Je ne fais habituellement pas ce type d'article... Mais là, c'est à mes yeux exceptionnel, puisque nous avons affaire au tout premier film à la fois joué et dirigé par Clint Eastwood (1971) - dont le titre français Un frisson dans la nuit en dit déjà beaucoup trop...
A ce sujet, il s'est exprimé de la façon suivante : "Après m'être tapé la tête contre les murs pendant 17 ans, hanté les plateaux, influencé parfois par mes propres idées les angles de prise de vue, vu les acteurs partir dans n'importe quelle direction sans être aidés, et travaillé avec des réalisateurs bons ou mauvais, je suis arrivé au point où je me sens capable de réaliser mes propres films. Je me souviens de toutes les erreurs mais aussi des bonnes choses. J'en sais assez pour contrôler mes propres projets et obtenir ce que je veux des acteurs " :
Le scénario était écrit à la fois par Jo Heims et Dean Riesner, mais il coïncidait en outre totalement à la vie privée de Clint Eastwood, qui fut harcelé quelques années auparavant par une femme plus âgée que lui - tout comme c'est le cas dans ce film.
Il joue le rôle du disc-jockey (Dave Garver) pour la radio KRML, tout bonnement située sur sa ville-fétiche de Carmel-by-the-Sea, un coin de Californie où il réside en réalité et où il a ses propres habitudes :
Il passe dans cette boîte plusieurs morceaux de jazz, notamment à chaque fois le fameux Misty d'Erroll Garner (Misty), sous la demande d'une femme qu'il ne connaît pas encore, mais qu'il ne va pas tarder à rencontrer dans le bar Murphy's.
Reconnaissez-vous au passage le gérant de ce restaurant ?
Il s'agit en fait de Don Siegel, un célèbre réalisateur, connu non seulement pour son mythique Invasion of the Body Snatchers (1956), mais surtout pour le fameux Dirty Harry sorti la même année 1971, et où Clint Eastwood interprétait le rôle principal.
Bref... Il finit par côtoyer Evelyn Draper (Jessica Walter), qui au départ se présente sous un aspect plutôt sympathique - bien que ne cachant pas d'emblée d'évidentes intentions sexuelles :
Il est un peu plus inquiet, lorsqu'il s'aperçoit que celle-ci peut se pointer à n'importe quelle heure sans prévenir... Ce qui le pousse à bien mettre les choses au point :
Pour être franc, il ne pense en fait qu'à une seule chose : se remettre avec son ancienne amie Tobie Williams (Donna Mills)... Mais vu des yeux de celle-ci, cela n'a pas l'air aussi simple, étant donné que Dave Garver l'a fait beaucoup souffrir avec son travail de disc-jockey :
Quoiqu'il en soit, cela donne toujours l'occasion à Clint Eastwood de filmer la belle plage de Carmel-by-the-Sea... Juste avant de connaître sa première dispute avec Evelyn Draper, qui tente de lui emprunter ses clefs de voiture :
Une chose de plus : alors qu'il est vraiment fatigué de son passage sur KRML, elle décide tout de même de se pointer chez lui... Et devant son manque d'ardeur, elle se met tout simplement nue :
Le pire, après avoir réussi à s'endormir avec lui, elle finit par s'en aller... Puis elle le rappelle de façon insistante, de sorte qu'il ne peut réagir autrement qu'en lui disant "Il n'y a rien" :
Résultat ? Elle finit par tenter de suicider :
Tout en y allant très légèrement, ce qui rend le compte-rendu du médecin convoqué sur les lieux plutôt rassurant :
En attendant, sa précédente amie Tobie Williams passe à Dave Garver un coup de fil pour l'inviter, et celui-ci a l'air très enthousiaste :
Sinon qu'avant cela, il doit se rendre à un déjeuner d'affaires avec Madge Brenner (Irene Hervey) - avec laquelle, selon toute apparence, il s'entend très bien :
Sauf qu'il est vite rattrapé par Evelyn Draper, laquelle le soupçonne de draguer une nouvelle femme, et ne se prive pas de les insulter tous les deux - surtout celle qu'elle qualifie de "grande aînée" :
C'est en fait le moment du film où l'on ne voit plus Evelyn Draper comme une simple dragueuse, mais comme une vraie paranoïaque, de plus en plus agressive... Birdie (Clarice Taylor), la femme de ménage de Dave Garver, le sent très bien, en s'apercevant d'une catastrophe dans sa maison - juste avant d'être violemment frappée par Evelyn Draper :
Non seulement les médecins débarquent sur les lieux, mais aussi la police, avec à leur tête le sergent McCallum (John Larch) :
C'est un moment où le film ralentit un tout petit peu... Mais dans une bonne intention, puisque Dave Garver et Tobie Williams sont en train de savourer la nature californienne, en ayant l'impression d'être dans la jungle - tout cela sur l'absolument captivante musique de Roberta Flack, The First Time Ever I Saw Your Face (écoutez-la ici) :
Dans le même registre, on assiste en leur compagnie à un concert public durant quelque temps (celui du Monterey Jazz Festival)... Cela pourra peut-être vous sembler un peu long, mais sûrement pas si vous aimez vraiment le jazz, car les différents instrumentistes sont réellement doués (Cannonball Adderley, Johnny Otis, Joe Zawinul) :
En outre, tout semble sur le point de s'arranger avec Evelyn Draper, puisque celle-ci passe un coup de téléphone d'un aéroport, comme si elle allait visiblement se rendre ailleurs :
Mais en réalité, elle est très proche de chez lui - voire même trop proche, puisqu'elle tente une première fois de l'assassiner :
Heureusement survivant, Dave Garver pense que la priorité reste d'avertir son amie Tobie Williams - qui ne connait pas encore Evelyn Draper, bien que cette dernière ait presque donné la mort à la femme de ménage de Dave Garver, Birdie :
Suite à quoi il l'appelle, pour la prévenir de l'arrivée du sergent McCallum dans un instant - qu'il préfère envoyer sur le terrain, afin de se préparer à tout.
Mais ce n'est hélas pas le cas, puisque McCallum se fait tout simplement tuer avant même d'être parvenu à la maison, tandis que Tobie Williams commence à deviner qui est sa nouvelle femme de chambre :
Bien sûr, on a pu en vouloir à Clint Eastwood de pourvoir son premier film de certaines longueurs ou de pertes de rythme occasionnelles... Mais il faisait aussi preuve d'une grande aisance dans ce double plan sur les yeux des deux victimes potentielles, d'autant plus impressionnant que cela a lieu dans deux endroits différents :
Et rien n'allait en s'améliorant, bien au contraire... Faute d'avoir pu tuer Dave Garver directement, Evelyn Draper s'attaquait au tableau qui le représentait, et fixait la pauvre Tobie Williams sur son lit, la bouche emprisonnée :
Inutile de vous dire comment Evelyn Draper va tout de même finir par y passer... Peut-être Dave Garver l'a-t-il tuée, mais malgré tout, il semble plutôt qu'elle ait perdu son équilibre, et se soit ainsi offerte toute seule la falaise reliant la maison de Tobie Williams à la mer :
Quoiqu'il en soit, il ne reste plus à Dave Garver et Tobie Williams qu'à réaliser enfin leur projet initial... Non sans la dernière allusion à Evelyn Draper, bien sûr grâce à la chanson Misty, qui figure bien mieux dans le titre original :
Alors, qu'en pensez-vous ? Certes, ce n'est qu'un premier film, beaucoup moins maîtrisé que son second, High Plains Drifter (1973), mais nous annonçant déjà les nombreuses capacités de Clint Eastwood en matière de cinéma, tout à la fois tranquille, fluide, et sans efforts visibles - tout en accordant une importance essentielle au rythme global, avec des accélérations et des pauses.
En tous cas, cet Opus qui a bénéficié du budget très court pour l'époque de 725000 dollars en a tiré 5,5 millions, ce qui permettra à Clint Eastwood de s'imposer définitivement comme réalisateur - avec tous les grands succès que vous connaissez sans doute déjà, et que vous pouvez consulter sur la liste suivante, bien assez longue !
Je me doute que tu n'en as pas vu énormément... Mais en tous cas, merci beaucoup pour ton "sacré travail", car il y a peu de réalisateurs que j'ai traité avec autant de soin !
Oui, 1971, ça fait longtemps, c'est sûr... Mais quand tu penses au nombre de films qui ont pu franchir les 53 ans (sachant qu'il était quand même assez timide, comme le sont la plupart des premiers films), il y a de quoi s'épater, n'est-ce pas ?
4 Comments:
Bah dis donc, c’est un sacré travail ça ! Je ne connaissais pas ce parallèle entre sa vie privée et ce film ! Dis à bientôt
Je me doute que tu n'en as pas vu énormément... Mais en tous cas, merci beaucoup pour ton "sacré travail", car il y a peu de réalisateurs que j'ai traité avec autant de soin !
j'ai vu ça il y a longtemps,, bon film, et bon article,
bise d'ici
Oui, 1971, ça fait longtemps, c'est sûr... Mais quand tu penses au nombre de films qui ont pu franchir les 53 ans (sachant qu'il était quand même assez timide, comme le sont la plupart des premiers films), il y a de quoi s'épater, n'est-ce pas ?
Enregistrer un commentaire
<< Home