VIDEODROME (DAVID CRONENBERG)
Et oui, je le regarde en ce moment précis - même si ce film date déjà de 1983 !
Devant l'inexistence à peu près totale des commentaires, après tout, je fais ce que je veux… Et ce film n'a pas perdu un iota depuis sa première édition, où se concentrent d'un seul coup tout les éléments essentiels à l'œuvre de David Cronenberg ! Malgré sa couverture DVD digne des pires séries B :
Devant l'inexistence à peu près totale des commentaires, après tout, je fais ce que je veux… Et ce film n'a pas perdu un iota depuis sa première édition, où se concentrent d'un seul coup tout les éléments essentiels à l'œuvre de David Cronenberg ! Malgré sa couverture DVD digne des pires séries B :
Mais j'ai quand même le trailer :
Ce sixième long métrage de David Cronenberg, est en réalité un pur chef-d’œuvre, au sens où s’y trouvent déjà présents pratiquement tous ses thèmes de prédilection, qu’il s’agisse de dédoublement (Scanners, Faux Semblants, Mr Butterfly, A History of Violence), de réalité virtuelle (eXistenZ), ou bien sûr de son obsession favorite : la transformation du corps humain à cause de la technologie (La Mouche, eXistenz, Crash, et même Le Festin Nu, d’une certaine façon).
On y voit à nouveau son horreur des transitions inutiles vides de sens, qui trouve sa parfaite contrepartie dans le surinvestissement de la plupart des plans, à commencer par le seul générique :
On y voit à nouveau son horreur des transitions inutiles vides de sens, qui trouve sa parfaite contrepartie dans le surinvestissement de la plupart des plans, à commencer par le seul générique :
Difficile de parler de cet Opus sans faire un gros spoiler, mais je vais tout de même essayer… Tout au moins en en décrivant ses deux scènes réellement fondatrices, à partir desquelles tout le reste se développe.
La première, celle où Max Renn, directeur de Civic TV, une chaîne de télévision marginale essentiellement axée sur le porno (fantastique James Woods, de même que dans Cop), découvre grâce à son ami pirate une terrible émission de Snuff Movies (N.B : films SM non simulés, où les victimes ne sont pas censées être consentantes), qui ne va pas tarder à l’obnubiler complètement :
La première, celle où Max Renn, directeur de Civic TV, une chaîne de télévision marginale essentiellement axée sur le porno (fantastique James Woods, de même que dans Cop), découvre grâce à son ami pirate une terrible émission de Snuff Movies (N.B : films SM non simulés, où les victimes ne sont pas censées être consentantes), qui ne va pas tarder à l’obnubiler complètement :
La seconde, où ce même Max Renn, lors d’un banal plateau TV, va se trouver confronté à deux des protagonistes les plus importants du film, le célèbre professeur et théoricien des médias, Brian O’Blivion (à noter, pour les latinistes, que ce nom n’a bien sûr pas été choisi au hasard, le verbe Obliviscor signifiant "oublier") :
Et la très belle et très sulfureuse Nicki Brand (Deborah Harry, la chanteuse du groupe Blondie, pour ceux qui se souviennent encore de cette époque) :
Si possible encore plus fascinée par le SM que lui, au point que leur première soirée au lit sera pimentée d’un certain nombre de choses qui, certes, n’amuseront pas forcément tout le monde :
Bref ! À partir de ce moment (où Max Renn va finalement découvrir que la fameuse émission de Snuff Movies ne provenait pas de Malaisie, mais tout bêtement de Pittsburgh), il va en fin de compte décider de faire sa propre enquête, pour découvrir ce très étrange endroit, une sorte de resto du cœur pour STF ("Sans Télévision Fixe"), supervisé – comme par hasard – par la propre fille du professeur O’Blivion elle-même :
Là, c’est très exactement le moment précis où le spectateur lambda, qui jusqu’alors n’avait encore trop rien remarqué d’anormal dans la logique et la crédibilité du scénario, commence à se dire : "Mais putain, c’est quoi ce film, avec des VHS qui semblent avoir une sorte de vie autonome ?" :
Des interrogations certes prémonitoires (en 1983, imaginez !)... Même si le film reste très inspiré par les théories de McLuhan, alors très en vogue à l’époque :
Et surtout des télévisions qui vivent, qui parlent, et séduisent en même temps :
Même 25 ans après, cette scène reste toujours cultissime… Incidemment, une influence dont j’ai très rarement entendu parler au sujet de Cronenberg, c’est celle de Salvador Dali, notamment concernant ces bizarres VHS molles et respirantes.
Mais bon. Revenons-en au film, qui commence à devenir de plus en plus barré, au moment où Max Renn réalise que le professeur O’Blivion, qu’il croyait réel, ne consiste en réalité qu’en des milliers de VHS sauvegardées par sa fille – et pose donc la question cruciale, de plus en plus vraie aujourd’hui, surtout avec Internet : qu’est-ce qui est réel, et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Voire mieux : à quel genre de choses sommes-nous prêts à accorder le qualificatif de réel ?
Mais bon. Revenons-en au film, qui commence à devenir de plus en plus barré, au moment où Max Renn réalise que le professeur O’Blivion, qu’il croyait réel, ne consiste en réalité qu’en des milliers de VHS sauvegardées par sa fille – et pose donc la question cruciale, de plus en plus vraie aujourd’hui, surtout avec Internet : qu’est-ce qui est réel, et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Voire mieux : à quel genre de choses sommes-nous prêts à accorder le qualificatif de réel ?
Très difficile de poursuivre sans faire un énorme spoiler. Je me bornerai donc à citer certaines des scènes les plus célèbres du film, à commencer par celle-ci, qui est bien sûr une préfiguration du pistolet en os qui tire des dents humaines que l’on découvrira avec stupeur dans eXistenZ (les deux seuls films, d’ailleurs, dont Cronenberg ait écrit intégralement le scénario, ce qui en explique sans doute les nombreux points communs) :
La télévision de plus en plus vivante, ainsi que les VHS molles et organiques de plus en plus inquiétantes :
Et bien sûr, quelques scènes gore absolument monstrueuses, sans lesquelles un film de Cronenberg ne serait pas vraiment un film de Cronenberg, n’est-ce pas ?
Quoi qu’il en soit, le film se termine sans surprise exactement de la même façon qu’eXistenZ, avec comme toujours le dilemme entre la chair réelle, et celle qu’on suppose irréelle, mais qui peut parfois sembler plus réelle que la vraie :
Voilà… J’arrive enfin au bout de cet article, que malgré tout j’estime tout de même un peu léger, tellement il y aurait de choses à dire au sujet de ce film !
Juste deux faits, en guise de conclusion… Vu sa date de sortie (1983), date à laquelle la moitié au moins des foyers n’avaient pas de télévision, il est proprement incroyable de voir à quel point ce film s'avérait prémonitoire, sinon visionnaire, surtout maintenant que nous connaissons tous des mômes pour qui la télécommande semble désormais faire partie intégrante de leur main, à l’instar du pistolet de Max Renn. Sans même parler de cette phrase du professeur O’Blivion, à une époque où Internet n’existait même pas en tant que concept, et où bien sûr, personne n'aurait pu prévoir cette habitude désormais courante, d'avoir souvent plusieurs "pseudos" différents, dont aucun ne correspond à son véritable nom :
Juste deux faits, en guise de conclusion… Vu sa date de sortie (1983), date à laquelle la moitié au moins des foyers n’avaient pas de télévision, il est proprement incroyable de voir à quel point ce film s'avérait prémonitoire, sinon visionnaire, surtout maintenant que nous connaissons tous des mômes pour qui la télécommande semble désormais faire partie intégrante de leur main, à l’instar du pistolet de Max Renn. Sans même parler de cette phrase du professeur O’Blivion, à une époque où Internet n’existait même pas en tant que concept, et où bien sûr, personne n'aurait pu prévoir cette habitude désormais courante, d'avoir souvent plusieurs "pseudos" différents, dont aucun ne correspond à son véritable nom :
Et pour finir pour de bon : s’il y a une chose que David Cronenberg n’a pas (ou du moins assez peu, nul n’est parfait, n’est-ce pas ?), c’est le sens de l’humour. Mais j’ai beaucoup aimé ce joli petit passage (qui du reste m’a fait bêtement repenser à une phrase de Jacques Villeret dans Le Dîner de Cons : "Pour la grande lucarne, hein, pas pour la petite fenêtre !") :
C’est de l’humour à la Cronenberg, certes : c'est-à-dire que malgré tout, c’est surinvesti au niveau du sens (et l’autre David, Lynch, veux-je dire, est en gros capable de la même chose, notamment lors de la scène totalement déjantée de Mulholland Drive, où le réalisateur inonde tous les bijoux de sa femme d’un énorme pot de peinture rose) !
En tout cas, achetez ou louez ce film de toute urgence... Pour en savoir plus, je ne saurais que trop vous recommander le livre de Serge Grünberg (Éditions des Cahiers du Cinéma), dont j'ai déjà parlé maintes fois en ces pages...
En tout cas, achetez ou louez ce film de toute urgence... Pour en savoir plus, je ne saurais que trop vous recommander le livre de Serge Grünberg (Éditions des Cahiers du Cinéma), dont j'ai déjà parlé maintes fois en ces pages...
Autres films du même réalisateur : Chromosome 3, Scanners, Dead Zone, La Mouche, Faux-semblants, Le Festin nu, Crash, eXistenZ, Spider, A History of Violence, Les Promesses de l'ombre, A Dangerous Method
Libellés : Canada, Cronenberg, Fantastique, Gore, S.F