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  • jeudi, avril 16, 2009

    WHITE HUNTER, BLACK HEART (CLINT EASTWOOD)

    Ou bien, en français, Chasseur Blanc, Cœur Noir !
    Film absolument superbe, coincé entre Bird (1988) et La Relève (1990), et l'une des seules biographies consacrée à John Huston (1906-1987), le réalisateur d'au moins trois films absolument mythiques, Le Faucon Maltais, Les Désaxés, et African Queen (1951), tournage épique et complètement délirant dont il est justement question dans ce film d'Eastwood :
    Sans même parler du fait que John Huston est né un 6 août, il appartient de ce fait, sans la moindre hésitation possible, de pair avec Howard Hughes, à la lignée de ce que l'on a pu appeler les derniers grands nababs, tel David Lean se faisant livrer en plein désert sa Rolls plaquée or sur le tournage de Lawrence d'Arabie !
    Des gens quelque part comparables au prototype Hemingway, des gens toujours prêts à tout sans la moindre hésitation :
    Des gens perpétuellement fauchés, mais toujours entourés d'amis suffisamment riches et admiratifs pour les dépanner gentiment (admirez la maison, tout de même !) :
    Et surtout des gens suffisamment riches, malgré ces petits problèmes financiers (300000$ de dettes en 1951, cela doit bien avoisiner les dix millions d'euros de nos jours, non ?), pour envoyer bouler le producteur qui l'engueule au sujet de sa fin prévue - car souvenez-vous, tout le monde meurt, à la fin de African Queen :
    Avec bien sûr le meilleur argument du monde, mais qui à l'époque n'était pas aussi facilement admis que de nos jours, et où la Happy End était quasiment obligatoire :
    Adoncques, peu importe : "Tout le monde dans le car !", comme on dit... Avec au passage quelques vues sur les sublimes chutes du Zambèze :
    Juste avant d'arriver à cet aéroport, autrefois capitale de l'Ouganda (lieu marqué depuis par tellement d'événements tragiques, que je préfère ne pas entrer dans plus de détails, sinon pour vous conseiller au passage cet autre excellent film sur le terrible régime d'Idi Amin Dada, The Last King of Scotland) :
    Bien évidemment, comme tous les films qui se déroulent en pleine nature, il est difficile de passer outre la beauté des images - de même que dans La Sanction, du même auteur :
    Sans oublier au passage la fascinante Marisa Berenson (ici, Katharine Hepburn), mais oui, souvenez-vous : l'héroïne du seul film au monde tourné sans le moindre apport de lumière artificielle, le sublime Barry Lyndon de Stanley Kubrick, où elle jouait le rôle de la comtesse éponyme :
    Quelque part, certes, ce film est une fable... Mais une fable bien réelle, où Clint Eastwood en profite pour mettre les points sur les "I" au sujet de ses propres convictions en matière de cinéma :
    Et une fable où, de façon indéniable, on le sent aussi en totale admiration devant ce personnage qui criblé de dettes, discrédité par son scénariste et son producteur, se paye en outre le luxe d'envoyer chier tout le monde pour s'offrir (sur le compte des autres, bien sûr !) la seule chose qui l'intéresse vraiment, son safari en Afrique :
    Incroyable, n'est-ce pas ? Surtout à notre époque, où la production d'Hollywood accuse une chute de 57%, sans rire...
    Deux grandes scènes, tout de même, où Clint Eastwood règle ses comptes avec le racisme... La première, lors d'un dîner avec une jeune femme en apparence très raffinée, qui lui sort néanmoins des énormités de ce style :
    Avec cette jolie réponse - et ce très joli dessin :
    Juste avant de se bagarrer avec le patron de l'hôtel, tellement ulcéré par son attitude vis-à-vis d'un serveur noir - "nègre", comme on le disait en 1951 :
    Certes, guère à son avantage, on va dire :
    Peu importe, il n'en a rien à foutre... C'est ce genre de personnage, quoi ! Quand il se décide enfin à se rendre un minimum sur les lieux de son tournage à l'aide d'un zinc complètement pourri, la seule chose qu'il trouve à dire à son scénariste mort de peur, c'est celle-ci :
    Car bien sûr, tous les producteurs, financiers, etc... ne sont préoccupés que par une seule chose : "Il vaudrait mieux couper la scène des rapides, tout le monde pense que le bateau ne tiendra pas le coup" ! Et John Houston de répliquer (tout ceci est authentique) : "Bon, et bien il n'y a qu'une seule façon de le savoir, n'est-ce pas ?" :
    Argh, le fou total ! N'empêche que ça a marché (à noter que le bateau utilisé dans le film de Clint Eastwood est la copie absolument parfaite de l'original) :
    John Huston vient de tourner l'une des scènes cruciales de son film, et du coup, sans le moindre scrupule, il repart vers la seule chose qui semble l'intéresser, son safari, avec son fameux guide Kivu :
    Peut-être ne s'attendait-il pas à ce genre de chose, aussi grandiose  - qui le saura jamais ?
    Quoi qu'il en soit, son scénariste est complètement subjugué par l'événement :
    Ayant subitement la conviction que "Nous autres humains, ne sommes que..." :
    Oui ?
    Ou non ?
    Allez, un autre trailer :
    Mais toujours est-il qu'après tous ces déboires, toutes ces folies, toutes ces tergiversations inutiles, l'ultime plan génial du film est celui-ci :
    Abandonner les éléphants, se mettre pour une fois à son vrai boulot, et se faire un cut absolu là-dessus, c'est la grande classe, en résumé...
    Bon, c'est du Clint Eastwood, quoi...

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    samedi, avril 04, 2009

    MIDNIGHT IN THE GARDEN OF GOOD AND EVIL (CLINT EASTWOOD)

    Autrement dit, Minuit dans le Jardin du Bien et du Mal (1997) :
    Certes, il ne s'agit pas là du film le plus réputé de Clint Eastwood (puisque sans les recettes de l'étranger, il n'aurait même pas rapporté aux USA ce qu'il a coûté), mais néanmoins d'un film magistral (1997), bien loin des effets spéciaux de Firefox ou du futur Space Cow-Boys, tout entier centré sur le soin et l'attention portés à la psychologie des personnages, à commencer par Jim Williams (sublime Kevin Spacey, comme à l'accoutumée), improbable dandy richissime d'une petite ville de la Nouvelle Orléans, au parler très châtié - pour tout dire, même moi qui suis une vraie quiche en anglais, je m'en aperçois ("Let's take a walk, shall we, sport ?") :
    Interviewé à l'occasion de sa grande et très convoitée fête de Noël par le timide journaliste John Kelso (John Cusack), lui aussi grand amateur d'Art, ce qui donne lieu à cette première conversation passionnante au sujet d'un repeint (toile de maître recouverte par une autre) - passionnante parce qu'elle est à elle toute seule une mise en abîme du film entier :
    Qu'y a-t-il sous les apparences ?
    Et au fond, qui s'en soucie vraiment ?
    Surtout dans une petite ville comme Savannah (à noter que le film est basé sur un fait divers authentique) :
    Une ville de doux dingues, au demeurant, où tout le monde porte une arme par simple routine :
    Une ville où certaines personnes promènent, pour honorer une promesse, des chiens qui n'existent pas :
    Une ville où d'autres se baladent partout avec quelques mouches en permanence attachées à leur cou (Geoffrey Lewis, l'un des acteurs fétiches de Clint Eastwood, père au passage de la très déjantée Juliette du même nom, héroïne entre autres de Strange Days et de Tueurs Nés) :
    Mais surtout une ville où la principale attraction de l'hiver est de savoir qui va faire partie - ou non - des heureux élus invités à la prestigieuse soirée de Jim Williams :
    Jusqu'à ce que, comme dit dans la Bible, "le voile se déchire, et les tombeaux s'entrouvrent..." - en l'occurrence, celui de Jude Law, retrouvé mort lors de ladite soirée, abattu en légitime défense par le maître des lieux :
    Morale très provisoire de l'histoire, valable en toutes circonstances, mais bien sûr particulièrement dans les petites villes :
    Peut-être est-ce cette première partie du film qui a foncièrement déplu aux américains eux-mêmes, tant elle oscille entre des registres très différents tout en montrant crûment des choses que personnes n'a vraiment envie de voir, qu'il s'agisse du travesti Lady Chablis (qui joue ici avec brio son propre rôle, souvent très drôle) :
    Ou encore de la grande prêtresse vaudou Minerva, qui réussit même à emmener toute cette première partie au limites du fantastique, mélange des genres certes très déroutant, mais particulièrement réussi par Eastwood, à mon sens :
    La seconde partie, beaucoup plus conventionnelle - puisqu'elle rejoint le style en revanche si prisé aux USA des films de procès - n'en reste pas moins passionnante, au sens où elle va prendre un malin plaisir à décortiquer, avec une précision d'entomologiste, tous les petits travers du moindre habitant de Savannah, du commissaire au médecin légiste en passant par les petits amis potentiels de Jude Law.
    Mais là encore, grâce à son sens inné de la respiration et du montage, Eastwood va éviter le principal écueil du genre (lasser le spectateur à force de témoignages, et de huit clos) en nous gratifiant de certaines scènes parmi les plus drôles du film, notamment celle où Lady Chablis va s'en donner à cœur joie en semant une pagaille monstrueuse au sein du très huppé "cotillon black" de la ville :
    L'un des grands moments du film, où l'on s'aperçoit en outre que le fait d'avoir une vie sexuelle différente de la majorité n'est aucunement un gage d'immoralité, bien au contraire :
    Thèse qui va au final se trouver appuyée avec force par l'avocat de Jim Williams (Jack Thompson), prenant au passage la défense de tout ceux montrés du doigt par les soi-disant bien-pensants :
    Croire néanmoins Clint Eastwood suffisamment simpliste pour s'en tenir là serait pourtant bien mal le connaître ! Car en réalité, sans même faire un spoiler pour autant, tout le film n'est en réalité qu'une gigantesque parabole sur l'Art et la Vérité, du moins sur ce que chacun veut - ou ne veut pas - en connaître : 
    Et en ce sens, il offre du même coup une certaine parenté avec le tout précédent Absolute Power (1997), ainsi qu'avec le nettement plus ancien The Eiger Sanction (1975), mais bien sûr, avec infiniment plus de maîtrise, même si le traitement paradoxal a pu, de prime abord, en décontenancer plus d'un !
    N'hésitez pas à découvrir à l'occasion ce film, l'un des plus injustement méconnus du maître... Vous ne le regretterez pas !

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