalier de la fameuse horloge, jusqu'à se retrouver lui-même pendu à ses aiguilles... Mais heureusement, Georges Méliès est là, et contrairement à son attitude originelle, il parvient à faire libérer Hugo de la traque de ce dernier - qui au final s'avère plutôt content :
Merveilleux, n'est-ce pas ? Il ne fallait que cela pour redonner à Georges Méliès sa confiance en lui, et lui offrir en guise de remerciement toute une soirée consacrée à lui-même et à son œuvre, ce qui est la moindre des choses :
On y voit bien sûr certains de ses films les plus connus, allant de ses origines et des nombreuses actrices (dont sa femme) jusqu'à ses remises en couleur - ce qui fut évidemment le cas pour Le Voyage dans la Lune :
Mais laissons le très souriant Martin Scorsese nous donner - en partie - un certain nombre d'explications à cet Opus, reliant tout à la fois les films fantastiques, les effets spéciaux, le jeu des acteurs, tout ceci étant en grande partie dû la création et au testament de Georges Méliès :
Je dois donc comme d'habitude rendre hommage à Martin Scorsese, qui une fois de plus nous donne un film inoubliable, honorant l'un des créateurs du cinéma, et d'une façon bien différente de ce qu'il avait l'habitude de faire - sauf peut-être dans After Hours de 1985, un Opus complètement surréaliste !
Il me faut aussi remercier Allociné, grâce à qui j'ai pu emprunter la plupart de ces photos, car hélas je ne possède pas ce film en DVD, et je n'ai pu le voir qu'avec la bonne volonté d'ARTE, qui l'a programmé en octobre 2024. En tous cas, je souhaite beaucoup que vous le regardiez de vos propres yeux, et que vous y laissiez un petit commentaire, ne serait-ce qu'en guise de respect à Georges Méliès !