Un film assez étonnant sorti en 2008 (avec le titre français voisin de L'Etrange Histoire de Benjamin Button), qui doit l'essentiel de son script à Eric Roth - emprunté encore une fois à l'ouvrage de F. Scott Fitzgerald sorti en 1922, sans oublier qu'Eric Roth est un véritable virtuose en la matière, puisqu'il a déjà écrit Forrest Gump (Robert Zemeckis), The Insider, Ali (Michael Mann) et Munich (Steven Spielberg).
Ce scénario raconte toute la vie de Benjamin Button opposée à celle de Daisy Fuller - simplement parce que le premier naît avec toutes les apparences d'un vieillard le 11 novembre 1918, se dirigeant de plus en plus vers l'adolescence, tandis que la seconde mène une existence tout à fait normale - comme chacun d'entre nous.
Je sais, cela a une apparence totalement fantastique si l'on s'en tient au premier degré, mais ce n'est pas du tout ce que souhaitaient faire Eric Roth et David Fincher. Résultat ? Le film a eu du mal à doubler son budget initial déjà fort élevé (150 millions de dollars), et il dure 2h46, ce qui n'est pas rien... Mais il a en retour remporté un grand succès, et il reste toujours connu en traitant ce thème plutôt rare au cinéma et difficile à réaliser : celui d'un homme vivant dans le sens inverse des autres, et parvenant finalement à se réconcilier avec tout le monde.
L'Opus débute en août 2003, alors que Daisy Fuller (Cate Blanchett) est sur le point de mourir, et partage les derniers instants de sa vie dans un hôpital de La Nouvelle-Orléans en s'entretenant avec sa fille Caroline (Julia Ormond). En fait, elle lui demande de lire à haute voix le journal d'un certain Benjamin Button - scène récurrente qui va apparaître tout au cours du film :
On se retrouve donc au tout début en 1918, un moment où l'horloger aveugle Mr Gateau (Elias Koteas) élève une pendule très spéciale dans le gare de La Nouvelle-Orléans - dont les aiguilles tournent à l'envers, spécialement afin de faire revenir vivants les jeunes soldats qui ont été tués à la guerre :
Aussitôt après, naît un enfant avec les caractéristiques d'un vieil homme (comme par hasard le 11 novembre 1918 !), mais son père Thomas Button (Jason Flemyng), trop désemparé, décide de l'abandonner sous le porche d'une maison de soin dirigée par Queenie (Taraji P. Henson) :
Très chrétienne, celle-ci voit Benjamin Button comme son propre fils, et décide de lui apprendre à marcher en 1925 sous la direction du prêtre de l'église - ce qui fonctionne plutôt bien :
En 1930, à l'occasion de Thanksgiving où il vient d'avoir douze ans, Benjamin Button rencontre pour la première fois Daisy Fuller, qui l'aime bien - et cela n'est pas sans provoquer quelques réactions positives de sa part :
Il découvre aussi son premier métier, avec l'aide du capitaine Mike Clark (Jared Harris), qui l'engage à tout faire sur son bateau. Mais sidéré par le fait que Benjamin Button n'ait toujours pas connu intimement de femmes, il l'entraîne avec lui dans un bordel renommé - et tout se passe vraiment bien mieux que prévu :
Enfin, Benjamin Button rencontre son vrai père, Thomas Button... Mais bien que celui-ci, directeur d'une usine de boutons, soit plutôt généreux, il ne lui dit pas la vérité, et se contente d'écouter - non sans émotion - son propre fils :
Une fois reparti en Russie sur le bateau de Mike Clark, il arrive en 1941 à Mourmansk, où il rencontre une femme assez étonnante, Elizabeth Abbott (Tilda Swinton) :
Il s'entame une relation avec cette épouse d'un ministre britannique, et malgré ses nombreuses difficultés, cela amène tous les deux à un bonheur véritable - qui ne va hélas pas durer bien longtemps :
Peu de temps après, en effet, Benjamin Button se retrouve à bord du bateau de Mike Clark, en route vers le Japon où ils doivent - selon la volonté de l'United States Navy - se consacrer à un rôle de sauvetage. Cela se passe bien au début, mais très vite, Mike Clark se laisse entraîner à tirer à mitraillette sur un sous-marin ennemi - causant tout à la fois la dégradation de celui-ci et sa propre mort :
En mai 1945, une fois la guerre terminée, Benjamin Button (Brad Pitt) rentre enfin à La Nouvelle-Orléans, où il retrouve une nouvelle fois Daisy Fuller - qui a très nettement grandi :
Entretemps, celle-ci est devenue une vraie danseuse professionnelle, et mine de rien, elle tombe plus ou moins amoureuse de Benjamin Button... Elle essaye de l'entraîner via sa danse vers quelque chose d'imprévu - passage magnifiquement filmé par David Fincher -, mais celui-ci n'est pas du tout près pour ça, et préfère y renoncer :
C'est alors qu'il retrouve son père une nouvelle fois, mais la grave maladie de ce dernier le pousse enfin à dire toute la vérité :
Benjamin Button a un certain mal à l'accepter, même si le testament de Thomas Button va grandement dans son sens... Mais il se résout à le voir mourir, commençant à comprendre que c'est inévitable - de toute façon, "il faut lâcher prise" :
Une fois vécu cet évènement tragique, à plus d'un niveau, Benjamin Button se déplace à New York en 1947, cette fois-ci bien décidé à entamer une relation avec Daisy Fuller... Mais c'est à ce moment elle-même qui s'y oppose, d'une part parce qu'elle se trouve trop jeune pour entamer une liaison sérieuse avec lui, d'autre part car elle est déjà amoureuse de quelqu'un d'autre :
En fait, ils ont tous les deux à peu près le même âge, en 1954... Sauf que Daisy Fuller, alors à Paris, se fait brusquement renverser par un taxi, ce qui conduit tout de suite Benjamin Button à l'hôpital :
C'est le moment précis pour David Fincher de nous montrer brillamment à quel point le cours de la vie dépend finalement des nombreux hasards qui y apparaissent... Tout cela pour en fin de compte les mettre dans les bras l'un de l'autre, bien que leurs destinées soient complètement différentes :
Une fois tous les deux revenus à La Nouvelle Orléans en 1962, ils assistent à l'enterrement de Queenie - la seule vraie mère de Benjamin Button :
Puis ils décident de vivre ensemble, et en 1967, Daisy Fuller ouvre enfin un studio de danse... Cela rassure beaucoup Benjamin Button, mais un an plus tard, elle est enceinte d'une fille :
Dès lors, Benjamin Button ne veut plus rester, car bien qu'ayant l'air de plus en plus jeune, il a suffisamment mûri pour se rendre compte à quel point le rôle de père lui va mal... Durant les années suivantes, à partir de 1970, il s'en va d'un seul coup dans tous les coins du monde :
Il n'en revient qu'en 1980, de plus en plus jeune, et constate que Daisy Fuller s'est entretemps remarié... Mais cela ne le gêne pas pour l'inviter dans son hôtel, où ils s'offrent une dernière nuit d'amour :
Il faudra encore attendre dix ans, pour que des travailleurs sociaux s'adressent à Daisy Fuller, ayant découvert Benjamin Button dans un vieil immeuble condamné, souffrant d'amnésie et de démence... Ce sont des maladies typiques d'une personne âgée, mais il est en fait de plus en plus jeune :
En 1997, Daisy Fuller s'installe définitivement dans sa maison de retraite, et s'occupera du préadolescent Benjamin Button jusqu'à la fin de ses jours, qui auront lieu au printemps 2003 - à l'âge de 84 ans... Elle-même tiendra encore deux ans de plus, mourant à l'arrivée de l'ouragan Katrina - toujours en compagnie de sa fille Caroline :
Avec ce sublime plan final sur l'horloge de Mr Gateau, qui suite à la récente installation d'une pendule numérique dans la gare de La Nouvelle Orléans, se noie elle aussi dans les perturbations dues à l'ouragan Katrina :
Personnellement, j'adore ce film - même si comme très souvent chez David Fincher, il dure largement plus de 2 heures... Kirk Honeycutt a noté : "Le cinéma se marie à merveille à une palette de couleurs sobres nécessaires et autres effets visuels qui retranscrivent un passé magique", tandis que Peter Howell décrivait cet Opus comme "un conte magique et émouvant d'un homme vivant sa vie dans le sens inverse, avec une réalisation à son meilleur".
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais pour ma part, je pense que The Curious Case of Benjamin Button est l'un des meilleurs films jamais tourné sur ce sujet insolite !
Je dois dire que ce film de 2011, soit deux ans avant The Wolf of Wall Street, est tout simplement exceptionnel, et apparaît comme l'une de ses œuvres les plus positives et les plus optimistes... Il y a une bonne raison à cela: après la naissance de sa fille Francesca en 1999, Martin Scorsese voulait absolument réaliser un Opus qu'elle puisse voir sans problème, et il eut la très bonne idée de se baser sur le roman illustré pour enfants L'Invention de Hugo Cabret, de Brian Selznick.
En outre, ce livre s'inspire de la vie de Georges Méliès (1861-1938), l'un des grands créateurs du cinéma avec les frères Lumière - tous trois français, ais-je besoin de le préciser ? -, et ce fut une grande inspiration pour Martin Scorsese, qui déclara sans hésiter :
"En tant que cinéaste, j'ai le sentiment que l'on doit tout à Georges Méliès. Et quand je revois ses premiers films, je suis ému, ils m'inspirent, parce que cent ans après leur création, ils font toujours naître ce frisson lié à l'innovation et à la découverte. Méliès a inventé et exploré la plus grande partie des techniques que nous utilisons aujourd'hui. Les films fantastiques et les films de science-fiction descendent de Méliès. Tout était déjà dans le travail de ce précurseur".
Aucune raison de se faire du souci, donc, et profitons-en pour rendre ce tournage aussi agréable que possible - avec le grand maître sur la gauche, bien sûr :
Cela commence avec le personnage principal, Hugo Cabret, qui après un début chaotique avec son père puis son oncle, se met à vivre tout seul dans la gare Montparnasse, entretenant et réparant l'horloge :
Il est à noter que l'acteur - Asa Butterfield - n'avait que 13 ans à l'époque, et que malgré ses débuts dans le cinéma, il était véritablement excellent. Et je dois avouer que ses yeux me semblent incroyables, dignes de ceux tout aussi fascinants de Jodie Foster :
Au départ, le seul ennemi auquel il doit se confronter est l'inspecteur de la gare Gustave (Sacha Baron Cohen) et son doberman Maximilien, ce qui n'est pas spécialement facile :
Vivant en grande partie de petits vols, Hugo se trouve vite confronté au principal vendeur de la gare, un certain "Papi Georges" (Ben Kingsley) - qui en fait se révèle être le véritable Georges Méliès, ce que nous ne découvrirons que bien plus tard dans le film :
Ils se vouent dès le début une antipathie acharnée, mais sans que l'on sache vraiment pourquoi, cela se calme avec le découverte de l'un des premiers films de Louis Lumière, L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat - daté de 1895, et effrayant tous les spectateurs, bien au-delà de ce l'on pouvait imaginer :
Durant tout ce temps, Hugo se rend à la bibliothèque, où il finit par rencontrer la filleule de Papi Georges, Isabelle, une jeune fille avec laquelle il s'entend très bien - ce qui est finalement assez normal, puisque son interprète, Chloë Grace Moretz, avait exactement le même âge que lui, soit 13 ans :
Son grand projet reste de réparer un automate créé par son père, et ils vont finalement y parvenir... Sans que l'on sache vraiment comment ni pourquoi, l'automate se met à dessiner la lune détruite par une bombe - une œuvre que Hugo connait très bien, et qui est le tout premier film de science-fiction, dû à Georges Méliès en 1902 :
Il se revoit pour un temps avec son père horloger (Jude Law), en train de tenter une réparation de l'automate - sans bien avoir ce qui se passe en réalité :
Mais il le découvre subitement avec Isabelle et René Tabard (Michael Stuhlbarg), un expert cinématographique vénérant Georges Méliès, leur projetant son fameux film Le Voyage dans la Lune, hélas convaincu comme tout le monde que leur auteur était mort au cours de la Première Guerre mondiale :
Fort heureusement, ce n'est pas vrai du du tout, et Hugo tout comme Isabelle commence à se douter de la véritable identité de Papi Georges :
C'est le moment précis où Hugo se trouve livré à un cauchemar terrible d'un train arrivant gare Montparnasse - une scène magistralement filmée par Martin Scorsese, qui a nécessité une locomotive de 4,5 mètres de long, quatre mois de travail pour un plan d'à peine deux secondes, et décrit en réalité le réel accident du 22 octobre 1895 !
Vous avez vu ? L'image du film est pratiquement la même que la photographie réaliste qui a été prise à l'époque, ce qui est tout simplement incroyable !
L'on pourrait dire que l'histoire est presque terminée... Mais il reste encore à Hugo de découvrir qui est Georges Méliès, autrement dit le fameux Papi Georges. Au départ, ce dernier apparaît assez consterné que l'enfant ait percé tous ses secrets, mais il finit par s'y habituer, et lui raconte peu à peu toute son histoire - autrement dit, celle de son atelier et des nombreux films qui y ont vu le jour :
Dernier drame : la surveillance de Gustave reprend de plus belle, contraignant Hugo à fuir dans l'escalier de la fameuse horloge, jusqu'à se retrouver lui-même pendu à ses aiguilles... Mais heureusement, Georges Méliès est là, et contrairement à son attitude originelle, il parvient à faire libérer Hugo de la traque de ce dernier - qui au final s'avère plutôt content :
Merveilleux, n'est-ce pas ? Il ne fallait que cela pour redonner à Georges Méliès sa confiance en lui, et lui offrir en guise de remerciement toute une soirée consacrée à lui-même et à son œuvre, ce qui est la moindre des choses :
On y voit bien sûr certains de ses films les plus connus, allant de ses origines et des nombreuses actrices (dont sa femme) jusqu'à ses remises en couleur - ce qui fut évidemment le cas pour Le Voyage dans la Lune :
Mais laissons le très souriant Martin Scorsese nous donner - en partie - un certain nombre d'explications à cet Opus, reliant tout à la fois les films fantastiques, les effets spéciaux, le jeu des acteurs, tout ceci étant en grande partie dû la création et au testament de Georges Méliès :
Je dois donc comme d'habitude rendre hommage à Martin Scorsese, qui une fois de plus nous donne un film inoubliable, honorant l'un des créateurs du cinéma, et d'une façon bien différente de ce qu'il avait l'habitude de faire - sauf peut-être dans After Hours de 1985, un Opus complètement surréaliste !
Il me faut aussi remercier Allociné, grâce à qui j'ai pu emprunter la plupart de ces photos, car hélas je ne possède pas ce film en DVD, et je n'ai pu le voir qu'avec la bonne volonté d'ARTE, qui l'a programmé en octobre 2024. En tous cas, je souhaite beaucoup que vous le regardiez de vos propres yeux, et que vous y laissiez un petit commentaire, ne serait-ce qu'en guise de respect à Georges Méliès !