Il arrive très rarement qu'un bon acteur soit en même temps un plutôt doué réalisateur, et pourtant c'est arrivé ici (de même que pour Clint Eastwood, Mel Gibson ou Takeshi Kitano), lors de ce biopic de Sean Penn particulièrement étonnant (2007), qui nous met en scène la courte vie de Christopher McCandless (1968-1992), livrée sous le titre de Voyage au bout de la solitude par le récit de Jon Krakauer en 1996.
Cette existence, basée sur la traversée de tous les Etats-Unis par de multiples voies, pour se terminer dans le très froid Alaska, est remarquablement interprétée par Emile Hirsch - quasiment un sosie de Leonardo DiCaprio, que d'ailleurs Sean Penn voulait au départ comme principal acteur.
Et bien sûr, ça se termine assez mal dans ce petit bus abandonné, ce que je vous laisse découvrir dans l'excellent trailer (sous-titré !) :
Avant que le film ne débute pour de bon (car son périple est marqué par cinq chapitres), on en revient brièvement vers sa difficile enfance - à chaque fois, le texte est récité par sa sœur, Carine McCandless (Jena Malone, que l'on voit très peu au cours de l'œuvre, mais que l'on entend par contre régulièrement) :
Dans l'université, tout marchait très bien, mais il n'en allait pas de même dans sa famille... Et à l'exception de sa sœur cadette, qui s'entendait très bien avec lui, il pouvait de moins en moins supporter ses parents, entre lesquels régnait le harcèlement psychologique, l'alcoolisme, les non-dits et la violence pure et simple.
On le voit juste en train de révéler certains de ses secrets à sa mère, Billie McCandless (Marcia Gay Harden), avant de partir définitivement pour sa longue randonnée :
1) Ayant donné les 24000 dollars dont il jouissait, il ne lui reste donc que sa vieille voiture - qui lui suffit cependant largement pour partir où il le souhaite :
Hélas pour lui, elle le lâche brusquement en Arizona, et il l'abandonne pour faire - comme tout le monde - de l'auto-stop, allant tout d'abord vers le sud des USA :
Christopher McCandless en profite alors pour faire ce qui était suggéré par le titre de ce chapitre, il décide de se rebaptiser Alexander Supertramp, en juillet 1990 :
Suite à sa rencontre assez inattendue avec un couple de hippies suédois en Californie, il projette finalement d'aller plus loin. Pendant tout ce temps, ses parents - sans aucune nouvelle depuis des mois - ne comprennent toujours rien - notamment son père, Walt McCandless (William Hurt) :
2) Maintenant qu'il possède un nouveau nom, il ne lui reste plus qu'à trouver un travail, quel qu'il soit, afin de combler les 24000 dollars dont il s'est débarrassé :
Ce qu'il fait assez rapidement dans les champs de blé du Dakota, où il s'occupe d'une classique moissonneuse-batteuse, dirigé par le très sympathique Wayne Westerberg (Vince Vaughn) :
A ce moment-là, Christopher semble avoir enfin découvert son but ultime... Ce qui surprend un petit peu Wayne Westerberg, mais sans plus, en fin de compte :
Ses parents, toujours sans nouvelle, recourent cette fois-ci à des moyens bien plus puissants, incluant la police... Mais Christopher s'en tire grâce à Wayne Westberger, qui se livre lui-même afin de le laisser partir vers la porte de sortie :
A ce moment précis, il envisage d'aller encore plus au sud, via le Colorado, en pratiquant le kayak :
Mais il n'envisageait pas du tout à quel point cet instrument était réglementé, de telle sorte qu'il ne lui reste qu'un choix à faire, s'il ne veut pas attendre plusieurs années... Le pratiquer illégalement, ce qu'il va tenter au péril de sa vie, fort heureusement sans véritable gros problème :
C'est le moment où il donne ses véritables motivations, lues par sa petite sœur... Car au bout du compte, l'argent ne représente finalement pas grand chose, en tous cas incomparable avec la puissance de la nature qu'il a de plus en plus hâte de découvrir :
3) Là, on se trouve lancé dans une petite recherche, assez courte, mais cruciale - celle de l'âge adulte :
Car ce que Christopher va tenter, c'est son premier repas avec un élan qu'il a tué lui-même, mais que finalement il ne va pas manger, écœuré par la grandeur de la chose et son incompatibilité avec sa propre humeur... Si quelques personnes souhaitent savoir comment ce plan a pu être tourné, il est bien réaliste, mais dû à un élan retrouvé déjà mort sur une route :
4) Une fois passé ce stade ultime de l'âge adulte, Christopher n'a plus qu'à envisager le dernier stade qu'il ne connaissait pas encore, celui de la famille - tellement cela était dégradé dans sa propre vie :
Il y retrouve un couple qu'il avait déjà connu auparavant, notamment la fameuse hippie Jan Burres (très bien jouée par Catherine Keener, déjà célèbre pour sa participation à Dans la peau de John Malkovich (1999) et Truman Capote (2006) auparavant)... Et il lui dit toujours la même chose, de plus en plus convaincu :
Il la dit aussi au petit ami de cette dernière, Rayney - Brian Dierker, qui très curieusement n'était pas du tout acteur, mais fut choisi par Sean Penn sur les conseils de Emile Hirsch lui-même :
Rayney tient beaucoup à lui présenter une jeune fille nommée Tracy (Kristen Stewart, qui fut déjà connue à douze ans (en 2002), dans Panic Room de David Fincher)... Et selon toute apparence, elle n'a absolument rien contre la vente de livres :
En plus, elle chante vraiment pas mal du tout, vous ne trouvez pas ?
Mais Christopher ne peut s'empêcher de lui demander son âge, qu'elle débute avec les 18 ans souhaités, mais qu'elle remplace en fin de compte par les plus réalistes 16 ans ! Ce qui ne les sépare pas, loin de là, mais la rend tout de même assez triste :
Il finit tout de même par partir, non sans regrets, manquant tout juste de passer à l'eau au passage :
5) Dernier chapitre, peut-être le plus important de tous, où il va d'ailleurs être de nouveau sollicité pour fonder une famille :
Pas du tout de la manière dont il a failli se rendre coupable, la dernière fois, avec Tracy, mais d'une façon complètement inverse, avec la rencontre en Californie d'un très vieil homme, Ron Franz (Hal Holbrook) :
Mais il refuse toujours de se laisser aller à un lien, que Ron Franz, à la suite de la mort de sa femme et de son fils, a l'air pourtant d'exiger sans aucune compensation... Hélas pour lui, Christopher n'est pas du tout attiré par cette relation, et pour se faire pardonner, décide de l'emmener en haut d'une montagne - chose qui s'avère difficile pour l'homme âgé, mais pas impossible :
Meilleure preuve lorsqu'il parvient enfin au sommet :
Après lui avoir fait un adieu impartial, il décide donc d'effectuer la dernière phase de la route la plus longue possible, entre la Californie et l'Alaska, du très chaud au glacial, en résumé... Tout aurait pu bien se passer, du reste, mais c'est oublier à quel point Christopher était incompétent vis à vis de certains faits, notamment les plantes qu'on peut manger, et celles qu'il vaut mieux éviter d'emblée :
Résultat implacable : il meurt quelque temps après avoir avalé du Hedysarum boreale, plante très proche de Hedysarum alpinum, mais beaucoup plus toxique... Il termine ainsi son existence à l'âge de 24 ans en 1992, après une centaine de jours passés dans ce bus abandonné :
Ceci est l'ultime texte gravé de la main même de Christopher McCandless :
Son visage, imaginé par Sean Penn, et joué par Emile Hirsch :
Suivi de son authentique dernière photo, prise par Christopher McCandless lui-même :
Allez, je vous propose un dernier trailer, qui je pense vous donnera une bonne idée de l'Opus :
Un autre film auquel celui-ci m'a fait penser, c'est le fameux Duel de Steven Spielberg, tourné 36 ans plus tôt en 1971 ! Non pas pour son thème, fort différent, mais pour la beauté sublime de chacun de ses plans, que ceux-ci viennent d'un camionneur invisible du début à la fin, ou au contraire de la marche, du stop et du kayak de Christopher McCandless.
Là où Sean Penn s'est révélé très fort, c'est dans sa vision de l'idéal du personnage principal, bien plus complexe qu'on ne le croit tout d'abord, et moins axé sur la divinité que sur la propre puissance de la nature, que l'on peut passer toute une vie à contempler sans aucun complexe.
C'est du moins comme ça que je l'ai vu (et revu), incapable de m'ennuyer durant les presque 2h30 que dure ce film somptueux... J'espère qu'il en ira de même pour vous, et vous souhaite une excellente vision de Into the Wild, une œuvre remarquable de Sean Penn, dont je crois que c'est le seul biopic !
C'est sur,cet article article est très bon. Le film aussi, j'ai vu ça y a pas très longtemps. Très bon film, venant de Sean Penn, rien de surprenant. J'aime beaucoup l'acteur, encore plus l'homme qu'il est. Bise d'ici ou c'est le printemps
Merci beaucoup, de l'article très bon (il faut dire que j'y ai passé beaucoup de temps) ! Certes, ce n'est pas très surprenant, venant de Sean Penn, mais j'ai très récemment vu son film précédent, THE INDIAN RUNNER, et ça m'a semblé bien moins réussi - il faut dire aussi que c'était son premier Opus, en tant que réalisateur... Bises de Paris, où c'est également le printemps (pas comme en Alaska) !
Chah, tu as bien raison : comme tu le dis, le film dure très exactement 148 minutes, donc quasiment 2h30 ! Mais grâce à toi, j'ai modifié les termes en circonstance... La durée d'un film est extrêmement relative : il y a des Opus qui paraissent courts (comme ALI de Michael Mann), alors qu'ils durent plus de deux heures et demie, et l'exact inverse - dont je ne citerai pas d'exemple... Par contre, je crois que la mauvaise entente entre les parents est à l'origine de tout - surtout avec son père... C'est la cause principale de sa longue traversée des USA, de son don de 24000 dollars, et de sa mort finalement stupide !
3 Comments:
C'est sur,cet article article est très bon.
Le film aussi, j'ai vu ça y a pas très longtemps.
Très bon film, venant de Sean Penn, rien de surprenant.
J'aime beaucoup l'acteur, encore plus l'homme qu'il est.
Bise d'ici ou c'est le printemps
Merci beaucoup, de l'article très bon (il faut dire que j'y ai passé beaucoup de temps) ! Certes, ce n'est pas très surprenant, venant de Sean Penn, mais j'ai très récemment vu son film précédent, THE INDIAN RUNNER, et ça m'a semblé bien moins réussi - il faut dire aussi que c'était son premier Opus, en tant que réalisateur... Bises de Paris, où c'est également le printemps (pas comme en Alaska) !
Chah, tu as bien raison : comme tu le dis, le film dure très exactement 148 minutes, donc quasiment 2h30 ! Mais grâce à toi, j'ai modifié les termes en circonstance...
La durée d'un film est extrêmement relative : il y a des Opus qui paraissent courts (comme ALI de Michael Mann), alors qu'ils durent plus de deux heures et demie, et l'exact inverse - dont je ne citerai pas d'exemple...
Par contre, je crois que la mauvaise entente entre les parents est à l'origine de tout - surtout avec son père... C'est la cause principale de sa longue traversée des USA, de son don de 24000 dollars, et de sa mort finalement stupide !
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