Juste tourné en 1999, Révélations (en français, sens différent du titre américain, qui signifie l'initié), le film succède immédiatement à The Last of the Mohicans (1992) et le fameux Heat (1995), et s'engage désormais dans la voie toute différente du biopic, nous racontant l'histoire célèbre de Jeffrey Wigand au sujet du tabac et de ses dangers, qui a commencé à se dérouler en 1993.
Alors certes, cet Opus n'a pas eu un aussi grand succès que les précédents, peut-être pour trois raisons : 1) Ceci n'intéresse qu'à moitié tous ceux qui ne sont pas eux-mêmes fumeurs 2) C'est aussi relativement long (2h37') pour raconter un thème finalement plutôt classique 3) Mais surtout, cela découle de la rencontre captivante de Jeffrey Wigand avec le journaliste Lowell Bergman, qui si elle se déroule très bien durant la première moitié, tourne ensuite vers une critique sans doute fondamentale du pouvoir de la télévision et de la presse, mais dure trop longtemps, et nous fait presque oublier la critique du tabac qui était jusqu'alors au cœur du film.
C'est la raison pour laquelle j'ai découpé cette analyse en deux, qui divise grosso modo cette œuvre en sections qui ont finalement peu de choses en commun... Exception faite, bien sûr, du jeu absolument parfait des deux acteurs principaux, Al Pacino et Russell Crowe, et aussi de la musique, qui si elle ne paraît pas fondamentale durant les scènes d'ouverture, prend de plus de plus en plus d'importance au fur et à mesure que l'on avance.
1) Première partie : le tabac et ses problèmes
Au tout début, on découvre Lowell Bergman (Al Pacino), journaliste puissant de 60 Minutes, une émission télévisée de CBS, confiné sous un masque, et tentant au Liban de persuader l'émir Mohammad Fadlallah, chef spirituel de Hezbollah, de participer à son interview américain sur cette chaîne :
Ils se disputent pas mal, aussi bien en arabe qu'en américain, mais cela finit quand même par bien se terminer :
Ceci dure environ un bon quart d'heure, mais c'est surtout pour nous montrer l'efficacité de Lowell Bergman, qui parvient assez rapidement à convaincre l'émir d'accepter sans problème d'être interrogé...
L'on découvre alors à l'opposé le docteur Jeffrey Wigand (Russell Crowe) en train d'avouer son licenciement inexpliqué à sa femme Liane Wigand (Diane Venora) - alors qu'ils étaient très heureux avec leurs deux filles, leur grande maison et leur voiture :
C'est le moment où Lowell Bergman décide d'appeler Jeffrey Wigand, afin de parler avec lui d'un dossier sur la cigarette qu'il vient de recevoir de façon anonyme - et auquel il ne comprend rien :
Dès le départ, le point de vue de Jeffrey Wigand est totalement négatif - ne serait-ce que pour respecter ses conditions de licenciement... Mais Lowell Bergman finit par le convaincre de se rendre le lendemain dans un hôtel, où il commence à mieux comprendre son type de vie :
Surtout lorsque Jeffrey Wigand lui parle de son entrevue récente avec le patron de Brown & Williamson - ou encore Philip Morris -, Thomas Sanderfur (Michael Gambon), qui l'a contraint de signer son papier de démission :
Cela a l'air fort courtois, mais en fait, ça ne l'est pas du tout :
C'est en tous cas le point de vue de Lowell Bergman, qui finit par convaincre celui qui était jusqu'alors réticent, Jeffrey Wigand... Lequel lui livre aussitôt le surnom des "sept nains", qui désigne en vérité "les sept PDG du tabac" :
Néanmoins, Lowell Bergman le sent encore indécis :
D'autant plus que peu de temps après, la vie de couple de Jeffrey Wigand se dégrade de plus en plus, commençant avec la revente de leur vaste maison - faute de salaire :
C'est le moment que choisit Lowell Bergman pour inviter Jeffrey Wigand dans un restaurant japonais, en tentant de le convaincre définitivement de son option - ce dont ce dernier doute toujours :
Et c'est aussi le cas de tous ceux qui sont impliqués dans l'affaire, s'inquiétant à juste titre de la direction que prennent les choses :
L'un des sommets que l'on pouvait difficilement imaginer se déclenche alors : tout d'abord, Jeffrey Wigand reçoit un fax traumatisant... Aussitôt suivi par une balle laissée dans la boîte aux lettres, comme pour bien lui faire comprendre le message :
Mais ceci a du bon, car toute cette opération pousse finalement Jeffrey Wigand à s'engager sérieusement... Ce qui se trouve ainsi bien résumé par Lowell Bergman, "des gens ordinaires sous une pression extraordinaire" :
C'est alors qu'il participe à l'enregistrement de son interview, avec Mike Wallace (Christopher Plummer)... Et dit tout ce qu'il pense vraiment, entre autre sur l'usage illégal du coumarin, qui peut selon lui avoir un grave impact sur le foie et le système nerveux :
Ecoutez-le, il ne dit que le minimum, mais avec une telle puissance intérieure qu'il ne se doute pas un instant que cette émission pourrait ne pas être diffusée :
Ce qui est pourtant le cas, hélas... Jeffrey Wigand décide donc de témoigner aussi dans le Mississippi, et appelle à ce sujet Richard Scruggs (Colm Feroe) :
Il a du mal à se décider, mais il y va tout de même :
Et il est défendu haut la main par Ron Motley (Bruce McGill), redoutable avocat qui vire allégrement les propos des vendeurs de cigarettes - pour donner à Jeffrey Wigand sa véritable place :
2) Seconde partie : la presse et la télévision
Parvenu à la moitié du film, nous rentrons alors dans une phase critique très imposante - qui se passe certainement dans le monde réel, mais que nous n'avons pas forcément envie de voir ou de ressentir en direct au cinéma, tellement cela traumatise tout le monde du simple fait que cela existe réellement.
Il s'agit en fait du passé lointain de Jeffrey Wigand, où il a été quelquefois interpellé par la police - apparemment sur de simples broutilles - et tout laisse penser que le patron de Brown & Williamson, Thomas Sanderfur, a mis cette histoire en avant, ce qui énerve beaucoup Lowell Bergman :
Ceci se traduit déjà par une longue dispute entre lui et le patron de la chaîne CBS Don Hewitt (Philip Baker Hall) :
Suivi aussitôt après par une menace bien plus réaliste d'Helen Caperelli (Gina Gershon) envers la propriété du groupe, qui pourrait tout simplement être racheté par Brown & Williamson :
Lowell Bergman n'en peut tout simplement plus, et va du coup révéler au New York Times l'existence de cet interview de Jeffrey Wigand par Mike Wallace, qui était jusqu'alors interdit à l'écran :
Par chance, tout marche plutôt bien, l'interview se voit pour de bon diffusé - et l'on peut comprendre, d'un côté, à quel point la longueur du film ne fait que rendre justice à l'hypocrisie et la lenteur de telles opérations, qui peuvent prendre une dizaine d'années...
Toujours est-il que Lowell Bergman se trouve grandement perturbé, et malgré la bonne volonté de son patron à la dernière minute, se trouve désormais incapable de travailler de cette façon :
Face à la télévision, il donne définitivement sa démission :
Suivie peu de temps après par l'explication de Michael Mann, qui précise bien que cette histoire a réellement existée de 1993 à 1997, de même que les deux personnes avec leurs noms originaux, Jeffrey Wigand et Lowell Bergman... Si vous n'avez pas encore vu ce film, le trailer est impressionnant :
Alors, quelle est votre vision de cet Opus, complètement opposé à Heat sorti quatre ans auparavant ? Il est difficile d'en parler, car il s'agit là d'un biopic - phénomène assez rare qui consiste à raconter la vie bien réelle de vraies personnes, ce qui se reproduira deux ans plus tard avec Ali...
Comme je l'avais déjà dit au début, c'est sûr que The Insider souffre pas mal de sa construction séparée en deux, de sa longueur dépendante du ministère de la justice, et aussi du probable désintérêt des gens pour ce problème bien précis... Mais il a en revanche d'autres avantages, non seulement du fait qu'il traite d'un thème bien réel, mais surtout qu'il le fait grâce à deux acteurs particulièrement doués en ce domaine, qu'il s'agisse du puissant Al Pacino ou du réservé Russell Crowe, tous deux très convaincants dans leur rôle !
L'un des meilleurs films de David Fincher, crée en 1995 (soit il y a plus de 20 ans), et dont rien que le générique du début est absolument scotchant :
Je ne vais pas vous raconter toute l'histoire, cela serait criminel à bien des égards… Mais à la suite de nombreux clips vidéos, et surtout de son tout premier film, Alien 3, sur lequel il n'avait pas du tout la mainmise qu'il souhaitait, voici enfin David Fincher responsable de son véritable premier film, que je crois nous apprécierons tous autant que lui ! A commencer par ses deux acteurs fétiches, d'un côté le tout jeune Brad Pitt (qui joue un rôle finalement assez proche de sa propre vie, l'inspecteur David Mills), et de l'autre le vétéran Morgan Freeman, l'inspecteur William Somerset, lui-même lassé de son existence, de son job, et de la décadence du monde :
A peine le film a-t-il commencé, que les deux policiers se trouvent plongés dans un meurtre assez étonnant, qui semble avant tout basé sur l'excès de nourriture :
Mais un second meurtre, commis le second jour de la semaine, va très vite les faire changer d'avis, et bien sûr d'autant plus rapidement à William Somerset, presque âgé d'une trentaine d'années de plus :
Ecrit sur le sol avec le propre sang de la victime, ce mot "greed", l'avarice, désigne le second des sept péchés capitaux - et non sans étonnement, dédié à un prodigieux avocat, maître Gould :
Malgré tout, c'est à la surprise générale que l'inspecteur Mills découvre en premier une chose assez étrange, qui tendrait à prouver que la femme de l'avocat sait bien plus de choses qu'eux deux réunis :
En attendant de nous trouver face à un troisième meurtre, sans doute le plus terrible de tous, c'est une bonne raison pour marquer une petite pause dans ce film, grâce à l'invitation surprise de la femme de David Mills (Gwyneth Paltrow), qui sans l'avoir encore dit à son jeune futur mari, est déjà porteuse d'un enfant :
Une fois passé le bon repas, et l'incroyable bruissement du métro, toujours est-il que Mills et Somerset se remettent tout de suite à l'ouvrage :
Et pour cela, ils se rendent le plus vite possible chez Mme Gould, la femme de l'avocat, qui leur donne le seul indice qui lui vient instantanément à l'esprit :
Un indice qui va s'avérer relativement cynique, car ils va se révéler très vite comme le porteur d'un troisième meurtre :
Evidemment lié à "Sloth", la paresse, troisième des sept péchés capitaux, mais cela, ils ne le savent pas encore - hormis le fait que, bien sûr, ils passent le mercredi naissant à dormir comme ils le peuvent :
En bref, cela va se trouver être le moment le plus inattendu :
Et aussi le plus long du film, où l'on va découvrir, de même que Bills et Somerset, que ce meurtre atroce est lié, comme l'on s'y attend, à la paresse :
Avec, soit dit en passant, la première apparition du fameux John Doe, un soi-disant photographe de la presse, mais en réalité le tueur anonyme des trois premiers morts, ce qu'aucun des deux inspecteurs ne devine encore - de même que nous, bien sûr :
Il n'empêche… Cette fois, le mécanisme des sept péchés capitaux, surtout réglé par William Somerset, est définitivement adopté :
Mais surtout réglé, du moins en apparence, par David Mills, qui croit bien avoir trouvé le domicile de John Doe :
Qui le prend en chasse assez violemment :
Mais qui se retrouvé coincé par ce même John Doe d'une façon assez accablante, et - soit dit au passage, mais c'est lié à l'intégralité du film - magnifiquement tourné :
Résultat : on se retrouve une nouvelle fois coincé de même qu'au début du film… Sauf que désormais, on connait l'adresse du tueur, et l'on prend tout le temps qu'il faut pour visiter cet étrange appartement, encombré par des armes, des livres, aucune empreinte, et comme par hasard, cette photo de David Mills prise dans l'escalier :
Il ne manque plus qu'un petit coup de fil, de John Doe, évidemment, fort ironique :
Et l'on se retrouve très vite à la ligne des meurtres, cette fois-ci beaucoup plus rapides :
Essentiellement axée sur le plan sexuel, soit d'un côté :
Soit de l'autre :
Jusqu'à ce que John Doe se présente, avec insistance, à la police elle-même, alors qu'il n'en est, théoriquement, qu'à cinq sur sept des fameux péchés capitaux :
C'est, en quelque sorte, l'entrée dans la troisième phase du film, où en fait, John Doe a déjà commis, sans que les deux inspecteurs ne le sachent encore, les deux derniers meurtres qu'il souhaitait :
Paysage très inquiétant, dernière sortie de John Doe, en bref, l'un des passages les plus magnifiques de ce film :
Où l'on se retrouve, de même que Mills et Somerset, coincé dans le désert entre les pylônes électriques :
Avec, pour ce dernier, l'unique mission d'aller récupérer auprès d'un camion un petit paquet - qui lui vaut cet unique regard :
Qui, bien sûr, nous dit tout ce que nous croyions déjà savoir :
Alors, Mills va t-il le tuer, une fois qu'il aura compris qu'il a non seulement assassiné sa femme, mais aussi le bébé qu'elle portait - ce qu'il ne savait pas encore ?
Je vous garde le secret, c'est la moindre des choses… Mais par contre, ce que je dois dire, c'est que ce film reste, plus de vingt ans après sa sortie, toujours aussi énigmatique, fascinant, et magiquement tourné par David Fincher, qui malgré les futurs assez bons The Game et Fight Club, devra attendre de réaliser l'excellent l'Etrange Histoire de Benjamin Button pour se retrouver - encore une fois grâce à Brad Pitt - en haut du chapeau ! Autre chose que je n'ai pas dite : c'est que le rôle de John Doe est joué, avec grand succès, par l'énigmatique Kevin Spacey, qui apparaîtra d'ailleurs, à peine deux ans plus tard, dans le très étrange Minuit dans le Jardin du Bien et du Mal, dont j'ai déjà parlé ici… Surprise de taille, avec le générique de fin, d'autant plus étonnant que non seulement il cite Kevin Spacey en tout début de sa liste (contrairement à ce qui n'a pas du tout été fait lors du générique d'ouverture), mais surtout parce qu'il se déroule exactement à l'envers de ce qui est très habituel :
Croyez-moi sur parole, même sans la présence d'Howard Shore (qui, en tant que musicien, a pratiquement composé tous les films de David Cronenberg), ce générique va vous fasciner à lui tout seul !