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  • mardi, septembre 01, 2015

    PI (DARREN ARONOFSKY)

    Soit, comme chacun le sait : 3,1415926526...
    Le très étrange tout premier film d'un encore jeune auteur (né le 12 février 1969, vive les verseaux !), réalisé en 1998 avec seulement 60000$ et en noir et blanc, ce qui fait quelque part très fortement penser au fameux Eraserhead de David Lynch (un autre verseau, bien évidemment !) :
    Très rapidement, le film démarre avec quatre données essentielles en l'espace de dix minutes, qui non seulement vont servir à toute son architecture (très virtuose, sur un thème aussi rarement traité, et pile-poil d'environ 1h15 tout comme Eraserhead !), mais aussi à la construction/déconstruction/reconstruction de l'acteur principal, Sean Gullette, dans le rôle de Maximillian Cohen. En résumé, primo, son crâne va déjà plutôt très mal se réveiller (premier plan du film) :
    Secundo, le dit crâne va tout de même montrer, au contact de l'une de ses jeunes voisines asiatiques, qu'il possède vraisemblablement un pouvoir mathématique instantané et rarissime, tout comme Mozart ou certains joueurs d'échecs, ayant gagné 20 ou 30 parties les yeux bandés en moins d'une journée :
    Tertio, nous comprenons rapidement son étrange sens du monde :
    Quarto, sa provisoire conception de la beauté de la nature, qu'il ne ressent encore qu'au douzième degré avec son cerveau 400% purement mathématique (sachant cependant que cette scène sous les beaux platanes, située au tout début du film qui va se révéler de plus en plus flippant, va en même temps servir d'ultime plan final, d'une façon très inattendue, très positive et très agréable, de sorte que je qualifierais tout de même cette œuvre assez tragique d'un grand optimisme, au bout du compte) :
    En attendant, Maximillian Cohen - disons, plutôt, Max Cohen - ne vit guère qu'une vie d'enfer, rarement en dehors de chez lui, verrouillé avec une dizaine de serrures et de cadenas, bourré de médicaments, et passant les trois quarts de son temps sur son ordinateur à rechercher d'éventuelles lois mathématiques concernant, entre autres, la bourse et les marchés financiers :
    Autant dire qu'il est plutôt assez logique qu'il quitte son appartement avec cette gueule assez hallucinée :
    A peine capable d'apprécier la gentillesse de sa jolie voisine Devi, probablement amoureuse de lui (Samia Shoaib, qui participera également à son prochain Requiem for a Dream) :
    Trois personnages vont jouer à ses yeux durant le reste du film trois rôles essentiels et fondamentaux : celui du père, celui du prêtre, et celui de la femme dominatrice, en résumé, les quasi trois seules personnes qu'il va se révéler capable de fréquenter... En commençant par son "faux" père, à vrai dire son ancien professeur Sol Robeson (le seul acteur connu de ce film, Mark Margolis, bien sûr présent par la suite dans Requiem for a Dream :
    Le faux père - déjà lui-même un peu malade d'avoir recherché autrefois, et en vain, d'insolubles énigmes mathématiques - tentera vainement d'essayer de changer le cerveau de Max Cohen, en croyant lui faire découvrir la pureté absolue de la nature, imprévisible, incontrôlable et indéchiffrable, comme il essaye de lui montrer grâce à ce fabuleux jeu de Go Japonais (囲碁) :
    La seconde personne symbolique, le faux prêtre Lenny Mayer (Ben Shenkman), a sans doute dû en grande partie s'imposer à Darren Aronofsky du fait de son histoire personnelle, puisqu'élevé lui-même au départ dans une famille juive traditionnelle, avant d'abandonner de plus en plus la religion pour se consacrer au cinéma. Raison pour laquelle, du moins dans un premier temps, Lenny Mayer va plutôt apparaître à Max Cohen comme un personnage sympathique :
    Notamment en lui faisant découvrir quelques aspects mathématiques religieux assez fascinants, comme les sens cachés de l'écriture en hébreu ou le nombre d'or de Fibonacci (très fabuleux pour nous autres musiciens, puisqu'à l'exception du 2, cette célèbre série 1,1,2,3,5,8 désigne les harmoniques naturels fondamentaux, l'unisson, la tierce, la quinte et l'octave) :
    Marcy Dawson (Pamela Hart), la troisième personne symbolique, se révèlera par contre beaucoup moins drôle dès le début, sorte de femme dominatrice spécialiste des finances et de la bourse, son simple but étant d'offrir à Max Cohen certains processeurs haut de gamme, ou encore pas mal d'argent, juste histoire d'en gagner elle-même encore davantage grâce à l'apport mathématique du jeune homme :
    Alors que dire de plus (car bien sûr, ce serait dommage de faire ici un spoiler) ?
    En tout cas, je trouve que ce tout premier film de Darren Aronofsky (à l'âge de 29 ans !) s'avère dans l'ensemble absolument parfait, non seulement en fonction du sujet abordé, absolument rarissime au cinéma, mais aussi le traitement extrêmement bien maîtrisé de tous ses aspects, qu'il s'agisse du jeu des acteurs, de la musique, du montage très original, parfois très lent, parfois d'une rapidité incroyable, ou encore de la grande beauté de très nombreuses images, notamment certains gros plans qui me semblent presque proches d'un tableau, comme par exemple cette spirale du lait dans le café :
    Le tabac de Lenny Meyer :
    Et même le plan où tout se confond :
    Sans parler du fameux bug du processeur :
    Le mot bug venant précisément, à l'origine, du dysfonctionnement des tout premiers ordinateurs (immenses) à cause de la présence de certains insectes aux endroits sensibles :
    Sinon que là, arrivé vers la fin du film, le pauvre Max Cohen va de plus en plus se trouver persuadé que c'est dans son cerveau qu'il y a un énorme bug, et tenter de résoudre le problème lui-même de très étrange façon :
    Mais au final, j'ai toujours trouvé la conclusion magnifique, lors de l'ultime plan où Max Cohen, devenu désormais incapable de répondre aux questions de sa toute jeune voisine asiatique :
    Voilà enfin qu'il se trouve, pour la première fois dans tout le film, doté d'une paix intérieure, d'un visage très calme, d'un regard très brillant, d'un grand sourire, et d'une vision pratiquement mystique sur les fameux platanes du début, comme si seul Dieu pouvait les faire vibrer ainsi :
    Très bientôt, je vais probablement vous parler du second film réalisé par Darren Aronofsky 2 ans plus tard (Requiem for a Dream), mais ce ne sera pas très facile : d'une part, parce que contrairement à Pi, il s'agit d'un film d'une noirceur absolue ; d'autre part, du fait que l'un de ses aspects les plus étonnants réside dans une conception quasiment musicale en accelerando sur 4 thèmes (personnages), allant du calme Adagio initial au très violent Prestissimo de la fin, ce dont hélas il sera très difficile de parler sur ce site...
    Autres films du même réalisateur : Requiem for a DreamThe WrestlerBlack Swan

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