Vous n'avez pas encore vu ce film ? Vous ne devez pas être américain, dans ce cas, car cet Opus traite durant 157 minutes d'un serial killer ayant réellement sévi autour de San Francisco, dans les années 1960 et 1970. Actuellement, la police n'a toujours pas résolu les affaires criminelles liées à ce tueur surnommé Zodiac, mais les hypothèses les plus vraisemblables sont ici utilisées par David Fincher.
Le premier film consacré à ce sujet date de 1971 (The Zodiac Killer), mais il est bien loin d'égaler celui-ci de 2007, qui fut tourné à partir d'un scénario de James Vanderbilt, lui-même basé sur les deux livres de Robert Graysmith - l'un des personnages les plus importants de Zodiac, et qui a réellement existé, tout comme du reste Paul Avery, David Toschi, et pratiquement tous les autres. En fait, David Fincher a effectué un travail fondamental de 18 mois concernant les meurtres avec des témoins ou des victimes encore vivants, ce qui est à proprement parler exceptionnel !
Jugez-en vous-même avec le bon trailer :
On démarre le 4 juillet 1969, où Darlene Ferrin et Mike Mageau (Lee Norris) sont violemment attaqués au couteau, en pleine nuit dans l'allée des Amoureux à Vallejo, en Californie :
Vient le sobre générique du film, puis le journal San Francisco Chronicle reçoit un mois plus tard plusieurs lettres cryptées écrites par le tueur en question, qui se nomme lui-même Zodiac :
Que dit l'une de ces lettres ? Elle fait juste une proposition, mais relativement inquiétante, puisque son auteur dit en passer à une bonne douzaine de personnes :
Le caricaturiste Robert Graysmith (Jake Gyllenhaal) sent par pur instinct que son identité n'est pas contenue dans le message.... Mais il n'est pas pris au sérieux par le journaliste policier Paul Avery (Robert Downey Jr.), qui le considère juste comme un dessinateur :
Au mois de septembre de la même année, le tueur poignarde de nouveau deux jeunes étudiants, Brian Hartnell (Patrick Scott Lewis) et Cecelia Shepard, au lac Berryessa, dans le comté de Napa... Brian survit, mais Cecelia meurt deux jours plus tard :
Après ces trois mois, Paul Avery s'entend enfin beaucoup mieux avec Robert Graysmith, qui a entre autre l'idée que Zodiac fait référence au film Les Chasses du comte Zaroff (1932) :
Mais cela ne leur donne pas beaucoup d'idées... Jusqu'à ce que deux semaines plus tard, un chauffeur de taxi de San Francisco, Paul Stine, soit à son tour tué, et cette fois-ci par balle :
C'est pour nous l'occasion de mieux découvrir le véritable enquêteur de cette affaire, David Toschi (Mark Ruffalo), qui travaille presque toujours avec son collaborateur Bill Armstrong (Anthony Edwards) :
Etant tous les deux policiers, ils sont bien plus au courant de ce qui se passe, surtout lorsqu'il s'agit de la propre revendication de Zodiac à l'attaque d'un bus - phénomène qui a profondément touché David Fincher lui-même durant sa jeunesse :
"Je me souviens avoir demandé à mon père ce que faisaient ces voitures de policiers qui encadraient nos bus de ramassage scolaire. Il m'avait expliqué qu'un tueur équipé d'un fusil à longue vue envisageait de tuer des enfants qui partaient à l'école. J'avais la sensation d'être confronté au mal absolu" :
Ne sachant plus trop quoi faire, ils décident finalement d'embaucher l'avocat Melvin Belli (Brian Cox), qui va recevoir des coups de téléphone d'un prétendu Zodiac, pour la chaîne KGO-TV :
En fait, personne n'est sûr qu'il s'agisse bien de Zodiac en personne, ou d'un simple imitateur... Pas même Melvin Belli :
Il n'empêche que durant tout ce temps-là, une jeune femme, Kathleen Johns (Ione Skye) et son enfant sont à deux doigts d'être tués - sans que l'on sache la raison pour laquelle Zodiac s'en est soudain abstenu au dernier moment :
Histoire de bien terminer cette première partie du film, David Fincher nous montre brièvement la nouvelle compagne de Robert Graysmith, Melanie (Chloë Sevigny) :
Ainsi que la curieuse destinée de Paul Avery, qui commence à travailler de son côté, mais devient paranoïaque, et se tourne de plus en plus vers la drogue et l'alcool, avant de s'installer définitivement à Sacramento, proche de San Francisco :
Robert Gaysmith tente de l'en dissuader, mais en vain (extrait en pur français, pour une fois) :
Pour finir, David Toschi, Bill Armstrong et le sergent Jack Mulanax (Elias Koteas) interrogent enfin le fameux Arthur Leigh Allen (John Carroll Lynch), mais sans succès, et pour cause... Ils n'ont absolument rien contre lui, et comme il le déclare, "Si j'étais Zodiac, je ne vous le dirais pas " :
David Fincher marque alors le début de la seconde phase du film, non seulement avec cette vue fantastique de la grande ville :
Mais surtout avec cette rencontre de David Toschi avec Robert Graysmith dans un cinéma, et devinez de quel film ils parlent ? Mais oui, c'est exactement Dirty Harry de Don Siegel, sorti en 1971, et où il crée avec le personnage de Scorpio un petit peu l'équivalent de Zodiac :
Après Paul Avery, c'est maintenant au tour de Anthony Edwards d'abandonner l'affaire, histoire de donner vie à toute sa famille :
Résultat ? Il s'installe une vive collaboration entre David Toschi et Robert Graysmith, et même si le premier n'a pas le droit de dire au second tout ce qu'il souhaiterait savoir, il ne peut s'empêcher de lui livrer quelques précieuses informations :
La femme de Robert Graysmith est pourtant à deux doigts de le quitter, mais il décide quand même d'écrire un livre sur cette affaire complexe, avec tous les éléments dont il dispose :
Inutile de dire qu'il n'a pas du tout l'accord de David Toschi :
Pas plus que celui de Melanie, qui va bientôt se séparer de lui, en emmenant les enfants :
Robert Graysmith ne peut toutefois pas se défaire de tout ce qui l'obsède... Au dernier moment, il se tourne vers un collectionneur de films, mais il en prend peur subitement, et réussit à sortir en courant de l'obscurité :
Il contacte alors Ferrin, apparemment née le même jour que Zodiac, et lui donne l'identité qu'il avait pensé depuis le début... Tout le monde est au moins d'accord sur un point, il s'agirait de Arthur Leigh Allen :
Lors de leur ultime rendez-vous, c'est le seul point dont discutent encore Robert Graysmith et David Toschi - et bien qu'ils ne soient pas autorisés aux même choses, ils tombent parfaitement d'accord là-dessus :
Rassurez-vous, nous sommes pratiquement à la fin ! En 1983 (soit 14 ans après le premier meurtre), Robert Graysmith rencontre par hasard Arthur Leigh Allen dans un magasin Vallejo Ace Hardware... Mais il fait semblant de ne pas le reconnaître :
Au final, c'est l'un des rares survivants, Mike Mageau, qui l'identifie avec certitude comme le meurtrier, face au policier George Bawart :
Bien sûr, il vient ensuite un bref résumé des différentes personnes, mais c'est le minimum que l'on puisse faire sur un Opus tout à la fois long (2h37') et passionnant... Pour tout dire, le film dépassa à peine son budget élevé de 65 millions de dollars, mais il obtint quasiment 90% de critiques très positives, et cela dans pratiquement tous les pays du monde !
Qu'en est-il advenu pour autant de l'affaire principale ? Arthur Leigh Allen reste toujours le principal suspect, mais il n'a jamais pu être arrêté - encore moins du fait qu'il soit mort en 1992. En 2008, l'enquête est relancée, mais malgré les huit noms avancés, aucun n'est vraiment plausible... Ici, David Fincher a fait une œuvre tout aussi puissante que son antérieur Seven (1995), sauf que celle-ci est bien réelle - au point que nous l'avons intégrée à la liste des biopics !
Juste tourné en 1999, Révélations (en français, sens différent du titre américain, qui signifie l'initié), le film succède immédiatement à The Last of the Mohicans (1992) et le fameux Heat (1995), et s'engage désormais dans la voie toute différente du biopic, nous racontant l'histoire célèbre de Jeffrey Wigand au sujet du tabac et de ses dangers, qui a commencé à se dérouler en 1993.
Alors certes, cet Opus n'a pas eu un aussi grand succès que les précédents, peut-être pour trois raisons : 1) Ceci n'intéresse qu'à moitié tous ceux qui ne sont pas eux-mêmes fumeurs 2) C'est aussi relativement long (2h37') pour raconter un thème finalement plutôt classique 3) Mais surtout, cela découle de la rencontre captivante de Jeffrey Wigand avec le journaliste Lowell Bergman, qui si elle se déroule très bien durant la première moitié, tourne ensuite vers une critique sans doute fondamentale du pouvoir de la télévision et de la presse, mais dure trop longtemps, et nous fait presque oublier la critique du tabac qui était jusqu'alors au cœur du film.
C'est la raison pour laquelle j'ai découpé cette analyse en deux, qui divise grosso modo cette œuvre en sections qui ont finalement peu de choses en commun... Exception faite, bien sûr, du jeu absolument parfait des deux acteurs principaux, Al Pacino et Russell Crowe, et aussi de la musique, qui si elle ne paraît pas fondamentale durant les scènes d'ouverture, prend de plus de plus en plus d'importance au fur et à mesure que l'on avance.
1) Première partie : le tabac et ses problèmes
Au tout début, on découvre Lowell Bergman (Al Pacino), journaliste puissant de 60 Minutes, une émission télévisée de CBS, confiné sous un masque, et tentant au Liban de persuader l'émir Mohammad Fadlallah, chef spirituel de Hezbollah, de participer à son interview américain sur cette chaîne :
Ils se disputent pas mal, aussi bien en arabe qu'en américain, mais cela finit quand même par bien se terminer :
Ceci dure environ un bon quart d'heure, mais c'est surtout pour nous montrer l'efficacité de Lowell Bergman, qui parvient assez rapidement à convaincre l'émir d'accepter sans problème d'être interrogé...
L'on découvre alors à l'opposé le docteur Jeffrey Wigand (Russell Crowe) en train d'avouer son licenciement inexpliqué à sa femme Liane Wigand (Diane Venora) - alors qu'ils étaient très heureux avec leurs deux filles, leur grande maison et leur voiture :
C'est le moment où Lowell Bergman décide d'appeler Jeffrey Wigand, afin de parler avec lui d'un dossier sur la cigarette qu'il vient de recevoir de façon anonyme - et auquel il ne comprend rien :
Dès le départ, le point de vue de Jeffrey Wigand est totalement négatif - ne serait-ce que pour respecter ses conditions de licenciement... Mais Lowell Bergman finit par le convaincre de se rendre le lendemain dans un hôtel, où il commence à mieux comprendre son type de vie :
Surtout lorsque Jeffrey Wigand lui parle de son entrevue récente avec le patron de Brown & Williamson - ou encore Philip Morris -, Thomas Sanderfur (Michael Gambon), qui l'a contraint de signer son papier de démission :
Cela a l'air fort courtois, mais en fait, ça ne l'est pas du tout :
C'est en tous cas le point de vue de Lowell Bergman, qui finit par convaincre celui qui était jusqu'alors réticent, Jeffrey Wigand... Lequel lui livre aussitôt le surnom des "sept nains", qui désigne en vérité "les sept PDG du tabac" :
Néanmoins, Lowell Bergman le sent encore indécis :
D'autant plus que peu de temps après, la vie de couple de Jeffrey Wigand se dégrade de plus en plus, commençant avec la revente de leur vaste maison - faute de salaire :
C'est le moment que choisit Lowell Bergman pour inviter Jeffrey Wigand dans un restaurant japonais, en tentant de le convaincre définitivement de son option - ce dont ce dernier doute toujours :
Et c'est aussi le cas de tous ceux qui sont impliqués dans l'affaire, s'inquiétant à juste titre de la direction que prennent les choses :
L'un des sommets que l'on pouvait difficilement imaginer se déclenche alors : tout d'abord, Jeffrey Wigand reçoit un fax traumatisant... Aussitôt suivi par une balle laissée dans la boîte aux lettres, comme pour bien lui faire comprendre le message :
Mais ceci a du bon, car toute cette opération pousse finalement Jeffrey Wigand à s'engager sérieusement... Ce qui se trouve ainsi bien résumé par Lowell Bergman, "des gens ordinaires sous une pression extraordinaire" :
C'est alors qu'il participe à l'enregistrement de son interview, avec Mike Wallace (Christopher Plummer)... Et dit tout ce qu'il pense vraiment, entre autre sur l'usage illégal du coumarin, qui peut selon lui avoir un grave impact sur le foie et le système nerveux :
Ecoutez-le, il ne dit que le minimum, mais avec une telle puissance intérieure qu'il ne se doute pas un instant que cette émission pourrait ne pas être diffusée :
Ce qui est pourtant le cas, hélas... Jeffrey Wigand décide donc de témoigner aussi dans le Mississippi, et appelle à ce sujet Richard Scruggs (Colm Feroe) :
Il a du mal à se décider, mais il y va tout de même :
Et il est défendu haut la main par Ron Motley (Bruce McGill), redoutable avocat qui vire allégrement les propos des vendeurs de cigarettes - pour donner à Jeffrey Wigand sa véritable place :
2) Seconde partie : la presse et la télévision
Parvenu à la moitié du film, nous rentrons alors dans une phase critique très imposante - qui se passe certainement dans le monde réel, mais que nous n'avons pas forcément envie de voir ou de ressentir en direct au cinéma, tellement cela traumatise tout le monde du simple fait que cela existe réellement.
Il s'agit en fait du passé lointain de Jeffrey Wigand, où il a été quelquefois interpellé par la police - apparemment sur de simples broutilles - et tout laisse penser que le patron de Brown & Williamson, Thomas Sanderfur, a mis cette histoire en avant, ce qui énerve beaucoup Lowell Bergman :
Ceci se traduit déjà par une longue dispute entre lui et le patron de la chaîne CBS Don Hewitt (Philip Baker Hall) :
Suivi aussitôt après par une menace bien plus réaliste d'Helen Caperelli (Gina Gershon) envers la propriété du groupe, qui pourrait tout simplement être racheté par Brown & Williamson :
Lowell Bergman n'en peut tout simplement plus, et va du coup révéler au New York Times l'existence de cet interview de Jeffrey Wigand par Mike Wallace, qui était jusqu'alors interdit à l'écran :
Par chance, tout marche plutôt bien, l'interview se voit pour de bon diffusé - et l'on peut comprendre, d'un côté, à quel point la longueur du film ne fait que rendre justice à l'hypocrisie et la lenteur de telles opérations, qui peuvent prendre une dizaine d'années...
Toujours est-il que Lowell Bergman se trouve grandement perturbé, et malgré la bonne volonté de son patron à la dernière minute, se trouve désormais incapable de travailler de cette façon :
Face à la télévision, il donne définitivement sa démission :
Suivie peu de temps après par l'explication de Michael Mann, qui précise bien que cette histoire a réellement existée de 1993 à 1997, de même que les deux personnes avec leurs noms originaux, Jeffrey Wigand et Lowell Bergman... Si vous n'avez pas encore vu ce film, le trailer est impressionnant :
Alors, quelle est votre vision de cet Opus, complètement opposé à Heat sorti quatre ans auparavant ? Il est difficile d'en parler, car il s'agit là d'un biopic - phénomène assez rare qui consiste à raconter la vie bien réelle de vraies personnes, ce qui se reproduira deux ans plus tard avec Ali...
Comme je l'avais déjà dit au début, c'est sûr que The Insider souffre pas mal de sa construction séparée en deux, de sa longueur dépendante du ministère de la justice, et aussi du probable désintérêt des gens pour ce problème bien précis... Mais il a en revanche d'autres avantages, non seulement du fait qu'il traite d'un thème bien réel, mais surtout qu'il le fait grâce à deux acteurs particulièrement doués en ce domaine, qu'il s'agisse du puissant Al Pacino ou du réservé Russell Crowe, tous deux très convaincants dans leur rôle !