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  • lundi, mars 19, 2007

    PRINTEMPS... (KI-DUK KIM)

    Bon, pas tout à fait...
    J'ai un tout petit peu élagué le titre en question, là, vu que sa longueur est, en quelque sorte, à l'image de la lenteur de ce film magnifique de Kim Ki-Duk (ou Ki-Duk Kim, comme on le dit sous nos latitudes). Il s'agit, en réalité, de : Printemps, Été, Automne, Hiver... et Printemps (2003)...
    Film en apparence simple, mais bien plus complexe et riche de symboles qu'il n'en a l'air de prime abord - et du reste, incidemment, assez riche de filiations avec le dernier que je viens de commenter, A Straight Story de David Lynch, puisqu'il s'agit essentiellement d'un film sur la transmission, l'héritage, les passages entre générations. Mais c'est surtout - et avant tout - un film d'une immense beauté plastique et visuelle, dans lequel chaque plan semble travaillé avec la même perfection que s'il s'agissait d'un tableau ou d'une calligraphie, avec ce raffinement typiquement oriental auquel nous avaient déjà habitué les œuvres de Kurosawa ou de Kitano (je pense à Dolls, d'une beauté hallucinante) :
    Comme annoncé par le titre, le film se déroule en quatre parties d'égale longueur (les saisons), suivies d'un petit bonus (...et Printemps).
    1) Printemps : "la perte de l'innocence". Au sein de cet endroit sublimissime (qui malheureusement n'existe pas en réalité, ce temple flottant miraculeux ayant été bâti pour la circonstance) :
    Un jeune apprenti moine fait l'expérience, tout d'abord ludique, du pouvoir de vie et de mort, en s'amusant cruellement (comme je crois, tous les mômes) avec les petits animaux, en leur attachant une petite pierre à l'aide d'une ficelle :
    Avant d'en faire lui-même la cuisante expérience à ses dépends, grâce à son Maître :
    2) Été : "la passion qui consume l'esprit et les sens". Là, nous nous retrouvons projetés une dizaine d'années plus tard, avec l'arrivée dans ce havre de paix d'un élément tout à fait perturbant :
    M'enfin bon. On a beau dire que les coréennes sont difficiles d'approche, christianisme ambiant et confucianisme ne facilitent guère les choses... Ceci dit, à en juger d'après ce film, c'est partout pareil, en résumé. On commence par se foutre de bonnes baffes histoire de tâter le terrain et de marquer son territoire :
    Et en fin de compte, ça finit toujours pareil :
    3) Automne ; "le temps de la jalousie et des pulsions destructrices qu'elle déclenche", avec des plans de plus en plus à tomber par terre de beauté :
    Et un commencement d'humour très particulier, assez proche de celui de Lynch ou de Kitano, de temps en temps, mais qui je crois trouve sa vraie origine dans les films de Jacques Tati, que les réalisateurs du monde entier connaissent et vénèrent. Encore que là, on ne soit finalement pas très loin de Kusturica (souvenez-vous de la dernière scène délirante de Chat Noir, Chat Blanc, où le type se sert d'une oie vivante comme d'une serviette !), parce que dessiner des Kanji avec la queue d'un chat, c'est quand même du jamais-vu :
    Mais bon. Les meilleures choses ont une fin, comme on dit... On peut s'en remettre au hasard et à la fatalité, comme 99% des gens, mais on peut aussi faire son propre choix de fin, ça se comprend, je trouve même ça plutôt sain, quelque part, plutôt que de finir ses jours à l'hôpital, grabataire et à l'état de légume. C'est tout le sens du caractère 閉める (Shimeru, en japonais, parce que je ne parle pas du tout coréen), si j'ose une traduction un peu audacieuse, je dirais : "Allez, on ferme, c'est maintenant !" :
    4) L'hiver ("la saison de la rédemption et de l'expérience"). Alors là, il n'y a pas que des plans à tomber deux fois le cul par terre, tellement c'est beau :
    Il y a aussi des plans à tomber 712 fois le cul par terre, tellement ça ressemble à de la plus pure calligraphie chinoise 山水画 (Sansuiga : littéralement, peinture d'eau et de montagnes) :
    De nouveau, un petit coup d'humour à la Tati (ce n'est pas moi qui fige l'image, c'est ainsi dans le film) :
    Juste avant de replonger dans le drame final (mais je ne vous dis rien, ça serait criminel), avec cette image bien flippante digne du célébrissime Elephant Man de David Lynch :
    Je n'en ai pas fait de photos, mais les serpents jouent également un très grand rôle dans ce film. De même que les papillons chez nous, ils sont vénérés en Orient, car ils sont les symboles de la transformation, de la transmission et de la mutation.
    Le cycle des saisons passe, l'homme trépasse, mais si avant de mourir on peut avoir l'occasion de transmettre quelque chose, rien ne remplace cette sensation, celle d'avoir été sur cette terre au moins brièvement pour quelque chose d'utile...
    5) D'où le dernier chapitre : "...et Printemps". Parce que la mort doit engendrer la vie, parce que la haine doit engendrer l'amour, parce que la laideur doit donner forme à l'art, c'est comme ça que ça marche, et si ça ne vous plaît pas, il n'y a aucune autre alternative...
    Il y a toujours un avenir, bien sûr !
    Et probablement quelque chose au-dessus de nous - bien que personnellement, je ne lui donnerais pas cette forme anthropomorphique... Mais bon, l'image est tellement belle, en même temps :
    Bouddah veille sur vous, sachez-le !

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    dimanche, mars 18, 2007

    A STRAIGHT STORY (DAVID LYNCH)

    Ou beaucoup moins bien, Une Histoire Vraie, sorti en 1999...
    Ce qui est plus significatif que la version française du titre, puisque Straight se trouve être l'authentique nom de famille du personnage principal (car il s'agit d'une histoire vraie, pour aussi incroyable que cela puisse paraître), mais signifie également "droit", "correct", "juste"...
    Une histoire toute simple, que l'on peut résumer en quelques lignes : Alvin Straight, sémillant vieillard de 73 ans, décide soudainement, en apprenant l'attaque cardiaque de son frère avec qui il est brouillé depuis plus de dix ans, de faire le voyage de l'Iowa jusqu'au Wisconsin afin de renouer avec lui. Sauf que : ne sachant pas conduire, étant très têtu et ne voulant ni prendre le car, ni être conduit par quelqu'un d'autre, il va décider d'entreprendre les quelques 600 kms qui séparent les deux états en utilisant... Sa tondeuse à gazon, attelée d'une sorte de roulotte-bivouac !
    Quelque part, après l'ultra génial Lost Highway, David Lynch renoue une fois de plus avec l'univers rural de Twin Peaks (il possède lui-même une maison à Boise, Idaho), cet univers en apparence tout lisse de petites villes tranquilles, de paysans sympathiques, de plaines à perte de vue, à peine fréquentées par quelques moissonneuses batteuses :
    Univers qui peut cependant tout aussi bien la nuit abriter des forces maléfiques, au détour de quelques rares plans - qui d'ailleurs ne sont jamais vraiment aussi effrayants que dans Twin Peaks :
    On y retrouve d'ailleurs l'un des acteurs emblématique de la série, Everett McGill, toujours dans un bref rôle de garagiste, sans doute un petit clin d'œil à tous les fans de cette série au succès planétaire :
    Plus deux monstres sacrés qui n'avaient plus tourné depuis assez longtemps : Richard Farnsworth, qui livre là une performance remarquable, un jeu tout en finesse et en sobriété, qui lui a valu deux nominations justifiées aux Oscars et aux Golden Globe :
    Ainsi que la célèbre Sissi Spacek (mais oui, souvenez-vous, Carrie au Bal du Diable, de Brian de Palma, où ce n'était encore qu'une adolescente !), dans un rôle de composition tout à fait étonnant et certainement pas très facile à jouer (la fille d'Alvin Straight, qui souffre de troubles du langage et du comportement) :
    Et voilà, c'est parti. En voiture, Simone !
    Certes, je suis bien conscient que le résumé du film cité plus haut n'est pas forcément très alléchant... Mais c'est oublier que David Lynch n'est pas le dernier des tâcherons, c'est même, bien au contraire, une étoile dans le ciel des réalisateurs de génie, l'un de ceux - comme Cronenberg, Kubrick ou Tarentino - dont on parlera encore dans cent ans :
    Autrement dit, plus que d'un voyage réellement géographique, c'est avant tout d'un voyage intérieur, initiatique dont il s'agit ici, d'un délicat compromis à trouver entre les forces d'Eros et de Thanatos, la pulsion de vie et la pulsion de mort, afin de pouvoir faire la paix avec soi-même et ses propres démons - ce que David Lynch a d'ailleurs magistralement réussi, puisqu'au sein d'une production tout de même très torturée, on peut dire que c'est pratiquement son unique film vraiment sain, calme et apaisé (un peu comme la Quatrième de Mahler au milieu de ses autres symphonies).
    Il y a dans ce film six rencontres fondamentales. La toute première placée sous le signe de la jeunesse - une adolescente fugueuse qui, faute d'avoir été prise en stop, se retrouve finalement à passer la soirée avec Alvin, qui de façon très émouvante, trouve des mots très justes pour la confronter à ses problèmes familiaux :
    Rien à voir avec la choucroute, mais je n'ai pas pu m'en empêcher... Spéciale dédicace à tous les lecteurs de mon autre site Dirty Boots and Sneakers (elles sont très belles, n'est-ce pas ?) :
    Bref ! Seconde confrontation, toujours sous le signe de la jeunesse, avec un certain humour assez typique de David Lynch, qui peut parfois rappeler celui de Jacques Tati, curieusement :
    Sinon que là, la confrontation apparaît déjà plus sérieuse :
    La troisième rencontre, elle, est déjà sous le signe de Thanatos, avec cette conductrice complètement hystérique à force de buter au minimum un cerf par semaine - malgré qu'elle ait tout essayé, y compris, je la cite, "mettre Public Enemy à donf !" :
    Et suite à un accident heureusement sans gravité, la quatrième rencontre, paisible, mais grave, entre congénères du même âge, les deux hommes qui ont combattu en Europe lors de la seconde guerre mondiale évoquent tristement l'horreur de celle-ci, reviennent sur leurs erreurs, qui peuvent hanter le cœur de l'homme durant toute une vie :
    Cinquième rencontre, importante, au beau milieu de l'un des cimetières les plus anciens des États-Unis, celle du pasteur, déjà une voie possible vers la réconciliation :
    Et bien sûr, n'oublions pas de mentionner cette prise de son très particulière (et en même temps typique, notamment utilisée dans Sailor & Lula et Fire, walk with me !) à très exactement 1h38'40'' du film : contrairement aux standards du cinéma classique américain, je pense là qu'il a placé les micros tout aussi loin que la caméra, ce qui donne une sorte de chuchotement presqu'inaudible mais extrêmement convaincant, qui donne vraiment l'impression d'être là :
    Il est à noter que David Lynch, contrairement à beaucoup de réalisateurs, a une passion absolue pour le mixage son définitif, et qu'il est d'ailleurs presque toujours crédité en tant que tel au générique de la plupart de ses films. Ceci explique malheureusement en retour pourquoi presque toutes ses VF sont absolument ignobles (et notamment celle de Sailor & Lula, à peine digne du doublage d'un mauvais porno, un véritable assassinat !)...
    Et enfin, l'ultime rencontre, celle du frère (presque sans parole, la classe, quoi...), le fameux Harry Dean Stanton, qui jouait déjà le rôle du détective Johnny Farragut dans Sailor & Lula, mais aussi le rôle de l'un des mécaniciens du Nostromo dans Alien de Ridley Scott, le premier à se faire dévorer par la bête !
    Bref, un film somptueux, débordant d'optimisme, d'amour de la vie, et d'amour tout court, tout simplement...
    Que dire de plus ? Ah oui, n'oublions pas non plus la musique magique de Mr Angelo Badalamenti, le complice de longue date (de même que Cronenberg, Lynch travaille pratiquement toujours avec la même équipe), qui a livré pour l'occasion une bande à mi-chemin entre Impitoyable de Clint Eastwood (pour les thèmes à la guitare acoustique) et Fargo des frères Coen (pour les passages au violon Country), un vrai must, dans le genre...
    Ce soir, c'était mon option "films lents et méditatifs", vu qu'avant celui-ci, j'ai découvert le merveilleux Printemps, Eté, Automne, Hiver... et Printemps de Kim Ki-Duk, je vous en parlerai la prochaine fois !
    Autres films du même réalisateur : EraserheadElephant ManWild at HeartLost HighwayMulholland Drive
    Autres biopics (avec entre parenthèses la date du film, et le nom de la personne traitée) : Patton (1970, George Patton), Barry Lyndon (1975, Barry Lyndon), Raging Bull (1980, Jake LaMotta), Elephant Man (1980, John Merrick), Amadeus (1984, Wolfgang Amadeus Mozart), Bird (1988, Charlie Parker), Ed Wood (1994, Ed Wood), Braveheart (1995, William Wallace), The Insider (1999, Jeffrey Wigand), Ali (2002, Cassius Clay), Frida (2002, Frida Kahlo), Girl with a Pearl Earring (2003, Johannes Vermeer), Marie-Antoinette (2006, Marie-Antoinette), The Last King of Scotland (2006, Idi Amin Dada), La Môme (2007, Edith Piaf), Into the Wild (2007, Christopher McCandless), Zodiac (2007, Arthur Leigh Allen & Robert Graysmith), Invictus (2009, Nelson Mandela), J. Edgar (2011, J. Edgar Hoover), Silence (2017, jésuites portugais)

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