2001, A SPACE ODYSSEY (STANLEY KUBRICK)
Géantissime !
J'ai revu ce chef d'œuvre absolu que représente 2001, l'Odyssée de l'Espace (1968), et bien que cela soit au bas mot la dixième fois, l'émotion de la première vision s'avère toujours intacte, et l'on ne ressort jamais complètement indemne de ce film d'une beauté hallucinante du premier jusqu'au dernier plan, qui plus qu'un film, d'ailleurs, est en réalité une expérience, de même que lorsque l'on découvre pour la première fois une symphonie de Brahms ou de Bruckner...
J'ai revu ce chef d'œuvre absolu que représente 2001, l'Odyssée de l'Espace (1968), et bien que cela soit au bas mot la dixième fois, l'émotion de la première vision s'avère toujours intacte, et l'on ne ressort jamais complètement indemne de ce film d'une beauté hallucinante du premier jusqu'au dernier plan, qui plus qu'un film, d'ailleurs, est en réalité une expérience, de même que lorsque l'on découvre pour la première fois une symphonie de Brahms ou de Bruckner...
On ne peut mieux dire que le maître lui-même, qui adorait d'ailleurs la musique classique à un point inimaginable : "J'ai essayé de créer une sorte d'expérience visuelle, qui contourne l'entendement et ses constructions verbales, pour pénétrer directement l'inconscient avec son contenu émotionnel et philosophique. J'ai voulu que le film soit une expérience intensément subjective qui atteigne le spectateur à un niveau profond de conscience, juste comme la musique ; "expliquer" une Symphonie de Beethoven, ce serait l'émasculer en érigeant une barrière artificielle entre la conception et l'appréciation. Vous êtes libre de spéculer à votre gré sur la signification philosophique et allégorique du film, mais je ne veux pas établir une carte routière verbale pour 2001 que tout spectateur se sentirait obligé de suivre sous peine de passer à côté de l'essentiel" !
On y retrouve bien sûr le perfectionnisme du maître dans les moindres détails, que certains taxent de maniaquerie. Un exemple au hasard, ce plan parfait de la panthère, que Kubrick a certainement dû tourner un nombre incalculable de fois, jusqu'à ce que les yeux reflètent au moment précis "M" la lumière du soleil dans l'axe de la caméra :
Le fameux monolithe, qui a fait couler tant d'encre... Est-ce Dieu ? Ou non ? Ou peut-être un peu ? (Kubrick lui-même n'a d'ailleurs jamais souhaité souhaiter donner d'interprétation très claire à ce sujet, et on peut supposer qu'il préférait lui aussi laisser la porte ouverte à une multitude d'interprétations) :
Quoi qu'il en soit, c'est bien suite à l'apparition du fameux monolithe que les singes découvrent l'art d'utiliser un objet - pas anodin, du reste, l'os - pour un autre usage que sa destination initiale. Encore un exemple de la maniaquerie de Kubrick : en accompagnant cette scène extraordinaire par le non moins extraordinaire Also Sprach Zarathoustra de Richard Strauss, il s'est débrouillé pour que le moment crucial de cette découverte révolutionnaire coïncide avec la première modulation en fa majeur du thème, en décuplant pour ainsi dire l'effet sur le spectateur :
Et bien évidemment, surtout à l'échelle de l'univers, il n'y a qu'un pas pour passer du silex à l'internet, comme le démontre Kubrick par le raccourci sans doute le plus célèbre (et le plus génial, il faut bien l'admettre) de toute l'histoire du cinéma : lancé vers l'espace, l'os amorçant sa descente se transforme subitement en un vaisseau spatial de même taille apparente sur l'écran :
L'une des choses les plus hallucinantes, dans ce film qui a tout de même plus de cinquante ans (1968), c'est qu'absolument rien n'a vieilli, qu'il s'agisse de la conception des vaisseaux, des voyages dans l'espace et même, plus rare, des ordinateurs (pour tout dire, même celui d'un de mes films préférés, Alien (1979), "Mother" fait carrément rigoler à côté, avec ses petites lumières qui clignotent dans tous les sens).
À noter pour la petite histoire : cet ordinateur (si dangereux qu'il est même capable de lire sur les lèvres !) se prénomme HAL, lettres qui correspondent étrangement à un géant de l'informatique si on les déplace d'un cran dans l'ordre de l'alphabet :
À noter pour la petite histoire : cet ordinateur (si dangereux qu'il est même capable de lire sur les lèvres !) se prénomme HAL, lettres qui correspondent étrangement à un géant de l'informatique si on les déplace d'un cran dans l'ordre de l'alphabet :
Même les effets spéciaux de la phase visuellement la plus bluffante du film (l'arrivée sur Jupiter) n'ont pas vieilli d'un iota, alors qu'ils reposent presque uniquement sur des trucages à base de flaques d'huiles, de solarisations, et surtout d'un montage extrêmement rusé et nerveux... Voilà, c'est le génie à l'état pur, il n'y a pas de mot pour décrire cette séquence magique, dont l'impact est tel que l'on a encore les yeux qui clignotent en sortant du cinéma, alors qu'elle ne représente que cinq minutes de ce film de deux heures vingt :
Pour conclure avec les deux scènes les plus déroutantes du film, celles qui ont découragé dès le départ même les spectateurs les plus assidus, les scènes au-delà de l'univers, et qui donc, selon une logique Einsteinienne, n'obéissent plus aux mêmes lois temporelles. Voici pourquoi le cosmonaute se voit, dans le même instant, adulte, vieillard, puis fœtus, le fameux fœtus astral. On peut même voir ces ultimes scènes comme une Cène à proprement parler, avec toute la symbolique implicite des plans montrant longuement le verre qui se brise, alors que le vin demeure (le contenant - le corps - disparaît, alors que le contenu - l'esprit - demeure à jamais). On rejoint ici des thèmes rarement abordés au cinéma, et pour cause : l'absence de temporalité, les univers parallèles et coexistant, l'analogie de structures entre l'infiniment petit et l'infiniment grand :
Kubrick reconnaissait par ailleurs que la plupart des cinéastes se souciaient très peu de la forme, en n'essayant presque jamais de sortir de la structure narrative habituelle. Et il est vrai qu'à part Cronenberg, Lynch et Tarantino, bien rares sont les exemples de tentatives novatrices en ce domaine...
Dernier exemple de cette modernité : le film débute par trois minutes d'écran noir, seulement accompagnées par le Requiem de Ligeti, phénomène qui se reproduit par la suite exactement à l'identique à 1h24', on imagine le flip dans un vrai cinéma ! Et le meilleur critère de cette modernité, c'est que ces six minutes sont toujours systématiquement coupées lors des rares diffusions TV de ce film, sauf par ARTE... Un film qui fait encore peur plus de cinquante ans après sa sortie, et bien moi, je dis (comme Schumann à l'égard de Chopin) : "Chapeaux bas, messieurs. Un génie !".
Si j'ai pu donner envie, ne serait-ce qu'à une seule personne, d'aller de toute urgence louer ou acheter ce chef d'œuvre absolu...
Dernier exemple de cette modernité : le film débute par trois minutes d'écran noir, seulement accompagnées par le Requiem de Ligeti, phénomène qui se reproduit par la suite exactement à l'identique à 1h24', on imagine le flip dans un vrai cinéma ! Et le meilleur critère de cette modernité, c'est que ces six minutes sont toujours systématiquement coupées lors des rares diffusions TV de ce film, sauf par ARTE... Un film qui fait encore peur plus de cinquante ans après sa sortie, et bien moi, je dis (comme Schumann à l'égard de Chopin) : "Chapeaux bas, messieurs. Un génie !".
Si j'ai pu donner envie, ne serait-ce qu'à une seule personne, d'aller de toute urgence louer ou acheter ce chef d'œuvre absolu...
Autres films du même réalisateur : Le Baiser du tueur, L'Ultime Razzia, Les Sentiers de la gloire, Lolita, Docteur Folamour, Barry Lyndon, Shining, Full Metal Jacket, Eyes Wide Shut
Libellés : Drame, Fantastique, Inclassable, Kubrick, S.F