Et oui, comme l'indique ce titre, on a vraiment Chacun son Cinéma, ce qui explique grandement de quelle façon j'ai découpé ce film, dédié au Festival de Cannes dont il fête en 2007 le 60ème anniversaire. Au départ, il devait s'agir d'un humble DVD, offrant à 33 réalisateurs (ou 35, si l'on compte les frères, Coen et Dardenne) l'occasion de faire chacun une petite œuvre de trois minutes...
Au final, hélas, peu de toutes ces pièces réunies par Gilles Jacob (président dudit Festival de 2001 à 2014) apparaissent réellement intéressantes, disons huit ou neuf, et hormis celles-ci, seules les suivantes m'ont semblé tout à fait dignes d'être citées - et bien sûr, trois fois sur cinq, il s'agit de réalisateurs souvent commentés sur ce site, meilleure preuve qu'on ne peut pas vraiment changer, même si on le désire... Attention, il n'y a aucun américain parmi eux, contrairement à mes habitudes !
1) Une belle journée, de Takeshi Kitano (Japon)
Celui-là, je l'ai identifié tout de suite... Normal, si l'on parle un peu japonais, et que mon affection pour lui est particulièrement grande :
Mais il n'empêche... Comme le précise Allociné, Takeshi Kitano décrit sa propre première expérience du cinéma comme un véritable cauchemar, axé de façon très stricte par sa mère sur l'éducation, et à peine sauvé par son propre frère, ce que l'on peut voir d'une certaine façon ici :
C'est un paysan venu - comme par hasard - voir un film de Takeshi Kitano, Kids Return... Sauf que rien ne fonctionne comme prévu :
Même si cela a l'air de se calmer pour un temps :
Rien de tel pour embraser l'écran d'une façon irréversible :
Ce dont est responsable la seule autre personne présente dans le cinéma ce jour-ci, que certains connaisseurs ont pu identifier comme Takeshi Kitano lui-même :
Résultat ? Non seulement le pauvre paysan n'a pas pu voir le film en entier, mais son vélo lui a été volé, de sorte qu'il est obligé de rentrer à pied chez lui :
Takeshi Kitano est généralement adoré, ou détesté, à 50%...
Mais pour une fois, j'ai réussi à trouver une vidéo intégrale :
Je vous laisse découvrir cela dans les quatre analyses que j'ai faites, Dolls (2002), Sonatine (1993), Violent Cop (1989) et surtout Zatoichi (2003).
2) La Fonderie, de Aki Kaurismäki (Finlande)
Lui aussi, je l'ai reconnu très vite... Déjà parce que la langue - le finlandais - m'est totalement incompréhensible (contrairement au japonais) :
Mais surtout car l'on distingue ses univers familiers, qu'il s'agisse d'une simple usine :
De ses horaires rudement fixés pour tous :
Et bien sûr de cette option nécessaire :
Le tout filmé de sa façon très particulière, en plein silence, mettant juste l'accent sur ce que l'on a pas forcément envie de voir :
Et une fois dans la salle, l'on se retrouve comme par hasard en compagnie de trois ouvriers plus ou moins présentables, en train de grignoter ce qu'ils peuvent, et un film parlant de la libération du capitalisme par le Rock N'Roll :
Je n'ai parlé que d'un seul de ses films mythiques, Leningrad Cowboys Go America (1989), mais j'en ai vu un paquet d'autres, notamment sur ARTE, qu'il s'agisse de La Fille aux allumettes, de la Vie de bohème, de L'Homme sans passé ou de Le Havre. Là encore, les avis sont très mitigés, mais en général, j'aime beaucoup !
3) Le Suicide du dernier Juif du monde dans le dernier cinéma du monde, de David Cronenberg (Canada)
Curieusement, je l'ignorais au début de ce court métrage, ce qui est assez étonnant, étant donné ses origines bien marquées - encore qu'il n'ait jamais traité de ce sujet dans aucun de ses films :
Mais évidemment, je l'ai très rapidement reconnu, puisqu'il jouait en personne le rôle du juif hongrois, filmé en direct par la chaîne MBT dans les toilettes d'un cinéma :
En fait, il ne parle jamais... Mais ses intentions sont dévoilées - ou supposées - par une fille et un garçon, qui se posent toutes les questions du monde :
En fait, ils se demandent si David Cronenberg va vraiment tenter de se suicider, ou bien s'il fait juste cela histoire qu'on parle de lui :
Comme très souvent dans ses propres films, la conclusion est pour le moins ambigüe :
On aime ou on n'aime pas, mais personnellement, j'adore, et j'ai parlé ici pratiquement de tous ses films... Dont je ne vous cite que les meilleurs : Chromosome 3 (1979), Crash (1996), Dead Zone (1983), eXistenZ (1999), Faux Semblants (1988), Le Festin Nu (1991), A History of Violence (2005), The Fly (1986), Les Promesses de l'ombre (2007), Scanners (1981) et Videodrome (1983).
4) Cinéma de boulevard, de Claude Lelouch (France)
Voilà, j'en ai fini avec les cinéastes longuement examinés sur ce site, pour en venir à un français bien connu, dont je n'ai pratiquement jamais aimé les films, sorry... Mais par contre, j'ai souvent adoré ses courts métrages, notamment celui-ci, dont il dit sur Allociné : "Mon amour du cinéma est né d'une histoire d'amour entre mon père et ma mère, qui se sont rencontrés dans un cinéma des grands boulevards" :
Et il poursuit : "Ils regardaient un film de Fred Astaire et Ginger Rogers" (Top Hat, 1935) :
Plus tard, Claude Lelouch se met à voir ses parents en couleur :
En train de regarder un film sur la première guerre mondiale (La Grande Illusion de Jean Renoir, 1937) :
Puis l'on passe à encore autre chose :
Avant de tomber sur cet instant magique, où "30 ans plus tard, je recevais sur Hollywood Boulevard, des mains de Fred Astaire et Ginger Rogers, deux oscars pour un homme et une femme (1966)" :
On les reconnaît tous les deux, plus lui-même à droite de la photo... Et l'on revit instantanément ce passage de Top Hat, comme s'il ne s'était rien passé en 30 ans :
Alors certes, je n'ai jamais été très sensible aux films de Claude Lelouch... Mais par contre, j'ai souvent adoré ses courts métrages, notamment l'un de ses premiers, C'était un rendez-vous (1976), basé sur la traversée de Paris à une allure folle :
Et surtout celui figurant en seconde place dans 11'09"01 (2002), que je vous conseille absolument.
5) A 8944 kilomètres de Cannes, de Walter Salles (Brésil)
Pour bien finir la liste, voici le dernier court métrage qui m'a beaucoup plu - d'autant que honte sur moi, je ne connaissais pas du tout le réalisateur brésilien, particulièrement doué sur ce film, tout en paroles et en musique... Au début, je l'ai brièvement confondu avec Wim Wenders, car cela me rappelait étrangement Buena Vista Social Club (1999) :
Mais bien sûr, j'ai fait erreur... En fait, il était question de deux brésiliens bien allumés (Caju et Castanha) :
Lesquels se croisent, comme par hasard, devant une salle de cinéma rediffusant Les Quatre Cents Coups, le premier film de François Truffaut (1959) :
Sur ce point, il est très dommage que je ne vous ai pas trouvé un court extrait vidéo, parce que c'est impressionnant... Non seulement par leur langage, qui est de plus en plus agressif, mais aussi à cause de la musique, dont le rythme accélère sans cesse :
En tous cas, cela se termine plutôt bien... Avec l'homme de gauche qui renie tout simplement ses premiers propos sur Cannes :
Où il n'a jamais mis les pieds, bien sûr :
En gros, donc, l'un des courts métrages les plus réussis de cette série, ce qui m'a donné envie de mieux connaître Walter Salles, à l'avenir... En attendant, je vous laisse découvrir la seule et unique vidéo que j'ai déniché à ce sujet, qui se borne en fait à résumer une partie des 33 réalisateurs utilisés :
Il y avait autre chose, l'interview de Gilles Jacob, mais cette fois-ci en 2009 :
Un peu décevant, n'est-ce pas ? Pas bien grave, vu que d'une façon générale, le film a beaucoup de mal à se qualifier... Mais je vous ai fait l'exception de ces cinq courts métrages de 3', que j'espère vous trouverez tout aussi satisfaisants que moi - en tous cas, suffisamment pout laisser un très court commentaire !
Pour une fois, je dois le préciser : A Dangerous Method (2011) est le plus mauvais film que je n'ai jamais vu de David Cronenberg, et à part Spider (2002), je crois qu'on aurait beaucoup de mal à le regarder, comparé à ses œuvres précédentes, ou même suivantes, tels que Cosmopolis (2012) ou Maps to the Stars (2014). Pourtant, cet Opus est basé pour une fois sur une histoire absolument authentique, celle du psychanalyste Carl Gustav Jung (1875-1961), et reprend mot pour mot la pièce écrite par Christopher Hampton la même année.
Tout ceci commence à Zürich, en août 1904 dans la clinique Burghölzli, où l'on voit l'hystérique Sabina Spielrein (Keira Knightley) se faire brutalement interner :
Et bien sûr, dès le début, on a face à elle le prometteur médecin psychiatre Carl Jung (Michael Fassbender), grand lecteur de L'Interprétation des rêves de Sigmund Freud, et qui ne la décourage pas du tout :
Pourtant, cela ne se révèle pas bien, notamment avec les allusions de Sabina Spielrein, dont on ne sait pas trop quoi penser :
C'est à ce moment que l'on découvre la femme de Carl Jung, Emma Rauschenbach (Sarah Gadon), qui non seulement lui apporte un réel amour, mais aussi énormément d'argent, ce qui va désormais le placer définitivement à l'abri du moindre besoin :
Sabina Spielrein, pas encore très bien remise de son hystérie, traverse en ce moment différents aspects de sa personnalité, que ceci aille du mal absolu :
Jusqu'à un épisode bien meilleur, avec lequel Carl Jung est parfaitement d'accord :
Ce qui les poussent à devenir plus que professeur et élève, mais véritables amants, Sabina Spielrein se montrant cette fois-ci sous un jour bien plus calme :
Deux ans plus tard, en 1906 à Vienne, Carl Jung rencontre enfin l'homme qu'il admirait le plus de toute son existence, Sigmund Freud (Viggo Mortensen, qui a déjà joué deux fois pour lui, à la fois dans A History of Violence et Les Promesses de l'ombre) :
Si vous voulez tout savoir, il s'agit du moment précis où le film, jusqu'alors à peu près convenable, se glisse vers une sorte de répétition de scènes vaguement semblables, le tout entretenu par une musique vraiment ratée de Howard Shore - ce qui est pourtant rare chez lui, d'habitude.
A ceci s'ajoute le fait que les trois acteurs sont relativement mauvais, Michael Fassbender, Viggo Mortensen (beaucoup moins bon que dans Les Promesses de l'ombre), et surtout Keira Knightley, dont la façon de jouer hystérique au tout début pèse de plus en plus sur l'ambiance générale, que celle-ci soit frustrante :
Ou au contraire plutôt positive :
Heureusement, c'est à ce moment que David Cronenberg casse un peu l'ambiance générale, en faisant se présenter comme futur patient Otto Gross (Vincent Cassel), un docteur déjà très atteint par le côté marginal et toxicomane de sa vie chaotique :
Ceci s'est réellement produit, autour de 1908, et Otto Gross a fini par s'enfuir le plus vite possible, non sans avoir donné à Carl Jung son opinion sur les femmes et la fidélité ;
Hélas, le film revient vite à son concept de base, Sabina Spielrein - cette fois en train de passer son diplôme de médecine - et Carl Jung de plus en plus amoureux d'elle :
Le tout illustré par des fantasmes de plus en plus réalistes, bien que Carl Jung soit toujours très attaché à sa propre femme :
Et qui se livre à ce qu'on pourrait nommer sa dernière réflexion :
Dès lors, nous nous embarquons vers une fin sans cesse alternative, qui passe sans cesse sur les convictions de Sabina Spielrein - qui joue, rappelons-le, d'une façon quasiment répétitive :
Ainsi que par leur voyage, tous ensemble, vers New York :
Cela pourrait à peu près passer, si nous était vraiment expliqué les différentes convictions des trois... Mais ce n'est pas du tout le cas, et si l'on ne connait pas au préalable les profondes divergences entre Sigmund Freud et Carl Jung, impossible de l'apprendre ici :
Emma Jung a beau nous livrer sa propre conviction des faits, cela ne nous apprend pas grand chose de plus - hormis le fait qu'eux deux vécurent toujours ensemble, jusqu'à sa mort en 1955 :
Bref, un film totalement inutile (à mes yeux, en tous cas), doté d'une musique très ennuyeuse, et d'acteurs qui ne jouent pas comme d'habitude d'une façon excellente, mais plutôt en mode répétitif et inchangé que nous sommes peu habitués à voir... Je vous laisse néanmoins le seul trailer que j'ai trouvé, qui vous donnera je crois une bonne idée de la question :
Cela remet-il en cause l'idée que je me fais de David Cronenberg ? Certes non ! Car à part ce film et Spider, je les ai quasiment tous adorés, comme vous en avez la meilleure preuve sur ce site, de Chromosome 3 (1979) jusqu'à Les Promesses de l'ombre (2007)... Sans en oublier une dizaine au passage, mais je compte sur vous pour y laisser des commentaires, bien sûr !