BLOW OUT (BRIAN DE PALMA)
Un pur chef-d'œuvre, cela va sans dire !
Certes, cela date déjà de 1981, ce qui le situe dans le même registre que Alien, ou Apocalypse Now. Mais ceci est en réalité beaucoup plus ancien, inspiré par un film de Michelangelo Antonioni de 1966 nommé Blow-Up - ce qui signifie "agrandissement" en anglais -, suffisamment bon pour obtenir le grand prix du festival de Cannes en 1967.
Dès le début au second degré, si l'on peut dire, l'on se trouve pris au piège dans un film d'horreur convenu, avec tout ce qu'il y a comme faux couteaux et vraies jeunes filles :
Certes, cela date déjà de 1981, ce qui le situe dans le même registre que Alien, ou Apocalypse Now. Mais ceci est en réalité beaucoup plus ancien, inspiré par un film de Michelangelo Antonioni de 1966 nommé Blow-Up - ce qui signifie "agrandissement" en anglais -, suffisamment bon pour obtenir le grand prix du festival de Cannes en 1967.
Dès le début au second degré, si l'on peut dire, l'on se trouve pris au piège dans un film d'horreur convenu, avec tout ce qu'il y a comme faux couteaux et vraies jeunes filles :
Ce qui, selon Jean Douchet, auteur de l'analyse sur le DVD, pourrait même se rapprocher de Alfred Hitchcock, à l'exception de cette ultime scène, volontairement mal filmée :
Mais tout cela n'en est que pour arriver au véritable départ du film, basé sur cette réaction bien compréhensible de Jack Terry (John Travolta), entièrement concentré sur le son du film, comme le font tous les bons ingénieurs en ce domaine :
Un métier assez peu reconnu, à l'époque ? Je pense que oui, en fait... Et sûrement Brian De Palma lui aussi, puisqu'il n'hésite pas à faire entrer ce superbe générique, sans aucune autre image que celles d'un niveau son :
Nous voici donc rendu au début du film, où pour commencer comme s'il ne se passait rien, Jack Terry enregistre différentes choses, à droite et à gauche du pont de Wissahickon :
Petit détail au passage : vue est faite sur le splendide magnétophone, de la célèbre marque de Nagra, et ceci n'est pas dû au hasard. Outre le fait que le mot de Nagra signifie en polonais "il enregistrera" (la marque est due à un ingénieur suisse d'origine polonaise), cet appareil a servi de très longues années comme le seul compatible avec une caméra, et nul doute que ceci fut toujours le cas en 1981, date de la sortie du film :
Gros détail, par contre : alors que Jack Terry prend son pied à enregistrer des petits bruits, comme les grenouilles ou les hiboux, soudain se révèle ce qui va être le plan principal du film, une chute de la voiture du gouverneur en plein milieu de la rivière :
Ceci n'est pas rien, bien sûr... À commencer par l'interrogatoire malaisé de la police, mine de rien complètement larguée et incompétente :
À se poursuivre, ensuite, un très court temps, par un entretien avec la dame qu'il a sauvée, Sally (Nancy Allen, célèbre pour sa participation à RoboCop) :
Et à se terminer, histoire de bien mettre chapeau sur le tout, par un entretien avec un proche du gouverneur, qui semble relativement sincère, dans ce premier temps :
Mais c'est, bien sûr, beaucoup plus compliqué que cela... Ne serait-ce que dans cette vérification que Jack Terry pratique, et qui le confirme dans ce qu'il avait toujours cru. Grosso modo, la voiture est tombée à l'eau, certes, mais si l'on écoute bien, à peine une seconde avant, il y avait un bruit de fusil de canon fort suspect - ce qui est le sens de "blow out", par rapport à "blow up" :
Manque de bol, ceci serait extrêmement mieux avec le film approprié, ce dont Jack Terry ne jouit pas encore. Et la personne qui possède le film (Manny Karp, joué par Dennis Franz) ne dispose malheureusement pas du son, ce qui recadre le problème :
C'est bien sûr ce contre quoi Jack Terry va lutter. Tout d'abord, en redécoupant les images publiées dans une revue bon marché :
Puis en décidant de les réunir sous forme de film, ce qu'il réussit finalement par fort bien faire, même si cela lui prend un temps relativement long :
Mais c'était sans compter avec ce quatrième personnage, l'un des pires de Blow Out, et déjà coupable d'un meurtre sexuel, juste pour le plaisir, semble t-il... Son pur nom est d'ailleurs Burke (John Lithgow, du reste célèbre pour ses rôles atypiques, comme celui de gros méchant dans Cliffhanger), et son but unique est de chercher à tuer tout le monde qui détient le fameux film :
Est-ce que sa première vue, en gros plan, est la volonté de Brian De Palma ? En tous cas, ceci tombe fort bien avec l'occasion de le suspecter dans le plan suivant, qui est à mes yeux le plus fort de tout le film : celui où l'on voit Jack Terry fouiller dans toute sa maison à la recherche de ses nombreuses preuves de l'assassinat, bande après bande, et n'en trouver aucune.
Ce plan, qui est bien plus facile de nos jours, était à l'époque relativement complexe (rien qu'à écouter le documentaire, l'on s'aperçoit que les câbles de la caméra ont dû être rembobiné 5 ou 6 fois !), et c'est vraiment l'un des plus magnifiques de tout le film :
Ce plan, qui est bien plus facile de nos jours, était à l'époque relativement complexe (rien qu'à écouter le documentaire, l'on s'aperçoit que les câbles de la caméra ont dû être rembobiné 5 ou 6 fois !), et c'est vraiment l'un des plus magnifiques de tout le film :
Une fois encore, je ne peux pas prétendre remplacer la caméra... Mais ceci est proprement génial, filmé en complète rotation, cinq ou six fois, et avec un son absolument magique, sans aucune voix de Jack Terry. Et dès qu'il peut reparler, ceci ne va pas du tout dans le sens positif :
En résumé, que va t-il faire ? Et bien, tout d'abord convaincre Sally d'un rendez-vous avec Manny Karp, histoire de récupérer le seul film existant, ce dont elle ne se donnera aucun mal :
Ensuite, juste la persuader de le rejoindre à l'intérieur de la gare, afin de s'échanger les choses pour de vrai :
En théorie, tout se passerait donc plutôt bien... Mais en théorie seulement. Parce que là où Sally est persuadé d'échanger la parole avec Jack Terry, elle se trouve en fait entre les mains de Burke, le célèbre criminel sexuel. Sauf qu'elle n'en sait rien, et que Jack Terry, le seul a en être au courant, n'a aucune façon de la prévenir (là, les seules paroles qu'on voit sont livrées par elle, sur un magnétophone espion) :
Résultat : il va se trouver contraint d'effectuer cette chasse à l'aide de l'une de ses voitures, en plein centre de Philadelphie. Et même si ceci s'avère très beau - surtout vu de la façon dont c'est filmé -, il n'en reste pas moins que cela va se révéler plutôt mortel, en fait :
Premier à mourir - et de cela, personne ne s'en plaindra, je crois : le fameux Burke. Pris par étranglement par Jack Terry, et ceci au tout dernier moment :
Mais ceci se révélera trop tard pour la très chère Sally, dont Jack Terry était pour le moins amoureux - ici, précisons que Sally (Nancy Allen) était en réalité l'épouse de Brian De Palma jusqu'en 1983 :
Merveille de tout ceci : c'est qu'à la mort de Sally se révèle, comme une contradiction évidente, le sublime aspect du feu d'artifice de Philadelphie. Mais autre merveille bien plus cachée : c'est qu'à l'aide de son magnétophone, Jack Terry disposait évidemment de tous les sons commis en cette période, des plus séduisants jusqu'aux plus terribles. Et c'est bien sûr de ces derniers dont il va se servir pour donner enfin le son qu'il recherchait au tout début de ce film, celui d'un cri totalement réaliste - qui va beaucoup plaire au metteur en scène :
Et à lui, me direz-vous ? Je vous laisse découvrir le dernier plan de Brian De Palma, qui est totalement génial :
Voir à ce point l'engagement des ingénieurs du son, je crois que c'est une grande première, en fait... Tout le film est véritablement à respecter, non seulement pour ce thème plutôt inexploité, mais aussi pour le jeu des acteurs, et sa réalisation d'un bout à l'autre. Chose qui est assez rare, mais pas mal du tout : l'utilisation du musicien Pino Donaggio, qui même s'il a plusieurs fois aidé Brian De Palma, s'est surtout consacré aux films et à la TV italienne. Et chose encore plus rare, si vous avez le faux courage de voir la version du film en français : ce sera Gérard Depardieu qui prêtera sa voix à John Travolta, non seulement l'une des rares fois de sa vie, mais en plus à la demande même du principal acteur. Je vous mets un trailer, au cas où vous ne connaitriez pas encore cet Opus :
Comme quoi, inutile d'en dire plus, n'est-ce pas ? Ah si, j'aimerai bien avoir un commentaire de votre part, comme d'habitude... Mais inutile de le confirmer, évidemment !