Au cas où vous ne le sauriez pas encore, ce film s'intitule en français Sailor et Lula, reprenant tout simplement le nom des deux personnages principaux, et sortit en 1990 tout d'abord au festival de Cannes, où il obtint - pour une fois - la Palme d'or.
Bien qu'il s'agisse d'un Opus nettement supérieur à Blue Velvet (1986), il est aujourd'hui à relativiser face à Lost Highway (1997) et à Mulholland Drive (2001), tous les deux nettement plus barrés - alors que Wild at Heart se base finalement sur le thème assez classique de l'amour de deux êtres qui va résister à tout, même à la sauvagerie de leurs proches.
Nous en avons l'image dès le début, avec cette superbe musique - due comme d'habitude à Angelo Badalamenti, d'ores et déjà accompagnée par le feu qui va se révéler très prenant au cours du film :
C'est alors que commence l'histoire, présentant Sailor Ripley (Nicolas Cage) agressé dans une fête par son beau-père sans véritable raison :
Pendant que sa véritable amante Lula Pace Fortune (Laura Dern) se met à paniquer pour de bon, surtout en voyant le résultat catastrophique de ce qui ne semblait être qu'une simple bagarre :
Quelques années plus tard, Sailor sort enfin de prison, et comme c'était à prévoir, il se retrouve attendu par sa chère Lula qui vient le chercher en voiture, lui apportant sa veste chérie :
On découvre alors de manière plus précise la mère de Lula, Marietta Pace Fortune (Diane Ladd, au demeurant une plutôt mauvaise actrice), s'entretenant avec son provisoire amant le détective privé Johnnie Farragut (Harry Dean Stanton) :
A cette occasion, Sailor se remémorise ce qui s'est passé réellement le fameux jour de son arrestation - dont il juge la plus responsable Marietta, qui lui proposait des choses totalement incohérentes dans les toilettes privées de l'hôtel :
Mais il décide de s'en tenir là, et emmène Lula dans une boîte tranquille afin tout d'abord de danser, puis finalement de chanter - pas encore le fameux Love me Tender (de Elvis Presley) dont celle-ci rêve sans arrêt, mais cela s'en rapproche déjà bien :
Puis ils décident de dormir ensemble, ce qui est d'un certain côté plutôt beau, vu le lit qu'ils utilisent et leur position :
Mais se révèle au même moment tragique avec le rêve particulier de Lula, où elle voit son père brûler et mourir du même coup sous ses yeux - ce qui lui est arrivé il y a quelques années :
N'oublions pas à ce propos le genre de symbole typique de David Lynch, où il nous apprend comment faire le lien entre deux choses en apparence incompatibles :
L'on découvre à ce moment la passion la plus nette de Sailor et Lula : partir enfin en voiture vers le Texas, pour être enfin tranquilles et loin de la police... Quel que soit le lieu inconnu où ils se retrouvent :
Changeant complètement de point de vue, David Lynch nous montre alors le véritable criminel Marcello Santos (J. E. Freeman) en train de s'entretenir avec Marietta, au sujet de la mort de Johnnie Farragut, qu'elle souhaite absolument :
Et l'on distingue - brièvement - le grand patron de tout cela, Mr Reindeer (William Morgan Sheppard), qui a déjà tué le père de Lula en mettant feu à sa maison :
Marietta s'avère alors complètement déjantée, elle qui était pourtant d'accord avec l'exécution de son futur mari, et appelle du coup Johnnie Farragut pour le mettre en garde :
C'est le point précis du film où l'on voit enfin les deux romantiques Sailor et Lula se détendre un peu au soleil couchant... Sauf que cela ne dure guère, et qu'il découvrent peu de temps après une jeune fille au bord de la mort (Sherilyn Fenn) :
Bonne raison pour donner l'occasion à trois hommes diminués de prévenir Marietta d'un grave accident, sans lui en livrer plus... C'est alors que Marcello Santos débarque dans l'hôtel, lui confirmant le futur meurtre de Johnnie Farragut, qu'elle a pourtant tenté d'empêcher :
Nous voyons alors Johnnie Farragut se faire tuer brutalement par Juana Durango (Grace Zabriskie) et quelques acolytes, qui ont tous l'air bien satisfaits :
Dernier point de vue du film : Sailor et Lula se rendent à une soirée nocturne bien animée, où ils vont rencontrer entre autres Spool (Jack Nance, bien connu pour avoir été le principal acteur dans Eraserhead)... Mais surtout Bobby Peru (Willem Dafoe), l'espèce de double de Sailor, qui donne à lui tout seul un résumé exagéré de la vie de ce dernier :
Cela se voit tout d'abord dans la relation extrêmement étrange et malsaine qu'il a avec Lula, seule à ce moment de la journée... Apprenant par hasard qu'elle est enceinte (ce que Sailor ne sait pas encore), il lui promet de la laisser tranquille à condition qu'elle lui révèle son intention de baiser, ce qu'elle finit par faire - avec, grande surprise, son départ immédiat :
Second point important : Bobby Peru persuade alors Sailor de participer à un Hold-up facile... Et bien que ce dernier ait du mal à se décider, il finit par accepter, coincé entre les bières et une récompense visiblement très importante, qui va lui permettre d'emmener Lula où elle le souhaite :
Au volant se retrouve - comme par hasard - Perdita Durango (Isabella Rossellini), qui s'entretient rapidement avec le seul policier, rencontré justement devant la banque dévalisée par Bobby Peru et Sailor :
Sauf que ceci ne se passe pas du tout comme prévu... D'une part avec le faux revolver dépourvu de balles que Bobby Peru a confié à Sailor, ce qui semble le mettre dans une belle colère :
Et de l'autre, Bobby Peru qui se fait descendre par l'unique policier présent sur les lieux - assez énergique pour arrêter du même coup Sailor, qui se rend plutôt que de mourir comme son collègue :
Sailor purge donc à nouveau une bonne peine de prison, qui mine de rien va encore durer six années :
Mais rien ne change la volonté de Lula de le revoir, surtout avec leur fils né entretemps - qui se nomme justement Pace -, quelle que soit la volonté de Marcello Santos ou de Marietta, toujours aussi hystérique :
Elle le retrouve à la gare avec son jeune fils, mais apparemment, il préfère renoncer et le dit d'emblée à Lula :
Grossière erreur, car Sailor se retrouve lors de son départ pris dans une attaque inédite menée par une dizaine de personnes, et qu'il finit par sombrer dans le coma...
Mais par un sauvetage purement romantique - très nettement inspiré par la célèbre série Twin Peaks, diffusé la même année sur la TV américaine -, dû à la bonne fée Glinda (Sheryl Lee) :
Du coup, il décide finalement de revoir absolument Lula, et lui chante enfin le fameux Love me Tender d'Elvis Presley - ce qu'il lui promettait dès le début :
Ecoutez-le vous même, vous allez vous rendre compte - pour une fois - que c'est une très belle fin :
Car assez curieusement, la plupart des films de David Lynch se terminent souvent assez mal... En tous cas, cela ne lui a pas servi beaucoup aux Etats-Unis, car malgré son grand succès à la Palme d'or du festival de Cannes, Sailor et Lula parvient à peine à dépasser son budget initial de 9 millions de dollars.
Néanmoins, il marcha beaucoup mieux en France - preuve que l'amour y est bien plus puissant ? -, où il atteint une note moyenne de 4/5, ce qui n'est pas mal du tout. Regardez-le, et éventuellement, dites-moi dans un commentaire ce que vous en pensez, plus de trente ans plus tard !
Savez-vous pourquoi je me mets à parler de ce film (tristement intitulé en français La Leçon de piano), datant exactement de 1993, soit trente ans auparavant ? Il y a au moins deux bonnes raisons à cela, et je vais vous les donner sans plus tarder :
1) Il s'agit du premier film réalisé par une femme à remporter la Palme d'or du Festival de Cannes cette même année, Jane Campion, une artiste de Nouvelle-Zélande fort douée pour parler de son propre pays. Ensuite, il y a hélas assez peu d'évènements de ce type, exception faite de la nomination de Kathryn Bigelow à obtenir le premier prix de la BAFTA en 2010, dont j'ai naturellement déjà parlée dans mon article du 8 mars, Journée internationale des femmes.
2) Par ailleurs, il y a extrêmement peu d'Opus concernant cet instrument - dont j'ai joué presque toute ma vie... Je pourrais certes parler d'Amadeus de Milos Forman (1984), ou de The Pianist de Roman Polanski (2002), mais il ne joue qu'un rôle totalement secondaire dans ces films, alors qu'il est fondamental dans celui de Jane Campion - d'autant que l'actrice principale l'utilise comme moyen de communiquer, étant muette depuis l'âge de six ans.
Ada McGrath (Holly Hunter) est en effet une grande interprète, et on l'entrevoit au tout début venant de son Ecosse natale en 1852. Juste avant de débarquer avec sa petite fille dans l'île de Nouvelle-Zélande, une nommée Flora McGrath (Anna Paquin), où celle-ci lui sert de traductrice de sa langue des signes :
Entièrement vêtue d'habits typiques de l'époque victorienne, elle est au départ prise en charge par la troupe de Maoris - qui, pour l'instant, s'avère plutôt pacifique :
Très peu de temps après, elle va rencontrer en même temps l'énigmatique George Baines (Harvey Keitel), et celui pour lequel elle est venue spécialement en Nouvelle-Zélande, le futur mari qu'elle ne connait pas encore, Alistair Stewart (Sam Neill) :
Mais il va faire aussitôt ce qu'il faut, le mariage, même si cela se passe rapidement et entièrement sous la pluie :
Ce qui provoque, on ne sait trop pourquoi, cet aveu insoupçonné de George Baines à Ada McGrath :
Mais elle, bien que muette, n'est pas sourde du tout, et veut absolument son piano - qui est resté sur la plage, en fonction du peu d'intérêt qu'éprouve Alistair Stewart envers cet instrument :
Bien qu'Ada McGrath l'ignore encore, George Baines est le seul à pouvoir l'aider... Il a très bien senti la désapprobation d'Alistair Stewart envers cet instrument, et tente de lui échanger contre des terres visiblement inutiles, mais dont le colon serait bien avide :
Alistair Stewart a l'air dans un premier temps assez surpris, mais il adopte rapidement cet échange, qui rapporte finalement à tout le monde :
C'est donc le moment pour Ada McGrath et sa petite fille d'aller jouer une dernière fois sur la plage, avant que le piano ne déménage définitivement chez George Baines... N'oublions d'ailleurs pas que toute la musique du film, très généreuse et bien parlante, est due à Michael Nyman, qui nous donna à l'occasion son Concerto pour piano !
Une fois le piano dans la maison du principal intéressé, il n'y a qu'une seule façon de le racheter - et ce n'est certes pas sur le peu d'argent d'Alistair Stewart qu'elle doit compter... En fait, George Baines monte un deal avec elle, consistant à échanger un certain nombre de touches contre ce qu'elle pourra donner d'elle-même, à prendre ou à laisser :
Sa petite fille Flora s'inquiète un peu, dans un premier temps :
Mais visiblement, pour de rien... Comme le fait remarquer à Alistair Stewart sa tante Morag (Kerry Walker), tout se passe provisoirement bien :
George Baines commence donc à appliquer son deal, dans un premier temps plutôt simple et facile à réaliser :
Au bout d'une heure de film, on assiste à une grande fête montée pour la famille dans la maison d'Alistair Stewart... Où se matérialisent pas mal de choses, absolument pas dues au hasard - si l'on sait bien lire au second degré :
Pendant ce temps, George Baines exige de plus en plus d'Ada McGrath... Et si celle-ci fut un peu gênée au départ, elle sait maintenant exactement quoi lui demander, et n'hésite pas à lui donner son prix :
Alors survient un coup de théâtre assez inattendu : n'ayant au bout du compte pas assez d'argent pour acheter le piano, il décide finalement de le rendre à Alistair Stewart, en compagnie des Maoris pour le porter :
Cela provoque chez Ada McGrath une réaction marquée, tout à la fois très violente et portée sur le silence absolu, ce qui gêne beaucoup Alistair Stewart :
Et George Baines le vit très mal lui aussi, bien que pour une toute autre raison :
Le problème, c'est qu'Ada McGrath est finalement assez d'accord avec lui, pouvant de moins en moins supporter ce mari colon Alistair Stewart, qu'elle a depuis longtemps mis de coté :
Hélas, Alistair Stewart passait justement par là, et se livre à l'espionnage de leurs pratiques - qui lui semblent insultantes et totalement dépravées :
Peu de temps après, il tente la même chose dans les bois avec Ada McGrath, mais sans succès... Car fort heureusement, la petite fille Flora intervient au bon moment :
Cela n'empêche pas Alistair Stewart de se montrer extrêmement virulent, allant jusqu'à les séquestrer toutes les deux dans une maison entièrement bouclée... D'où elle est interdite de sortie, jusqu'à ce qu'il lui dise la vérité sur George Baines et son départ :
Et s'interroge du même coup sur cet autre fait, bien plus gênant pour lui, et totalement incompréhensible :
En ce moment, enfermée dans la maison, elle n'a qu'un seul moyen de communiquer avec George Baines en écrivant son amour sur une touche de piano, qu'elle lui fera parvenir en utilisant sa petite fille :
Mais Alistair Stewart s'en aperçoit, par négligence de Flora... Et décide de lui couper un doigt à la hache pour commencer - même s'il doit monter jusqu'à deux, trois ou quatre par la suite :
Ensuite, il a bel et bien l'intention de tuer George Baines avec son fusil... Mais il s'en empêche à la dernière minute, comprenant très bien qu'au final, seule la volonté de Ada McGrath compte réellement :
Il laisse donc George Baines l'emmener avec lui sur un archipel bien plus paisible, ce qu'il fait aussitôt avec l'aide de quelques Maoris... Mais Ada McGrath va bien surprendre tout le monde par sa dernière volonté, celle de jeter le piano en pleine mer depuis la pirogue :
Et plus étonnant encore, elle passe le cordon à ses jambes pour mourir au même endroit... Mais elle sort de l'eau finalement bien décidée à vivre, quoiqu'il arrive :
Finalement, elle a bien raison... Une fois parvenus sur une autre terre dans leur nouvelle maison, George Baines lui refait son doigt, et Ada McGrath apprend à parler (ou se souvient de la parole ?) :
La presque dernière image nous surprend toujours, tellement elle nous montre à quel point Ada McGrath avait raison, et ne se trompait pas du tout vis-à-vis des intentions de George Baines :
Vous voulez voir un petit trailer de cet excellent film ? Je vous en prie :
C'est une œuvre étonnante, n'est-ce pas ? D'une part, bien sûr, car il s'agit de la première Palme d'or du festival de Cannes remis à une femme en 1993, mais d'autre part, parce qu'il y est question - en une époque beaucoup plus réservée - du pouvoir féminin sur les hommes qui passent à ses côtés.
Le rôle de Holly Hunter y est d'ailleurs remarquable, aussi bien en tant que pianiste qu'en tant que grande muette ne se servant que de la langue des signes, et lui valut non seulement le prix d'interprétation féminine dans ce même festival en 1993, mais aussi l'année suivante un prix identique aux Oscars, aux Golden Globes et à la BAFTA.
Sam Neill n'apparaît par contre pas sous son meilleur aspect, surtout comparé à Harvey Keitel, qui emporte tout... Mais quoi qu'il en soit, cela reste avant tout important pour Jane Campion, qui gagna avec ce prix une vision bien plus positive de ses films précédents (surtout An Angel at My Table, assez fantastique), et lui promettant un très bel avenir - notamment avec The Portait of a Lady, avec Nicole Kidman et John Malkovich. Soyez donc très heureux en regardant cet Opus, qui a très peu d'équivalents sur le marché !