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  • vendredi, janvier 04, 2008

    EASY RIDER (DENNIS HOPPER)

    Un chef d'œuvre absolu (1968) !
    Certes, sans doute peut-être un tout petit cran au-dessous de cet autre chef d'œuvre - incontournable - de la même année (2001, A Space Odyssey), mais tout de même : maximal respect, là, envers ce réalisateur/acteur brillant dont c'était le tout premier film, et qui fait ici preuve non seulement d'une extraordinaire maîtrise technique, mais aussi d'une énergie et d'une audace incroyables. J'ai nommé, le grand monsieur :
    Entouré d'un acteur alors en pleine gloire :
    Et aussi d'un petit jeune de 31 ans beaucoup moins connu, à part quelques petits rôles dans l'atelier du célèbre Roger Corman (notamment La Petite Boutique des Horreurs, 1960) :
    Mais qui fait déjà preuve ici de son légendaire sourire carnassier, et de son célèbre charisme, qui lui vaudra d'accéder à la stature de star mondiale que l'on sait, grâce notamment à Chinatown de Roman Polansky (1974), et au célébrissime Vol au-dessus d'un Nid de Coucous de Milos Forman (1975) :
    Alors certes : trois acteurs magnifiques, convaincants et inspirés, mais qui ne peuvent définitivement pas lutter avec les deux vrais héros du film, le premier étant la mythique moto chopper, filmée avec complaisance et amour sous tous les angles possibles et inimaginables :
    Le second étant bien évidemment la nature, la plus sublime chose à voir en ce bas monde, comme chacun sait :
    Alors bon. Pour ce qui est du pitch, ça se résume plutôt rapidement : deux braves allumés, bientôt accompagnés d'un troisième (Jack Nicholson) décident de tailler la route à bord de leurs superbes motos customs, ce qui au début se passe plutôt très bien, même au niveau de la confrontation entre citadins et paysans, le chopper étant aux uns ce que le cheval est aux autres, avec même une sorte de compréhension et de respect mutuel plutôt sympathique :
    Bien sûr, on finit forcément par arriver dans ce qui était la grande mode à l'époque, ce qu'on appelait une "communauté" :
    Bien que tout jeune réalisateur (32 ans !), Denis Hopper semble avoir tout de suite compris l'impact que certains plans pouvaient avoir pour marquer une vraie rupture au milieu d'un film... Tel ce point de vue génial et fracassant sur l'hélicon, qui à lui seul dit tout sur la bascule, quelque part, de l'antique Amérique paysanne (mais chevaleresque, malgré tout), à la nouvelle Amérique, vulgaire, peureuse, et intolérante :
    Car au bout d'une petite heure, là, ça commence tout de même à salement tourner au vinaigre (même si c'est, pour l'instant, plus en paroles qu'en actes) :
    Ultime scène avec Jack Nicholson (dans le film, un fils à papa très riche, mais néanmoins avocat pour la défense des droits civiques), qui va se faire peu de temps après massacrer en pleine nuit par les deux connards précédents :
    Et c'est là toute la grande dialectique du film, qui trouve l'un de ses premiers points d'apogée lors de cette hallucinante scène dans un bordel de la Nouvelle Orléans (filmée de telle sorte que l'on ne sache finalement jamais s'il s'agit d'une église ou d'une maison close, imaginez un peu la provocation, en 1968 !) :
    Scène totalement mystique, quelque part, et qui indique presque, en un certain sens, la dimension que va prendre le film dans ses dernières vingt minutes, parfois soulignée avec insistance :
    Et parfois, peut-être à titre expérimental, d'une façon très légère, tel ce plan subliminal de moins d'une seconde, l'agneau sacrifié, l'agneau immolé pour expier les péchés de tous les autres, bref, l'Agnus Dei revisité façon XXème siècle :
    Comme on le sait, sexe et religion ne vont normalement pas très bien ensemble, mais bon... Dennis Hopper avait déjà fait assez fort avec la précédente scène très ambigüe du bordel, mais alors là, dans la presque fin du film, il explose définitivement tous les codes, avec les deux couples baisant dans le cimetière en plein trip de LSD, de la folie pure, à l'époque :
    Bref ! La meilleure solution, c'est encore celle-ci, finalement :
    Supprimons les fumeurs, les buveurs, les drogués, les alcooliques, les marginaux, les artistes, les SDF, les noirs, les jaunes, les arabes, les pauvres, etc... Et voilà : le monde en sera tellement plus glamour et plus beau, c'est clair !
    Moralité (Hopper l'avait déjà compris en 1968, et 40 ans plus tard, je serais toujours plutôt assez partisan de son point de vue) :
    En résumé : un pur chef d'œuvre, un hymne à la liberté et à la nature, bref, un film qui se regarde tout seul, avec nostalgie, certes, pour tous ceux qui ont connu cette époque bénie, mais sans doute aussi avec curiosité et peut-être enthousiasme de la part de tous ceux qui n'ont connu que les éthylotests, les préservatifs, et les interdictions de fumer à peu près partout...
    Un film qui se regarde tout seul, donc, mais qui en plus ne s'écoute aussi pas mal, jetez juste un petit coup d'œil au casting de la BOF, ce n'est pas vraiment de la tarte, là, comme on dit :
    Bonne année 2008 à toutes et à tous - avec tous ces préceptes en tête, cool !

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    mercredi, janvier 02, 2008

    VANISHING POINT (RICHARD C. SARAFIAN)

    Ou encore, en bon français (dû à Richard C. Sarafian, en 1971) :
    Le type même de DVD tellement catalogué "série B", que non seulement les éditeurs peuvent se permettre d'en massacrer la couverture, mais en outre de le brader à quelques euros, pour notre plus grand bonheur :
    Encore une fois, un road movie presque aussi culte que le très fameux Easy Rider sorti trois ans auparavant, qui se déroule dans un cadre grandiose, occupant à lui tout seul presque la moitié des Etats Unis :
    Comme dans nombre de grands films, aucune des quelques images-chocs du début n'est bien sûr laissée au hasard, qu'il s'agisse de la prémonition finale :
    D'un résumé abyssal sous fond de No man's land et de cimetière de voitures :
    D'un inutile avertissement :
    Ou encore, de la gueule hallucinée de Kowalski (Barry Newman), qui traverse tout le film avec ce très étrange regard absolument au-delà, complètement désenchanté, comme s'il n'en n'avait plus rien à foutre de rien - ce qui, en l'occurrence, est d'ailleurs le cas :
    Alors bien sûr, de prime abord, les points communs avec le précédent Easy Rider semblent sauter aux yeux, des monstrueux cartons aux fameux choppers, en passant - bien sûr - par la seule drogue envisageable dans ce contexte :
    Sans même parler des petits plans bien assassins sur l'Amérique rurale et très bien pensante, que l'on retrouvera par la suite très souvent chez David Lynch :
    Et pourtant... Bien des choses séparent en réalité ce film (1971) de son aîné Easy Rider, car en l'occurrence, le héros reste ici un solitaire endurci, dont la quête n'est absolument ni communautaire ni mystique, à peine soutenue (et encore, sans l'avoir jamais demandée) par cet improbable DJ aveugle de la radio KOW, inspiré - pourquoi pas, allez savoir ? - par la grande idole de l'époque, monsieur Stevie Wonder :
    Contrairement à Denis Hopper et Peter Fonda, Kowalski n'est pas en quête, mais plutôt en fuite de quelque chose, une sorte de fuite en avant où il lui faut oublier son passé de motard raté :
    Son passé de pilote raté - bien que tout le monde prétende qu'il reste toujours "the best of the best" :
    Et même son passé de flic raté - raté parce que trop intègre (argh, revoir Serpico, ça me dirait bien, là...) :
    Toutes choses que l'on ne découvre que par flashs de façon totalement allusive, et qui malgré tout ne réussissent jamais à nous faire oublier la pure jouissance solitaire du héros face à la toute puissance de la nature - et là, bien sûr, il y a une vraie communauté d'esprit avec Easy Rider, c'est évident :

    Même quand il s'agit de la nature au sens le plus large du terme - comme c'était encore couramment le cas durant les années 80 !
    Cependant, là où le film s'avère très original, surtout pour l'époque (1971), c'est dans cette sorte d'improbable coalition entre l'appétit de liberté, la pure jouissance de la vitesse, et cette sorte de course à la mort librement consentie, seulement soutenue par l'improbable DJ de la radio KOW (d'ailleurs rebaptisée KOWalski pour l'occasion !) :
    Bon. Tout le monde l'avait pensé très fort : "N'y va pas !" :
    Mais rien à faire ! Il y ira tout de même, sachant en toute conscience à quoi cela le conduira inexorablement :
    En résumé, un film magnifique, malgré son tag "série B", à voir absolument, et qui quelque part, sonne déjà comme une vraie prémonition du totalement déjanté Crash de David Cronenberg...
    Comme le conclut l'excellent Dictionnaire du Cinéma de Jean Tulard (Robert Laffont) : "Trop personnel, ce Sarafian : le succès l'a boudé, mais il faudra bien lui rendre justice un jour."
    Enjoy !

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