Sorti en 1982, et conçu depuis les années 1970 par John Carpenter, déjà bien connu pour Fog (1980) et New York 1997 (1981), ce film - surnommé La Chose en français - fut alors très mal accueilli par la critique, déçue par son caractère nihiliste peu compatible avec la récession de l'époque, et surtout bien plus attirée par E.T de Steven Spielberg, sorti à la même époque et bien plus positif en tant que film sur les extraterrestres.
Néanmoins, je vois comme encore plus grave sa comparaison avec le fameux Alien de Ridley Scott, qui en 1979 représentait vraiment une véritable nouveauté, tant dans le choix des acteurs que dans la représentation de l'Alien, et dans le nombre de prix du cinéma qu'il remporta grâce à sa conception et sa réalisation très originale. Fort heureusement, The Thing a depuis sa sortie en DVD reconquis son statut de film culte, et fait partie de la production la plus reconnue de ces sinistres années, donnant tout à la fois une vision juste et apocalyptique de cette période.
Il existe bien sûr un trailer fort convainquant, mais je préfère ne vous le livrer qu'à la fin de cet article, histoire de vous laisser dans la même ambiance que la douzaine de personnages confrontés à cette peur bien particulière, qui commence dès le début avec cette poursuite insensée d'un chien de traîneau par un hélicoptère norvégien - avec pour seule ambition de le tuer au plus vite :
Les américains, alors en mission en Antarctique, ne comprennent rien du tout à ce qui se passe - pas plus que la langue utilisée par les norvégiens pour tenter de communiquer avec eux. Toujours est-il que le pilote meurt par l'explosion inattendue d'une grenade, et que l'unique passager est abattu par le chef de sécurité Garry (Donald Moffat) - tout ceci laissant le chien en pleine liberté :
Le Dr Blair (A. Wilford Brimley), l'un des personnages les plus importants de la série, pratique à ce moment une autopsie, mais sans aucun résultat anormal :
Il ne reste plus alors qu'à se rendre sur le campement norvégien en hélicoptère - tout en laissant le nouveau chien dans les lieux, ce qui est remarquablement filmé par John Carpenter :
Une fois arrivé sur les lieux, ils ne peuvent que constater la mort de tous les occupants norvégiens... Ainsi qu'un imposant bloc de glace, qui semble avoir été excavé afin d'en faire sortir quelque chose :
Sur la gauche - bien qu'on le voit très mal - se trouve le personnage principal, le pilote d'hélicoptère R. J. MacReady (Kurt Russell, déjà célèbre grâce à New York 1997 de John Carpenter)... Et durant tout ce temps, Clark (Richard Masur) accompagne le chien jusqu'au chenil de la station, sans se douter de la suite :
Toujours est-il que le chien subit une monstrueuse métamorphose, et attaque d'un seul coup tous les autres animaux. Très surpris, Childs (Keith David) décide de l'incinérer au lance-flammes, et une fois ceci terminé, le Dr Blair se livre de nouveau à une autopsie :
Mais celle-ci se révèle bien plus impressionnante que la première fois, et le Dr Blair est le premier à supposer que la chose en question peut en fait imiter n'importe quelle forme de vie :
Une fois découvert ce fait, la seule solution reste pour MacReady, Copper (Richard A. Dysart) et Vance Norris (Charles Hallahan) de visiter l'endroit où les norvégiens passaient le plus clair de leur temps :
Et ils découvrent un gigantesque cratère, qui semble contenir l'épave d'un ancien vaisseau spatial, dont l'origine daterait au moins de 100000 ans :
A peine rentrés au camp, il s'aperçoivent que cette découverte ne s'avère pas bonne du tout, bien au contraire.. MacReaddy se sent le plus concerné par cet événement, et découvre que la créature ne mettra que 27 heures à infester la population mondiale, ceci sur un ordinateur - qui, je le précise, date de 1982, et semble donc vraiment archaïque :
George Bennings (Peter Malonay), le météorologue, est à son tour pris en attaque subitement par la chose... MacReady intervient alors, d'une façon particulièrement violente, mais on ne peut faire guère autre chose, dans ce contexte :
C'est le moment où le Dr Blair pète complètement les plombs, allant jusqu'à saboter tous les moyens de transport, tuer les chiens de traîneau, et détruire la radio... Il semble particulièrement en colère, et s'est même pourvu d'un révolver et d'une hache ;
Heureusement, MacReady parvient à le maîtriser, puis décide d'enfermer le Dr Blair dans la cabane à outils, assez loin du reste du camp... Le pire en ce moment, c'est que plus personne ne fait confiance à l'autre, et chacun croit déjà son voisin en partie contaminé :
Ceci se présente tout d'abord avec l'apparente crise cardiaque de Vance Norris, le géologue, qui n'en est pas une du tout, mais bien une tentative de la chose de se rematérialiser le mieux possible :
C'est le moment précis où le film bascule dans les effets spéciaux de Rob Bottin, acutuellement totalement démodés, qui se repèrent immédiatement de nos jours, et ont coûté à l'époque 1,5 millions de dollars, soit un dixième de la somme totale...
Ceci apparaissait aussi dans le célèbre Alien de Ridley Scott, sorti trois ans plus tôt, mais ce n'était visible que dans les dernières minutes de l'Opus, alors que dans The Thing, nous y sommes confrontés largement dans son dernier tiers :
Nous pouvons ainsi constater les oppositions entre ces scènes où tout marche très bien, par exemple celle où MacReady essaye de le brûler :
Et celles où les trucages ne passent plus du tout, comme lorsque la créature voit sa sa tête se séparer, et se réincarner en arachnide :
Enfin bon, il faut tout de même laisser finir le film, avec des plans bien mieux réussis, et réalisés avec une grande maîtrise par John Carpenter... Déjà, MacReady brûle une seconde fois le corps en question :
Puis il recherche le Dr blair, en constatant définitivement que celui-ci est contaminé, et a même monté une sorte de vaisseau spatial, dans l'espoir de pouvoir partir :
Là, MacReady parvient au bout de ses propres limites :
Et il décide de détruire ce qui reste de la créature, en lui balançant au passage cette phrase qui lui fait un bien fou, "Yeah... Fuck you too !!!" :
C'est le moment terminal, où MacReady et Childs (Keith David, le mécanicien) savent qu'ils sont désormais les deux seuls à rester en vie, sentent qu'ils vont être condamnés par le froid, et décident finalement de boire la dernière bouteille de scotch - laquelle a miraculeusement survécu à l'apocalypse :
Hélas, cela ne va pas durer très longtemps, et conclut de façon tragique The Thing de John Carpenter, que je suis sûr vous aimerez beaucoup aujourd'hui, malgré quelques mauvais trucages :
Première preuve, avec ce trailer original - comme je vous l'avais promis dès le début de cet article :
Mais surtout seconde preuve avec cet interview de Quentin Tarantino, qui le considère comme l'un des films d'horreur les plus convaincants du monde, parle un peu de son influence sur The Hateful Eight en 2015 (où Kurt Russell joue également l'un des rôles principaux), et surtout de cette analogie avec son tout premier film, Reservoir Dogs (1992), où il s'est nettement inspiré de cette dégradation progressive d'un groupe au départ uni :
C'est en anglais, mais bon... Vous avez les sous-titres, n'est-ce pas ? En tous cas, j'ai beaucoup aimé ce film, malgré la mauvaise impression que j'en avais originellement, et je vous recommande vivement l'article sur Wikipédia, qui malgré sa longueur, nous dit tout ce que nous avons à savoir sur The Thing, John Carpenter, Kurt Russell, Rob Bottin, et bien d'autres gens présents sur le tournage... J'espère que vous apprécierez cet article, et - qui sait ? - que vous oserez laisser un commentaire !
Et oui, il s'agit du tout premier film de David Lynch, que nous connaissons bien mieux aujourd'hui qu'à l'époque de sa sortie (1977), où il eut à souffrir de beaucoup de problèmes insolubles... Tout d'abord, son budget ridicule de 10000 dollars, ce qui a engagé son tournage sur six ans, à partir de 1971. Ensuite, sa situation dans Philadelphie, ville particulièrement industrielle et dangereuse, où toute l'action s'est déroulée. Et pour terminer, le nombre important de discussions ayant eu lieu durant toute cette période, concernant le surréalisme du film, son scénario jugé par moment totalement incohérent, et dont vous trouverez une bien meilleure explication - comme d'habitude - sur Wikipédia !
N'oubliez pas, au passage, que Eraserhead fait partie des dix meilleurs films d'horreur réalisés dans le monde aux yeux de Stanley Kubrick, qui le recommanda à toute son équipe avant la réalisation de Shining (1980) - l'un de ses nombreux chefs-d'œuvre.
Cette histoire commence avec Henry Spencer (Jack Nance, un acteur fétiche de David Lynch), que l'on découvre marchant sans arrêt dans Philadelphie, juste afin de parvenir à l'appartement de sa future femme - qu'il n'a pas vue depuis longtemps :
Lorsqu'il retrouve enfin Mary (Charlotte Stewart), il a l'air apaisé par sa réaction plutôt positive, et entre sans problème dans la pièce :
Mais il y rencontre aussi la mère de Mary (Jeanne Bates) et son père Bill (Allen Joseph)... Henry Spencer ne s'en aperçoit pas tout de suite, mais Bill a l'air totalement déconnecté de la situation tendue qui règne autour de la table :
Phénomène qui va bien sûr s'aggraver au cours du repas, où le poulet se met à bouger tout seul, sans que cela n'ait l'air de gêner personne :
Le film commence alors à entrer dans sa phase surréaliste, qui se développe encore davantage lorsque la mère de Mary pose à Henry Spencer une question fondamentale sur le sexe... Et elle parle tout de suite de leur enfant prématuré et hideusement déformé, ce qu'il ne savait pas encore :
Mais il est obligé de s'en occuper, et quelle que soit sa réaction, le bébé n'arrête pas de hurler dans tous les sens - ce qui dans un premier temps motive énormément Mary :
Bien que je ne sois pas censé en parler, il faut savoir que David Lynch a connu en 1968 une expérience assez proche : être à l'âge de 22 ans le père d'une jeune fille ayant une forme sévère de pied bot, ce qui la contraignit à un traitement chirurgical assez lourd....
Evidemment, ceci n'est pas lié directement au personnage de Henry Spencer, mais il existe tout de même une certaine similitude entre les deux, ce qui lui donnera - selon Greg Olson - "une vision bipolaire de l'Amérique, entre Paradis et Enfer", qui servira de base à tous ses films à venir :
Cependant, à force de s'occuper en permanence de leur enfant, Mary en a subitement marre, et décide de s'en aller - sans oublier de bien dire à Henry Spencer ce dont il doit se charger durant tout ce temps :
Dans un premier temps, Henry Spencer s'occupe plutôt bien de son enfant... Mais le fait de se retrouver seul face à lui, qui est de plus en plus malade, le déroute complètement :
Résultat ? Il se dirige rapidement vers le radiateur, où il découvre soudain Lady in the Radiator - aux joues hypertrophiées comme la fameuse Betty Boop -, qui chante et danse sur l'étrange musique pour orgue de Fats Waller :
Ou bien ne serait-ce pas un rêve ? Car Mary est de nouveau là, semblant même n'avoir guère bougé de l'appartement :
Et surtout la belle voisine (Judith Roberts) en route, avec qui Henry Spencer aura une relation sexuelle évidente - même s'il n'a rien d'autre à faire pour cela qu'approuver ses intentions :
Lady in the Radiator revient alors, et interprète cette fois-ci Beautiful Girl Across the Hall ("La jolie fille de l'autre côté du couloir")... Au début toute seule, et puis - fait assez révélateur - Henry Spencer vient se joindre à elle :
Sauf que ça ne se passe pas du tout comme la première fois, et que sa tête est immédiatement coupée, puis projetée sur le carrelage du sol... A la place, nous retrouvons celle du bébé, qui prend place comme si de rien n'était dans son costume :
La tête est rapidement emmenée par un jeune garçon à un réceptionniste, qui la transmet à son tour à l'ingénieur d'une usine de crayon - se servant du cerveau pour constituer une gomme efficace (d'où le titre Eraserhead, qui signifie "tête effaceuse")... Il faut noter que ce thème était au départ l'un des plus importants du film, jusqu'à ce qu'il soit remis à sa dimension réelle, bien moins importante :
D'ailleurs, Henry Spencer se réveille d'un seul coup entier, comme si il avait rêvé tout cela... Mais il voit aussitôt derrière sa porte la belle voisine avec un autre homme, et retombe dans son cauchemar habituel - où il n'est plus lui-même, juste un cerveau entièrement consacré au bébé, comme si celui-ci avait pris sa place :
Il prend alors la seule décision qu'il lui reste encore, et va mettre fin à la vie du bébé avec une simple paire de ciseaux... Ceci donne lieu à des images assez torrides, qu'il vaut mieux éviter si l'on est pas habitué à ce genre d'effets spéciaux - gardés encore secrets aujourd'hui, pour dire à quel point David Lynch était en avance sur son temps :
Reste un type d'image assez impressionnant, celui des lampes rondes et de l'électricité qui se met à mal marcher - qui se retrouvera de la même façon bien des années plus tard, à la fois dans Lost Highway (1997) et Mulholland Drive (2001) :
Et Henry Spencer retourne - sans bébé - vers le radiateur, où il retrouve enfin celle qu'il apprécie depuis le début, avec qui il disparaît sans aucun remord :
Si vous n'avez pas encore vu ce film, j'en ai retrouvé un petit trailer, qui raconte en 1'40" l'essentiel de cette histoire inversée - qui de toute façon ne dure que 89 minutes :
Je ne vois plus grand chose à décrire ici - à part les surprenantes contradictions qu'à vécu David Lynch durant toute cette période, et que je vous ai déjà invité à voir sur Wikipédia. Tout ce qui est important, c'est qu'il soit devenu dès son second film (Elephant Man, 1980) un réalisateur exceptionnel - dont j'espère que vous pourrez découvrir sans plus tarder les œuvres qu'il a tourné par la suite !