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  • samedi, avril 12, 2008

    MARIE-ANTOINETTE (SOFIA COPPOLA)

    Après Lost in Translation (2003)
    Voici Marie-Antoinette, le dernier film de Sofia Coppola, sorti en 2006, plutôt assez mal accueilli par les critiques français à sa sortie, et l'on se demande bien pourquoi, vu qu'il s'agit à mes yeux d'une pure splendeur...
    En tout cas, vu la complexité du sujet, je vais diviser cet article en plusieurs parties : 1) l'aspect historique 2) le point de vue de la reine 3) le point de vue du cinéphile, et pour finir, 4) les implications politiques et artistiques, bien évidemment très vastes...
    1) Dans la digne lignée de Virgin Suicides (son premier film), il est clair que ce qui a au premier chef inspiré Sofia Coppola dans cette tragique histoire, c'est avant tout le développement d'une personnalité à l'âge magique de l'adolescence, déjà accablée à 14 ans d'une foule de pressions justifiées par la raison d'état, afin de rapprocher les dynasties des Bourbons et des Habsburgs. Tout ceci à une époque où l'on concluait les mariages sur la base d'un simple portrait :
    Où l'on devait se résoudre à tout laisser derrière soi :
    Y compris le moindre vêtement qui puisse encore rappeler l'ancienne cour, au gré d'une scène particulièrement humiliante - même si tout ceci se passe dans l'or et la soie, ce qui n'est pas le moindre des paradoxes :
    Avant d'avoir la surprise de découvrir son nouvel époux :
    À ce propos, il faut d'ailleurs noter que si l'on a unanimement salué la performance radieuse et rayonnante de Kirsten Dunst, l'acteur Jason Schwartzman n'en est pas moins absolument parfait dans un rôle beaucoup plus ingrat, celui de ce roi chaste, timide et renfermé, à peine âgé de deux ans de plus que son épouse...
    Vient ensuite la débauche de fêtes versaillaises, à l'occasion du mariage, tout entier placé sous le signe de l'illusion :
    Puis, très vite, de la désillusion, la pauvre dauphine s'éveillant seule (et vierge ?) chaque matin, juste le temps de contempler le dauphin engranger des forces, avant de partir à la chasse, l'abandonnant à son triste sort la moitié de la journée :
    D'où ce début de révolte, Marie-Antoinette se sentant de plus en plus seule et abandonnée au milieu d'une cour réglée par l'étiquette la plus stricte, et qui ne voit en elle que "l'autrichienne" :
    Ambiance qui, certes, ne va guère s'arranger après les festivités du sacre, quelque somptueux que celui-ci ait pu être :
    Et pendant que la reine se livre à sa petite révolution de palais, une autre, bien plus grave, couve dehors le 6 octobre 1789....
    D'un second point de vue, et c'est surtout sur ces aspects que se concentre le film, c'est la façon dont toute cette existence de luxe, les leçons de musique, les toilettes, et même les premiers bains, vont finir par lasser Marie-Antoinette outre mesure :
    Parce que c'est bien joli de se réveiller chaque matin devant l'un des plus beaux panoramas du monde, certes :
    Mais à quoi bon, si l'on ne peut pas y passer de bons moments avec ses amis sans avoir à subir en permanence toute la pression de la cour ? Et voici comment Marie-Antoinette persuada Louis XVI de lui construire le Petit Trianon :
    Où désormais tout, ou presque, va lui être permis - ou plus exactement, où elle va petit à petit tout se permettre :
    Voire même un peu plus de libertinage que l'on est en droit d'en attendre de la part d'une reine (encore que ceci ne soit que rumeurs, jusqu'à présent) :
    Enfin bref... Toutes choses que vous connaissez sans doute plus ou moins, si vous n'avez pas trop dormi pendant les cours d'histoire à l'école !
    De la sorte, on peut toujours se dire que là où Sofia Coppola introduit quelques grains de sable dans le genre bien figé du cinéma historique, c'est peut-être finalement là où elle rend le mieux justice à l'esprit de la reine, refusant de se laisser classer ou enfermer dans un rôle, une cour, une étiquette... Entre autre avec cette succession de plans complètement allumés, lorsque Marie-Antoinette hésite entre l'une de ses nombreuses paires de chaussures :
    Et donc, pour une fois : vive les Converse, dans un tel contexte ! Pour être honnête, il faut bien avouer qu'il ne s'agit là que d'un unique plan d'une seconde parmi des milliers d'autres, tous aussi respectueux de Versailles et de la vie de la cour qu'il ne l'est humainement possible... Mais sans doute la réalisatrice attachait-elle une certaine importance à ce plan provocateur, puisqu'il figure en insert rose sur la jaquette verso du DVD, et que c'est même la première chose qui m'a surpris quand je l'ai reçu :
    Et entre autres belles trouvailles, la façon extrêmement pudique de Sofia Coppola d'évoquer la mort de l'un des enfants de la reine, Louis-Joseph de France, uniquement par le retrait d'un tableau, et son remplacement par un autre moins peuplé :
    Bref ! Quoi qu'il en soit, c'est du très beau cinéma, très documenté, mais aussi très personnel, qui rejoint ainsi sans effort mon propre panthéon des plus beaux films historiques jamais tournés : Barry Lyndon, Vatel, Tous les matins du Monde... Et pour conclure, l'ultime plan. Je vais m'engouffrer par la suite dans des discussions politiques, et en plus sans la moindre image, donc, la plupart des gens raisonnables ne diront pas qu'ils n'auront pas été prévenus !
    Autrement dit, l'état dans lequel le peuple a laissé Versailles après les évènements que l'on connaît, ce qui soulève bien sûr de très vastes questions, à commencer par celle-ci : "l'Art est-il fait pour le peuple ?" Sans doute, c'est une option, mais l'on devrait plutôt se demander, à l'inverse : "Tout le monde est-il fait pour l'Art ?"... Et là, contrairement à ce qu'a soutenu en 1981 un ministre de la culture ultra démagogue, il est bien évident que la réponse est : non !
    D'aucuns m'opposeront sans doute le fait qu'à cette époque, le peuple manquait cruellement de pain  mais ce n'était sûrement pas à cause des frasques de la reine, budget sans doute pharaonique vu d'un certain point de vue, mais en réalité absolument ridicule par rapport au budget global de l'état - on est là en réalité très loin de Nicolas Fouquet, qui détournait à lui tout seul pas loin de 80% des impôts (ce qui ne lui a pas très bien réussi non plus, du reste) !
    N'oublions tout de même pas - juste histoire de relativiser - que notre si admirée Révolution Française a fait à elle toute seule plus de morts que les quatre guerres réunies du règne de Louis XIV ! Et n'oublions pas non plus que si nos confrères d'outre-Rhin peuvent toujours s'enorgueillir, à juste titre, d'une tradition absolument ininterrompue, allant de Bach à Schönberg en passant par Mozart, Beethoven, Schubert, Mendelssohn, Schumann, Bruckner, Brahms, Mahler, Strauss, notre soi-disant tradition à nous saute directement de Rameau, le baroque (1683-1764) à Berlioz, le romantique (1803-1869), sans la moindre solution de continuité !
    En tout cas, ceci n'enlève rien à la beauté, mieux, même, à la somptuosité de ce film, que je vous conseille vivement de toute urgence...
    Enjoy !
    Autres films du même réalisateur : Virgin SuicidesLost in TranslationSomewhere
    Autres biopics (avec entre parenthèses la date du film, et le nom de la personne traitée) : Patton (1970, George Patton), Barry Lyndon (1975, Barry Lyndon), Raging Bull (1980, Jake LaMotta), Elephant Man (1980, John Merrick), Amadeus (1984, Wolfgang Amadeus Mozart), Bird (1988, Charlie Parker), Ed Wood (1994, Ed Wood), Braveheart (1995, William Wallace), A Straight Story (1999, Alvin Straight), The Insider (1999, Jeffrey Wigand), Ali (2002, Cassius Clay), Frida (2002, Frida Kahlo), Girl with a Pearl Earring (2003, Johannes Vermeer), The Last King of Scotland (2006, Idi Amin Dada), La Môme (2007, Edith Piaf), Into the Wild (2007, Christopher McCandless), Zodiac (2007, Arthur Leigh Allen & Robert Graysmith), Invictus (2009, Nelson Mandela), J. Edgar (2011, J. Edgar Hoover), Silence (2017, jésuites portugais)

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