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  • jeudi, août 30, 2007

    THE LAST KING OF SCOTLAND (KEVIN MACDONALD)

    )Le Dernier Roi d'Ecosse, mais non des moindres, hélas !
    Ce film du réalisateur écossais Kevin Macdonald (2006) nous retrace en effet, sous une forme presque documentaire, les années les plus noires du sinistre dictateur africain Idi Amin Dada (1925-2003), président de l’Ouganda de 1971 à 1979, petit état d’Afrique centrale coincé entre le Soudan, le Zaïre et la Tanzanie, autrement dit des pays dont tout le monde se contrefout totalement...
    Ce qui le distingue du pur documentaire (bien qu’apparemment basé sur une histoire vraie, inspirée d'un roman de Gilles Foden), c’est qu’il nous fait vivre l’ascension et la dérive du dictateur à travers les yeux d’un jeune médecin blanc arrivé en Ouganda de façon totalement fortuite, ayant juste pointé un soir de déprime absolue son doigt au hasard sur une mappemonde :
    Médecin d’ailleurs incarné par le jeune acteur James MacAvoy, qui ne va certainement pas laisser les jeunes filles indifférentes :
    Tandis que nous autres n’auront guère que Gillian Anderson à nous mettre sous la dent - mais oui, la fameuse agent Scully des X-Files, méconnaissable en blonde ! (et encore, pas pour bien longtemps, vu que très probablement complètement décontenancée par l’absence de l’agent Mulder, elle ne dépassera pas les quinze premières minutes du film) :
    Tout d’abord étonnant, ce parti pris s’avère finalement extrêmement instructif (surtout de la part d’un réalisateur écossais, puisque ce pays a officieusement été, avec Israël, l’un des principaux soutiens d’Amin Dada durant cette période), car il nous fait en fin de compte revivre de l’intérieur, ce qui a pu dans un premier temps aveugler le monde entier sur la cruauté du régime, masqué par les apparences volontiers enjouées, débonnaires et sympathiques du personnage, de même que par sa propension à faire de somptueux cadeaux (sur le compte de l’état Ougandais, bien sûr !) :
    Plutôt surprenant au départ, le choix de l’excellent Forest Whitaker (Bird, The Crying Game, Panic Room, Phone Boot) dans le rôle principal s’est au final avéré extrêmement judicieux (Oscar du meilleur acteur pour ce film), peut-être justement du fait de sa capacité naturelle à jouer des personnages souriants et plein d’humanité, ce qui rend d’autant plus inquiétante sa transformation progressive en monstre paranoïaque, dépressif et soupçonneux de tout le monde (sans même parler de sa ressemblance physique assez hallucinante avec le dictateur en question) :
    Certains esprits chagrins pourraient sans doute reprocher à ce film, vers la fin, de sombrer dans une sorte de mélo, d’un seul coup axé sur une petite intrigue parallèle prenant corps entre le jeune médecin et l’une des nombreuses femmes du président :
    Personnellement, je n’en crois rien :
    Bien au contraire, ceci m’est apparu comme une façon élégante et très habile de ne pas sombrer dans les défauts habituels des documentaires, en résumant finalement de façon très elliptique les quelques 300 000 assassinats imputés à ce régime par le seul meurtre – atroce – de la jeune fille en question :
    Ainsi que par la torture du jeune médecin, suite à une séquence onirique fort bien filmée (de 1:36:22 à 1:37:12, précisément) !
    Preuve que ce jeune réalisateur maîtrise déjà très bien tous les moyens techniques : lors de la séquence finale, durant laquelle, à quelques secondes près, le médecin finit tout de même par se trouver dans le bon avion au bon moment, j’étais littéralement scotché au fond du canapé en me disant : "Mais vas-y ! Roule, roule, roule… et décolle !"
    En résumé : un film que je vous recommande chaleureusement (comme d'ailleurs la plupart des films commentés sur Le Cinéma de Vincent), même si nous autres hommes blancs n’avons pas forcément toujours envie d’entendre et de nous faire rappeler à quel point nous avons purement et simplement massacré ce continent tout entier… À faire suivre bien sûr du visionnage du terrible Lord of War de Andrew Niccol avec Nicolas Cage, film dont le cynisme terrifiant n’a d’égal que sa profonde réalité, hélas ! 
    P.S pour la route : Amin Dada a massacré ses principaux opposants (Pierono Okoya et son épouse) le 25 janvier 1970, et a déclenché son sanglant coup d’état le 25 janvier 1971… Or, il se trouve que je suis précisément né un 25 janvier, de 1959, si vous voulez tout savoir !
    Autres biopics (avec entre parenthèses la date du film, et le nom de la personne traitée) : Patton (1970, George Patton), Barry Lyndon (1975, Barry Lyndon), Raging Bull (1980, Jake LaMotta), Elephant Man (1980, John Merrick), Amadeus (1984, Wolfgang Amadeus Mozart), Bird (1988, Charlie Parker), Ed Wood (1994, Ed Wood), Braveheart (1995, William Wallace), A Straight Story (1999, Alvin Straight), The Insider (1999, Jeffrey Wigand), Ali (2002, Cassius Clay), Frida (2002, Frida Kahlo), Girl with a Pearl Earring (2003, Johannes Vermeer), Marie-Antoinette (2006, Marie-Antoinette), La Môme (2007, Edith Piaf), Into the Wild (2007, Christopher McCandless), Zodiac (2007, Arthur Leigh Allen & Robert Graysmith), Invictus (2009, Nelson Mandela), J. Edgar (2011, J. Edgar Hoover), Silence (2017, jésuites portugais)

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    samedi, août 25, 2007

    MYSTIC RIVER (CLINT EASTWOOD)

    Un film vraiment mystique !
    Succédant immédiatement à Créance de Sang, et précédant le très noir Million Dollars Baby, Mystic River (octobre 2003) apparaît comme un film un peu atypique dans la production de Clint Eastwood, notamment par son pessimisme glaçant et désespéré, à l'opposé des morales humanistes de ses opus précédents :
    Le film se déroule en deux phases bien distinctes : l'histoire, tout d'abord, de trois jeunes garçons joueurs et inséparables, comme il en existe des milliards de par le monde, et dont le destin va subitement basculer suite à l'enlèvement de l'un deux (Tim Robbins) par un couple de pédophiles :
    Trois personnages que nous retrouverons bien des années plus tard dans leur vie d'adultes (la partie la plus importante du film), interprétés par un trio de choc : Tim Robbins, Sean Penn et Kevin Bacon (à noter également la présence de Laurence Fishburne, sans doute bien content de se reposer entre deux Matrix) :
    Et là encore, tout le destin des trois personnages va de nouveau basculer suite à l'assassinat sauvage de la fille de Sean Penn :
    Dès ce moment, un nouveau trio s'ébauche donc petit à petit - la victime (Sean Penn), le policier (Kevin Bacon), l'ami (Tim Robbins) -, trio qui va peu à peu se transformer de façon sordide en cet autre : le policier (seul personnage des trois à afficher une certaine constance), le suspect numéro un (Tim Robbins), et le père trop pressé qui va finir, faute de patience, par faire justice lui-même en assassinant son ami d'enfance.
    La difficulté de parler de ce film, c'est entre autres qu'il n'appartient à aucun genre déterminé, même s'il peut tous les évoquer à un moment ou à un autre : ce n'est pas un thriller (malgré quelques scènes assez mémorables), ce n'est pas un polar (même si l'enquête menée par Kevin Bacon et Laurence Fishburne se révèle au final assez tordue), ce n'est pas non plus une peinture sociale (malgré la très parlante vision du Boston ouvrier de l'époque)... Peut-être pourrait-on dire que c'est à la fois un film sur la destinée, la perte de l'innocence, et un film sur la finalement banale naissance de la violence (ce en quoi il se révèle par certains aspects assez proche du futur A History of Violence de Cronenberg) :
    L'un des sommets du film réside dans la terrible confrontation finale, filmée de façon crépusculaire et magnifique, alors même que Clint Eastwood explore là les zones les plus sombres de l'âme humaine :
    Peut-être aussi l'une des morales du film réside-t-elle dans ce que l'on a coutume d'appeler l'effet papillon : le moindre évènement, aussi infime soit-il, peut finalement provoquer des ravages planétaires insoupçonnés. Et comme le suggère Kevin Bacon vers la fin du film, "peut-être qu'en fin de compte, nous sommes tous les trois montés dans cette voiture, ce jour-ci ?" :
    Autre aspect très important du film, c'est tout de même le rôle extrêmement important des femmes, qui constituent elles aussi une sorte de trio parallèle non dénué d'importance, puisqu'elles jouent finalement un rôle crucial dans le passage de Tim Robbins du rôle de simple ami au rôle de suspect, puis de victime expiatoire. La femme de Kevin Bacon (dont il est séparé), muette durant tout le film, et dont on n'aperçoit jamais que ce plan totalement lynchien au possible :
    La femme de Tim Robbins (Marcia Gay Harden, la partenaire de Tommy Lee Jones dans l'excellent Space Cowboys), laquelle est peut-être en fin de compte la plus grande responsable de la condamnation ex abrupto de son mari :
    Et pour finir, la femme de Sean Penn (Laura Linney, qui jouait la fille de Clint Eastwood dans Les Pleins Pouvoirs), d'une froideur et d'un opportunisme à glacer le sang, lorsqu'elle apprend la grossière erreur de son mari, et que l'on constate avec stupeur que c'est finalement le dernier de ses soucis, du moment que sa famille est préservée :
    Au final, un trio entièrement calqué sur le trio masculin, dans sa vision psychologique des personnages : celui/celle qui ne bouge pas (Kevin Bacon/sa femme), celui/celle entièrement dévoré par sa névrose (Tim Robbins/Marcia Gay Harden), celui/celle qui fonce tête baissée, et choisit toujours la solution la plus rapide, même si ce n'est pas forcément la bonne (Sean Penn/Laura Linney).
    Pour la route : les deux dernières images du film, magistrales d'éloquence et de concision. La première, qui hélas nous laisse supposer que toute la violence initialement engendrée par le kidnapping de Tim Robbins n'est certainement pas prête de s'arrêter, bien au contraire :
    La seconde, à l'image du titre : cette rivière large, immense, peut-être mystique, qui se charge de tout engloutir, les hommes, les cadavres, les souvenirs, qui était là des milliers d'années avant nous, et le sera encore bien après :
    Bref. Un film magique, fascinant, maîtrisé de A à Z, par contre à ne pas voir si vous êtes dans une phase dépressive, c'est clair...
    Petit P.S à l'intention de mes amis musiciens : je ne sais pas si cela vous aura sauté aux oreilles autant qu'à moi, mais depuis que Clint Eastwood ne travaille plus avec son fidèle compositeur de toujours, Lennie Niehaus, il s'est pour une fois targué d'écrire la musique du film... En commettant impunément ce que l'on peut bel et bien qualifier de plus énorme faute d'harmonie du monde, à juste titre, d'ailleurs, tellement c'est laid (le genre de faute pour laquelle on se fait virer du Conservatoire à peine après y être rentré). Je vous laisse deviner laquelle - sachant qu'au moins l'une de mes amies a repéré l'erreur instantanément !

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