Ce film est sorti en 1977, sous le titre français de L'Epreuve de Force, et l'on se demande encore pourquoi cela reste toujours aujourd'hui une œuvre mythique de Clint Eastwood. A cela, il y a bien sûr plusieurs réponses : 1) C'est le sixième Opus qu'il réalise, avec grand succès 2) Après Josey Wales hors-la-loi (1976), et à la suite des trois premiers Inspecteur Harry (1971, 1973, et 1976), il est de plus en plus réfractaire à cette idée d'homme tout puissant, qui décide de tout par lui-même 3) Toujours à la suite de Josey Wales hors-la-loi, Clint Eastwood tombe donc amoureux pour quinze années de cette étonnante actrice, que vous connaissez de toute évidence pour Sudden Impact (1983), Sondra Locke :
C'est, en grande partie, elle-même qui va provoquer ce changement chez lui, déclarant : "Je pense que ce qui lui a plu chez moi, c'est ma réputation d'être une femme un peu intellectuelle, artiste. Clint n'avait pas cette étiquette". En tous cas, ceci apparaît assez fortement dans ce film, où l'on va partir dès le début sur une structure assez complexe des deux personnages...
Mais commençons par le propre supérieur de Clint Eastwood, le commissaire E. A. Blakelock (William Prince)... C'est selon toute apparence quelqu'un d'assez négatif, qui envoie Eastwood où et quand il veut, chercher un nommé Gus Mally, juste à point pour le transfert :
Ben Shockley (Clint Eastwood) se montre tout d'abord étonné, par le fait que "Gus" soit la simple transcription d'Augustina Mally (Sondra Locke), donc une femme... Mais il est encore plus surpris par la façon dont Augustina lui parle, peu courante - du moins à l'époque :
Augustina "Gus" Mally semble en effet relativement remontée contre lui... Non seulement parce qu'il boit pas mal d'alcool, mais aussi du fait qu'elle ne veut absolument pas se rendre à ce procès, dont elle connaît déjà la perspective :
Et bien sûr, elle s'essaye à tout, que cela soit grâce à son arme, ou au contraire en tentant de l'abuser de la façon la plus ironique possible :
Mais hélas, rien ne sert à rien... Et surtout pas à empêcher la première fusillade digne de ce nom, qui vise d'emblée la maison d'Augustina Mally, le seul lieu où elle-même et Ben Shockley ont cru pouvoir se mettre à l'abri :
Ceci est assez terrifiant, n'est-ce pas ?
Il n'empêche... Grâce à un petit couloir bien caché, tous les deux vont réussir à s'enfuir au nez et à la barbe des nombreux policiers :
Et ne prendre qu'un seul d'entre eux (et sa voiture) en otage - bien qu'ils ne tombent pas sur le meilleur du groupe, loin de là :
Toujours est-il que face à Augustina Mally et ses très nombreux doutes, Ben Shockley ne sait plus trop quoi penser... Si elle avait raison, finalement ?
En tous cas, le seul policier qui les ait accompagnés, contraint et forcé, jusqu'à la frontière de l'Arizona, va se retrouver très vite pris pour cible, avec une exécution en perspective... Fort heureusement, Ben Shockley et Augustina Mally se sont retirés de la voiture à temps, le laissant seul se heurter à ceux qu'il considérait comme ses amis !
Est-ce que tout le monde s'en fout ? C'est du moins ce que semble dire ce panneau, filmé avec une grande maîtrise par Clint Eastwood lui-même :
Nous en sommes rendu à la moitié de l'Opus, avec l'arrêt obligé dans cette petite grotte, où mine de rien, Ben Shockley ne se révèle finalement pas aussi bête qu'il le paraissait de prime abord :
Et il finit par obtenir ce qu'il souhaitait, les confidences d'Augustina Mally sur ce qu'il lui est arrivé ce jour-ci, ce qui lui vaut le fameux procès en question, et qu'elle préférerait n'avoir jamais connu :
Une seule solution, donc :
Et pour cela, téléphoner au plus vite à l'un de ses amis... Sauf qu'entretemps, le fameux Blakelock est de plus en plus inquiet vis-à-vis de ce qui se passe :
Et décide donc d'envoyer un hélicoptère à leur poursuite, avec pour unique but celui de les tuer, évidemment :
Sauf que ceci - magistralement filmé, au demeurant - ne va pas tout à fait se dérouler comme prévu, et conduit l'hélicoptère à s'offrir en guise de cadeau un câble électrique, avec les conséquences que l'on sait :
Ne reste plus aux deux poursuivis qu'à tenter de monter à tout prix dans un train... Ce qu'ils vont réussir à faire, mais non sans conséquences quelque peu dramatiques, du moins pour un temps :
En tous cas, aussitôt sortis de cet imbroglio, Ben Shockley va immédiatement se charger de téléphoner à Josephson (Pat Hingle), le seul collaborateur qu'il tient encore en estime :
Mais ceci n'aura pas une grande influence sur Blakelock, qui se dépêchera au contraire de renforcer au possible toutes les troupes engagées - à un point que l'on n'imagine même pas :
Toujours est-il que, comme prévu, Ben Shockley et Augustina Mally décident de prendre place à l'intérieur d'un bus, très logiquement débarrassé de ses passagers, pour se rendre eux-mêmes à son fameux procès :
C'est du reste le passage du film qui pose le plus de problèmes... Car quelle que soit l'intention originale de Clint Eastwood, le nombre et le comportement des très nombreux policiers semble quelque peu exagéré, pour ne pas dire plus - on se souvient tous de l'assaut du Capitole en janvier 2021 sous l'intention de Donald Trump, qui est bien loin d'avoir engendré une telle résistance :
Mais bon, on est au cinéma en 1977, et le plus important reste bien entendu de convaincre les spectateurs qu'ils n'ont pas acheté leurs places pour rien... Ce que démontre, d'une façon il est vrai un peu maladroite, le propos de Ben Shockley, désormais certain de n'avoir plus aucun coup de fusil à affronter :
Ce qui va lui permettre aussitôt de faire parler Feyderspiel, le plus grand atout de Blakelock, afin de le faire témoigner directement contre son employeur :
Et du même coup, évidemment, de s'écrouler au dernier plan dans les mains de Augustina Mally (Sondra Locke), qui a l'air cette fois de vraiment tenir à lui :
Dans le "vraie vie", il y a déjà un certain nombre d'années qu'ils sortent ensemble, depuis 1975, en fait... On sent désormais qu'ils vont pouvoir se marier en toute légalité, mais malheureusement, cela ne va jamais se produire, pour différentes raisons (notamment parce qu'il mettra très longtemps à divorcer d'avec Maggie Johnson). Ce que vous n'apprendrez pas sur ce bref extrait de The Gaunlet, mais il vous permettra au moins d'entendre la superbe musique jazzy de Jerry Fielding, qui l'a déjà aidé dans deux Opus :
Alors, vous ai-je parlé de ce film parce qu'il s'agit d'un véritable chef d'œuvre ? Certes non, cela n'est pas comparable à ce qu'ont pu délivrer Stanley Kubrick ou Martin Scorsese... Mais néanmoins, cela marque un grand changement dans sa propre carrière, non seulement parce qu'il n'est plus ce grand macho que l'Inspecteur Harry s'est efforcé d'être durant trois épisodes, mais surtout car il commence à s'attacher à des films davantage basé sur les Etats-Unis et leurs relations avec les gens, qu'il s'agisse soit d'une femme isolée (Sudden Impact), soit d'un grand musicien (Bird), entre autres...
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais personnellement, je regarde toujours cet Opus avec grand plaisir - même si la fin en est quelque peu exagérée, il faut bien le dire... Laissez un commentaire si vous le souhaitez, faute de quoi - comme d'habitude - je me consacrerai à un autre film !
Vous connaissiez ce chef-d'œuvre ? Moi non plus, bien qu'il s'agisse d'un film ayant presque trente ans (1992), et que je n'avais jamais entendu parler de son réalisateur Neil Jordan, qui en plus s'est révélé un scénariste exceptionnel :
Ce film se divise en fait en trois parties distinctes, qui au début semblent n'avoir rien en commun... Durant le premier tiers, on découvre Jude (Miranda Richardson) en train de draguer à l'excès un jeune soldat noir, Jody (Forest Whitaker)... Mais ce qu'elle ne lui a pas dit, c'est qu'elle travaille en fait pour l'IRA (Armée Républicaine Irlandaise) avec plusieurs autres hommes, dont le processus va s'avérer assez simple : ou bien ils obtiennent comme ils le souhaitent l'exécution d'un juge anglais, ou bien ils tueront d'emblée Jody, en guise de représailles :
C'est le moment où l'on découvre le personnage central du film, Fergus (Stephen Rea), qui dès le début supporte assez mal ce qu'il est obligé de faire à Jody, notamment de le garder sous un masque très gênant :
En apparence, il fait tout ce qu'il faut pour avoir l'air d'obéir à son chef de l'IRA, Maguire... Mais dès que celui-ci se fait plus rare, Fergus ne peut s'empêcher de se rapprocher de Jody :
Et cela va bien plus loin que prévu... Jody lui raconte notamment une histoire très mythique entre "le scorpion et la grenouille", et à partir des rires de l'un et de l'autre, se met en place une amitié qui semble, de prime abord, très solide :
Mais il n'empêche : faute d'avoir obtenu ce que l'IRA souhaitait, Fergus se voit contraint de reprendre la place qu'il souhaite de moins en moins... Et il entraîne Jody à l'extérieur pour procéder à son exécution :
Sauf que ceci ne va pas tout à fait se dérouler comme prévu... Tout d'abord, Jody commence à s'enfuir, à peu près persuadé que Fergus n'osera jamais lui tirer dessus. Bien sûr, il a raison... Mais il va heurter un camion militaire d'une façon si violente que le résultat sera le même, laissant du même coup Fergus dans un embarras ingérable :
Nous voici donc dans la seconde partie du film, avec ces seuls points tangibles : 1) Fergus va fuir sans plus tarder vers Londres, où il se doute qu'il sera plus long à retrouver 2) Il n'a sur lui que l'adresse de la meilleure amie de Jody, une certaine Dil (Jaye Davidson)... Il va donc tout d'abord se tourner vers le salon de coiffure où elle exerce, avant de se rendre - séduit d'emblée, il faut bien le dire - dans le bar juste en face, Metro :
Là, je trouve que c'est une très bonne idée de Neil Jordan d'avoir introduit un serveur nommé Col (Jim Broadbent), qui en l'occurrence traduit tous les sentiments qui existent entre les deux, que nous ayons affaire d'un côté à une très belle femme typiquement anglaise, ou de l'autre à un homme assez quelconque, qui prétend juste être écossais :
En tous cas, le résultat est très prévisible, et bien que Fergus soit de son côté un garçon plutôt solitaire et timide, il n'hésite pas à apporter à Dil ce qu'il estime qu'elle mérite :
Elle va ainsi un petit peu plus loin avec lui, se montrant sous un look bien plus extravagant dans le fameux bar, où elle est également chanteuse, interprétant comme par hasard la chanson The Crying Game :
Après quelques bagarres de Fergus avec le mec officiel de celle-ci, et vu que Dil ne supporte quasiment plus ce dernier, il vont donc se mettre ensemble - cela avec quelques visions (très bien filmées) de Jody, du temps où il vivait encore :
Il y a une seule chose qui ne va pas bien se passer... Mais pourriez-vous deviner de laquelle il s'agit ?
Bien sûr que non, j'imagine... Mais Dil n'est pas une femme, juste un homme (pour de vrai, y compris l'acteur lui-même, sur lequel je reviendrai à la fin de cet article) ! Et Fergus s'en aperçoit de la pire façon possible, "pour de vrai", avec pour résultat une fuite en avant éperdue et sans retour...
Mais il n'empêche : "l'amour, c'est l'amour", et cela n'a pas forcément quelque chose à voit avec le sexe, quoi qu'on en dise... En tous cas, c'est ce que les deux vont penser progressivement, tout d'abord bien sûr Dil, puis petit à petit Fergus, qui après une vague hésitation, va finir par se remettre avec elle, de plus en plus attirante :
C'est alors le moment d'entrer dans la troisième partie, qui au moment même où l'on commençait sérieusement à oublier la première (autour de la capture et la mort de Jody), se manifestent à nouveau très sérieusement l'ancien patron IRA et la terrible Jude, qui viennent ENFIN de retrouver Fergus à Londres :
Avec pour conséquences immédiates : 1) la haine cette fois bien marquée de Jude (remaquillée en brune) envers Dil, qu'elle accuse de prostitution 2) l'obligation pour Fergus de participer lui-même à l'assassinat du juge anglais :
Ce qu'il ne va pas faire du tout, préférant de très loin la mort en beauté de presque tout le monde, avec hélas pour seule rescapée la fameuse Jude... Cela va entraîner bien des péripéties, sur lesquelles je vais rapidement passer, mais au moins, Jude est finalement abattu par Dil, laquelle est a son tour sauvée par Fergus ! Sauf que celui-ci, en guise de contrepartie, va s'offrir quelque chose comme un peu plus de 2000 jours de prison, scène sur laquelle se conclut le film, avec bien sûr l'ultime apparition de Dil, son amour incontestable dans cette situation...
Cela nous permettra en tous cas d'en apprendre plus sur Neil Jordan, un réalisateur irlandais tout comme Kenneth Branagh lui-même, qui était déjà un petit peu connu grâce à La Compagnie des loups (1984), et deviendra définitivement célèbre en 1996 avec Michael Collins, à peine quatre ans après ce magnifique The Crying Game :
Voulez-vous maintenant que je vous parle de Dil ? Celle-ci - ou plutôt celui-ci, Jave Davidson, comme je l'ai déjà dit - accepta son tout premier rôle sans trop y croire, mais il fut contre toute attente récompensé par l'Oscar du meilleur acteur dans un second rôle, ce qui l'incita aussitôt à participer à Stargate, la Porte des Etoiles de Roland Emmerich, pour la somme d'un million de dollars ! Après quoi, il abandonna tout simplement le cinéma pour se remettre à la mode, milieu d'où il venait, et devint à partir de 1996 totalement invisible...
Incroyable, pensez-vous ? Je vous laisse tout d'abord en juger en regardant ce très court extrait de The Crying Game, qui en livre bien l'essentiel :
Ensuite, que voulez-vous que je vous dise ? Certes, il s'agit d'un film génial de tous les côtés, tant dans la réalisation que par le choix des acteurs, sans oublier la musique, très bien conçue par Anne Dudley... Mais le plus important de tout cela, c'est qu'il est question avant tout d'une œuvre vraiment digne de ce nom, au sens où elle allie le côté guerrier de l'IRA à une vision très particulière de l'homosexualité - bien qu'il n'y ait pas vraiment de sexe, en l'occurrence -, le tout vécu aussi bien en 1992 que de nos jours...
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais il y a AU MOINS trois sujets dont je n'aime guère entendre parler au cinéma : 1) La guerre, évidemment - mais il semble difficile de s'en défaire, sinon impossible, hélas 2) La boxe (et le football), un autre thème qui me dégoûte profondément, exception faite de Raging Bull de Martin Scorsese (1980) et du remarquable Million Dollar Baby de Clint Eastwood (2004) 3) L'homosexualité, qui me semble toujours assez mal abordée (je ne citerai aucun réalisateur), tournant souvent autour de la personnalité ou du sexe, mais pratiquement jamais axée sur la beauté de la chose au-delà de la performance érotique, ce que j'ai énormément aimé dans The Crying Game (1992). Connaître votre opinion, c'est ce que j'aimerais beaucoup, bien sûr... Il vous suffirait pour cela d'appuyer sur la touche "enregistrer un commentaire", et rien ne sera plus rapide !