Ou encore, Le Secret de Brokeback Mountain en français, ce qui ne rajoute pas grand-chose... Aimez-vous vraiment Taïwan ? Supportez-vous bien les films très lents, accompagnés de fort peu de paroles ? Détestez-vous à ce point les homosexuels, a priori contre-nature ? Si c'est l'un des trois cas, ce film de 2005 vous est vivement déconseillé... Car il est réalisé par un taïwanais bien connu - Ang Lee -, il se déroule avec peu d'action ou de dialogue, et en prime, il ne parle que d'une chose : l'amour homosexuel absolu, juste combattu par toutes sortes de répressions !
L'action débute en 1963, où l'on voit tout d'abord Jack Twist (Jake Gyllenhaal), puis Ennis Del Mar (Heath Ledger, hélas mort depuis), qui n'ont pas l'air de se connaître du tout :
Meilleure preuve ici :
Mais qu'importe... Après un bref entretien avec le patron, il vont devoir travailler ensemble durant tout l'été dans un domaine du Wyoming - Brokeback Mountain -, en tant qu'éleveurs de moutons :
Un labeur qui ne les enchante pas vraiment, mais dans lequel Ennis Del Mar est obligé de s'impliquer, étant donné qu'il va se marier sous peu avec Alma :
Jack Twist a l'air moins concerné, mais c'est l'occasion de remarquer l'un de ces plans magiques dû à Ang Lee... Sans qu'on le devine, du moins à la première vue du film, l'histoire a déjà commencé :
Et elle se poursuit tout naturellement, lorsque les deux jeunes hommes se trouvent à côté l'un de l'autre, et font ce qu'il ont à faire - et là également, Ang Lee veut juste dire le minimum, sans en montrer plus :
Ennis Del Mar n'en est d'ailleurs guère culpabilisé, limitant juste - pour l'instant - ces relations à leur strict minimum, afin de mieux se préparer à son mariage prochain :
C'est assez exotique, du reste, qu'Ang Lee soigne autant ses plans de montagne, tous sublimes, qu'il dissimule ceux de la secrète relation entre Ennis Del Mar et Jack Twist... Peut-être faut-il y voir en partie le sens profond de ce film, dans lequel la nature joue un rôle très important, supérieur à tous les autres ?
Quoi qu'il en soit, cela n'empêche pas leur chef Joe Aguirre (Randy Quaid), pas sympathique du tout, de leur faire le jour du départ une remarque assez désobligeante :
Pas très grave, c'est vite oublié... D'autant plus que dans les jours à venir, Ennis Del Mar n'a qu'une seule idée en tête, épouser Alma (Michelle Williams), désormais sa femme :
Tout a l'air, au départ, de bien se passer entre eux - bien qu'aussi peu bavard qu'Ennis Del Mar, c'est assez rare... Mais c'est lors de la saison suivante, quand Jack Twist tente de retrouver le même genre de travail, qu'il se heurte au refus de son ex-patron, Joe Aguirre, et à des allusions de moins en moins cachées :
Du coup, Jack Twist se remet au rodéo, histoire de compenser, et c'est là qu'il rencontre la belle Lureen Newsome (Anne Hathaway, qui ne sera vraiment connue que l'année suivante, avec Le Diable s'habille en Prada) :
Au début, il pense n'avoir aucune issue... Mais il change vite d'avis, lorsqu'il se découvre au final champion du rodéo - ce qu'il n'espérait en fait même pas :
Surtout que la jeune fille Lureen Newsome ne se gêne pas du tout, et le drague ouvertement à l'aide de bières et de danses :
Bien sûr, elle prétend se cacher, à l'aide de fausse précautions... Mais évidemment, il a tout deviné, et ne fait guère marche arrière :
Résultat, quatre ans plus tard, Lureen Newsome a de Jack Twist un bébé, qui est immédiatement vu comme le sien par son grand-père, L. D. Newsome (Graham Beckel) :
Du coup, Jack Twist et Ennis Del Mar étant chacun plus libre et moins complexé, il ne vont pas hésiter à se revoir - et tout le monde se doute de ce qui va se passer, ne serait-ce qu'à la minute où ils se rencontrent, après ne pas s'être revu depuis un long moment :
La seule qui a l'air totalement choquée par cette pratique, qu'elle ne soupçonnait pas du tout, est la pauvre Alma Del Mar - dont la vue sur les yeux suffit à nous décrire ce qu'elle ressent :
On obtient alors un plan assez long, où Ang Lee retrace le dialogue sous la tente entre Ennis Del Mar et Jack Twist, surtout que ce dernier est bien plus volontaire que l'autre :
Et cet échange de paroles ne finit pas très bien, souligné tout à la fois par l'oreille grande ouverte de Jack Twist, et des propos très réservés d'Ennis Del Mar :
Douze ans plus tard, en 1975, ce dernier finit d'ailleurs par divorcer, sort qu'on attendait depuis longtemps - étant donné que leur relation se figeait complètement en ignorance l'un de l'autre :
Pendant ce temps, Jack Twist sort la vérité à son beau-père, qu'il déteste de plus en plus, étant donné sa volonté de régner sur tout le monde... Il s'énerve beaucoup lors d'un dîner somptueux, où il remet le roi à sa place, celle d'invité n'ayant rien à dire d'essentiel :
En réalité, Jack Twist aime encore beaucoup sa femme, c'est juste elle qui ne sait pas bien de quel côté se tourner... Mais cela n'arrange rien, et c'est pour lui l'occasion de dire enfin les choses franchement à Ennis Del Mar, lors de l'une des occasions - de plus en plus rares - qu'il a de le rencontrer :
Il multiplie les aventures extérieures, que ce soit avec un substitut de sa propre femme, ou encore des travestis mexicains, mais en fait, une seule chose lui importe : écrire vraiment ses propres sentiments à Ennis Del mar... Ce à quoi celui-ci est évidemment très sensible, il lui répond même assez vite, mais hélas, il ne reçoit rien d'autre que la lettre qu'il a envoyée, gravée d'une mention évidente :
Lent, réservé et timide, comme chacun le sait, il finit néanmoins par passer un coup de fil à la seule qui comptait encore pour Jack Twist, sa femme Lureen Newsome :
Grosso modo, elle lui dit toutes les dernières vérités dont elle se souvient encore... Sauf sur ce qui lui est arrivé en réalité, qu'elle ignore d'ailleurs probablement, mais dont Ennis Del Mar finit par capter très vite le triste fondement - remarquablement résumé par Ang Lee en plans très courts, mais terriblement parlants :
Jack Twist n'est pas mort lors d'une panne subite de sa voiture, mais agressé sans pitié par au moins trois personnes - dont évidemment on ne sait rien, sinon qu'ils n'aiment pas du tout les homosexuels, et feront tout ce qui est possible pour mettre un terme à cette pratique honteuse.
Il ne reste donc à Ennis Del Mar qu'une seule chose à faire... Se rendre chez ses parents, un père assez peu concerné, mais une mère profondément touchée, qui lui offre avant son départ une chemise de Jack Twist, qu'il présentera à l'avenir comme un objet sacré :
Que dire d'autre ? Pour moi, c'est assurément l'un des meilleurs films que l'on ait tourné sur l'homosexualité, d'une part à cause de l'aspect caché et presque invisible de celle-ci, de l'autre côté grâce au caractère caché, magique, et disons-le, profondément amoureux de cet acte. C'est ce que j'espère vous aurez la patience de découvrir dans ce bref résumé du film dans son intégralité :
Bien sûr, on me soupçonne moi-même d'être homosexuel, surtout pour faire un article aussi élogieux concernant cette œuvre - qui n'en est pas une, aux yeux des coincés sur ce sujet... Rassurez-vous, ce n'est pas du tout mon cas, et beaucoup plus étonnant, ce n'est pas non plus la tendance de Ang Lee, qui de l'avis de 72% des gens, n'est pas homosexuel non plus (contrairement par exemple à François Ozon, qui l'avoue très franchement, et fait pas mal de films sur ce thème).
Certes, Ang Lee a déjà tourné plusieurs Opus ayant un rapport avec le sujet, notamment l'excellent Garçon d'honneur (1993), ou encore le très connu Tigre et Dragon (2000). Mais tous se passaient en Asie, joués par des gens de tous ces pays, alors que Brokeback Mountain (2005) a entièrement eu lieu aux USA, et fut tourné uniquement par des acteurs américains. Il fut d'emblée adoré par toute sorte de personnes (même non homosexuelles), remportant le Lion d'or à la Mostra de Venise, et rapporta mine de rien près de 80 millions de dollars, pour un budget plutôt faible de 14 millions. Si donc vous avez quelque chose à dire, n'hésitez pas : il suffit de cliquer sur la case de commentaires, juste au-dessous !
Un film très étonnant, réalisé par Tim Burton en 1994, et narrant la vraie vie du "plus mauvais réalisateur de tous les temps" tel qu'on le surnommait à l'époque, Edward David Ed Wood Junior (1924-1978)... Cette œuvre est l'un des biopics dont j'ai déjà parlé ici (Raging Bull (1980), Bird (1998), Frida (2002), The Last King of Scotland (2006) et Marie-Antoinette (2006)), et s'avère en ce sens plutôt incroyable, tellement la vie de cet homme était hallucinante, ne serait-ce que par ses nombreuses fonctions de réalisateur, acteur, producteur, scénariste et monteur.
Et pourtant, il a réellement existé, et contrairement à ce qu'il a l'habitude de faire, Tim Burton le décrit exactement tel qu'il était (même si cela est parfois assez humoristique), présenté tout d'abord par Criswell (Jeffrey Jones) :
Afin de le rendre encore plus crédible, Tim Burton le tourne entièrement en noir et blanc, ce qui est assez rare à l'époque (encore que cela a déjà été utilisé par Martin Scorsese pour Raging Bull (1980), et Steven Spielberg pour La Liste de Schindler treize ans plus tard). On découvre dès le début la première femme de Ed Wood, Dolores Fuller (Sarah Jessica Parker), qui semble s'entendre très bien avec lui, même si elle est contrainte de jouer dans un film particulièrement maladroit :
Ceci est nettement souligné par Bunny Breckinridge (Bill Murray, seul acteur célèbre qui avait tourné l'année précédente Groundhog Day), aux yeux de Dolores Fuller et d' Ed Wood (Johnny Depp) :
Mais l'un des évènements les plus importants se produit alors dans la vie d'Ed Wood, sa rencontre avec Béla Lugosi (Martin Landau, qui tournera 4 ans plus tard dans le film X-Files), un acteur sans doute déjà bien connu aux USA en raison de son film fétiche Dracula (1931), dû à Tod Browning :
Vient alors le producteur Georgie Weiss (Mike Starr), qui charge Ed Wood d'un nouveau film basé sur la transidentité, basé sur un projet de Christine Jorgensen.... Mais le scénario s'avère très mauvais, ce qui persuade Ed Wood et Georgie Weiss de construire un nouveau film, nommé Glen or Glenda ? On peut certes penser qu'à cette occasion, le producteur a l'air d'assez mal réagir à l'habitude occasionnelle d'Ed Wood de s'habiller en femme :
Mais bien au contraire, ceci est pour lui totalement naturel d'être de temps en temps travesti - d'autant que sa propre mère l'a initié à tout cela alors qu'il était encore petit enfant... On le voit au grand sourire qu'il aborde sans complexe dans cette scène, à l'époque fort peu répandu :
Du coup, il en profite pour donner un petit rôle à Béla Lugosi - sauf que l'action se passe en 1946, et que Béla Lugosi, né en Hongrie en 1882, a déjà 64 ans :
Toujours est-il qu'il montre bien ce qu'il sait faire, même si cela se limite grandement à ses origines hongroises et à Dracula :
Mais cela ne dissuada absolument pas Ed Wood, qui restera son ami pour toujours :
Celui-ci ne s'inquiète du reste pas du tout, étant donné que le cours de Glen or Glenda ? s'avère très bien parti - peut-être grâce à Béla Lugosi lui-même :
Hélas, ses actions sont de plus en plus souvent critiquées par sa première femme, Dolores Fuller, qui a vraiment du mal à supporter son travestissement - de même que sa mention dans le scénario, qui lui apparaît comme une véritable honte :
Sans parler des réactions de Georgie Weiss, son producteur, qui malgré les prétendues explications d'Ed Wood, disjoncte totalement, et décide de mettre fin au film, quoi qu'il arrive :
Mais l'on commence à bien connaître Ed Wood, et à pressentir que rien ne l'arrêtera jamais... Meilleure preuve avec ce nouveau film qu'il a décidé de monter en 1955, La Fiancée du monstre, et qu'il va commencer à tourner à peine après avoir rencontré Tor Johnson (George Steele), un boxeur n'ayant aucune ambition particulière pour le cinéma :
Comme par hasard, se présente également la belle Loretta King (Juliet Landau), qui va faussement persuader Ed Wood de l'engager en échange de 60000 dollars... Ce qu'il va évidemment accepter, avant de se rendre compte qu'il ne s'agit que de 300 dollars, le reste de la somme étant parti on ne sait où :
Toujours est-il qu'Ed Wood se lance malgré tout dans le projet - et ce sera d'ailleurs le seul à avoir dégagé un bénéfice de son vivant :
Ce qui semble incroyable, vu que le film a accumulé des maladresses de scénario, des acteurs pratiquement inconnus, et des images d'archives sans aucun rapport... Sans parler de cette scène hallucinante avec le faux poulpe, volé au studio de Republic, mais malheureusement sans son moteur, ce qui rendit sa réalisation assez périlleuse - mais c'est bien connu, toujours "parfaite" aux yeux d'Ed Wood :
Par contre, Dolores Fuller, qui devait jouer au départ le rôle principal, et fut hélas remplacée par Loretta King, n'en peut visiblement plus de cette trahison... Et du coup, après avoir bombardé son mari de phrases maudites et désespérantes, elle décide de le quitter définitivement :
Pour ne rien arranger, Béla Lugosi tombe subitement malade, contractant une maladie due à son usage de la morphine depuis vingt ans :
Fort heureusement, Ed Wood rencontre à ce moment-là une nouvelle femme, Kathy O'Hara (Patricia Arquette), qui non seulement ressemble étrangement à la première, Dolores Fuller, mais se révèle bien plus agréable et sympathique, tant du point de vue de son travestissement que concernant son propre métier :
Cela tombe bien, car Ed Wood doit lutter contre la colère du public lors de sa première présentation de La Fiancée du monstre, une salle dont ils ont tous du mal à partir :
Et comme si cela ne suffisait pas, il se trouve que Béla Lugosi décède peu de temps après, à l'âge de 73 ans, une mort due évidemment à l'abus de drogues durant ces longues années... Ils se rendent donc tous à sa dernière demeure, ayant l'air visiblement très tristes de cette macabre nouvelle :
Croyez-vous mieux connaître Ed Wood, désormais ? Vous avez tort, parce qu'à peine passés ces deux évènements, ce "plus mauvais réalisateur de tous les temps" se lance dans un film complètement science-fiction, Plan 9 from Outer Space (1959), auquel collaborent sa nouvelle femme Kathy O'Hara et la très difficile à convaincre Vampira (Lisa Marie), déjà fort connue pour son intervention à la télévision :
Bien sûr, il aimerait pouvoir encore disposer de Béla Lugosi... Mais comme c'est hélas impossible, il trouve vite une solution qui lui paraît parfaite, faire jouer le célèbre chiropracteur Tom Mason (Ned Bellamy) à sa place, le visage juste dissimulé vers le bas :
Il n'empêche, tout cela est bien difficile, ne serait-ce que parce qu'il a obtenu l'essentiel de l'argent du film via des responsables de l'église baptiste, qui ont des règles de morale très restrictives... Ainsi, pour une fois, Ed Wood serait sur le point de tout abandonner, lorsque très étrangement, il rencontre dans un bar le célèbre Orson Welles (Vincent D'Onofrio, déjà célèbre pour son apparition dans Full Metal Jacket en 1987), l'une de ses idoles parfaites :
Celui-ci lui dit grosso modo ce qu'il pense des producteurs, du financement ou du marché, et cela suffit pour persuader Ed Wood de reprendre son projet :
Ce qu'il fait désormais sans aucun complexe vis-à-vis des prêtres baptistes, desquels il rejette la moindre opinion, n'hésitant même plus à se présenter comme directeur entièrement travesti :
Et il sort définitivement son film Plan 9 from Outer Space en 1959, dans un grand cinéma du coin :
Vous ne refuserez pas un extrait, n'est-ce pas ?
A partir de là, Tim Burton ne nous montre plus la fin de la vie d'Ed Wood, où suite à une dépression constante, à l'insuccès de ses films et à son alcoolisme, il mourut en 1978 à seulement 54 ans... Mais il conclut avec cette phrase du réalisateur qui s'avérera parfaitement réaliste, avant de terminer son film Ed Wood par de petites biographies de tous ceux qui l'ont accompagné :
Je ne sais pas si je vous l'ai déjà dit, mais j'ai trouvé ce film excellent, comme du reste la majorité de 92% de critiques favorables. Il est certain que Tim Burton a dû procéder à de petits arrangements de dernière minute, mais dans l'ensemble, sa biographie est absolument parfaite, et pas du tout exagérée...
Voilà, j'espère que je ne vous en ai pas trop dit... En tous cas, ces biographies filmées sont quasiment toutes géniales, raison pour laquelle je les ai adorées et critiquées de cette façon, et bien sûr, je place Ed Wood (1994) parmi les meilleures, même si son choix était a priori assez étonnant !