Tourné en 2005 par Andrew Niccol (de Nouvelle-Zélande, tout comme Jane Campion), peut-être le meilleur de tous les films qu'il ait jamais produit sur ce sujet, le plus ancien étant Bienvenue à Gattaca (1997), et le plus récent Good Kill (2014). C'est terrible à dire, mais très peu de choses ont été inventées ici, et pratiquement toutes se réfèrent à des actes ayant réellement existés - hormis quelques petits détails, comme c'est courant dans le moindre film !
Le personnage essentiel en est Yuri Orlov (Nicolas Cage) - fortement inspiré par le russe Viktor Bout -, né en Ukraine au cours de la guerre froide, et ayant fui ensuite avec ses parents en Amérique en se faisant passer pour un juif persécuté, habitant à Little Odessa à Brooklin. Dès le début, il nous explique le pourquoi de ses affaires, qui vont se révéler basées sur la vente des armes :
Nous est également montrée la femme célèbre qu'il admire par dessus tout, Ava Fontaine (Bridget Moynahan), une grande vedette de l'habillement - et dont il reste provisoirement à distance, tant qu'il n'a pas assez d'argent pour se rapprocher d'elle :
Et pour finir, son frère cadet, Vitali Orlov - Jared Leto, déjà bien connu pour ses prestations dans Requiem for a Dream (2000), Panic Room et Phone Game (2002)... Comme dans ces trois films, il apparaît comme un être bien perdu, ne sachant pas du tout quoi faire pour se regarder dans la glace - ce qui va l'amener assez vite à un usage important de la cocaïne :
Inutile de vous préciser plus amplement ce par quoi l'Opus commence réellement, n'est-ce pas ? Un véritable Salon de l'Armement, à Berlin en 1983, l'on ne pouvait rêver mieux :
Yuri Orlov y voit son concurrent potentiel Simeon Weisz (Ian Holm) - lequel ne semble pour l'instant pas du tout intéressé par les propositions qu'il lui fait :
Nous voici donc parti dès le début pour une vente d'armes, qui va s'avérer un petit peu plus difficile que prévue... Il va falloir changer le nom du bateau utilisé de "Kristol" à "Kono", mais pas de problème, grâce à l'habileté et la rapidité des Ukrainiens présents :
Intervient alors celui qui le traque à tout prix pour le compte de l'état américain, Jack Valentine (Ethan Hawke, qui avait déjà participé à Bienvenue à Gattaca)... Il croit avoir à chaque fois une bonne raison pour l'interpeler, mais comme très souvent, celle-ci avait été déjà prévue et désarmée par Yuri Orlov :
Petite pause, très bienvenue : le fait qu'il ait désormais assez d'argent pour se lancer à la conquête d'Ava Fontaine... Et surtout qu'il la rencontre "comme par hasard" sur une plage - alors que tout était déjà prévu dans sa tête depuis longtemps :
Aussitôt, il la ramène à New York, et son mariage avec elle se passe plutôt bien - en dépit de l'inquiétude de ses parents :
Intervient alors une discussion avec Simeon Weisz, qui ne le conduit pas bien loin - car aucun ne parvient à se mettre d'accord :
Vient ensuite une nouvelle intervention de Jack Valentine, qui lui reproche tout d'abord sa transformation du nom du bateau de "Kristol" en "Kono", ensuite sa livraison d'hélicoptères soi-disant de combat - mais pas du tout si l'on en croit Yuri Orlov :
Pourtant, peu de temps après, une voiture qui lui était destinée explose subitement, tuant à sa place son allié ukrainien... Ce qui va pour un temps profondément le déstabiliser :
Du coup, Yuri Orlov se tourne vers autre chose, le commerce au Libéria, dont il rencontre tout d'abord le fils du président, André Baptiste Jr. (Sammi Rotibi) - ainsi que les deux prostituées qui vont inévitablement avec :
Ceci n'empêche pas une apparition surprise de Jack Valentine, bien plus musclée cette fois-ci, puisqu'il suit en avion de chasse celui de Yuri Orlov, destiné à livrer un paquet d'armes au Libéria :
Une unique solution : se poser sur une route qui n'a pas l'air d'un aéroport, et distribuer gratuitement toutes les armes qu'il possède à bord... Ce qui lui coûte finalement très cher :
Jack Valentine lui impose une nuit enchaîné à cet endroit, mais apparemment sans grand succès... Yuri Orlov peut ainsi assister, impuissant, au total démontage de son avion, et ensuite se retrouver totalement ruiné face à son adversaire :
Peu après, Yuri Orlov rencontre enfin le véritable président du Libéria, André Baptiste Sr. (Eamonn Walker) - très inspiré par le réel dirigeant du Libéria de 1997 à 2003, Charles Taylor :
Et celui-ci lui propose comme première chose à faire de tirer ensemble sur Simeon Weisz, qu'il a capturé peu de temps avant, et dont il connaît bien le mépris qu'il a pour Yuri Orlov :
Il essaye de lui faire tenir l'arme en même temps que lui... Tout en sachant à l'avance qu'il n'y parviendra que seul, ce qui montre bien la différence d'état d'esprit entre tous les deux :
Au même moment, sa femme Ava Fontaine prend conscience des faits, et du même coup de son véritable statut social... Elle décide, une fois Yuri Orlov rentré à New York, de le suivre discrètement, et de découvrir d'un seul coup toutes ces activités qu'il lui a soigneusement caché durant toute cette période :
Yuri Orlov décide donc d'arrêter complètement la vente d'armes... Mais cette volonté est vite contrée par André Baptiste Sr., qui lui rend visite à New York, en lui amenant de beaux diamants.
Raison de plus pour décider Yuri Orlov à sortir son frère d'un restaurant pour lequel il n'est apparemment pas doué, et à l'entraîner brièvement à une nouvelle affaire plutôt intéressante :
Mais curieusement, une fois sur le terrain, Vitali Orlov ne se comporte pas du tout comme prévu - au grand désespoir de son frère :
Résultat ? Il finit par y passer, ruinant du même coup la moitié des actes prévus, et bien sûr tout l'argent qui va avec :
Yuri Orlov paiera un médecin pour produire un faux certificat de décès, dû à une crise cardiaque, mais cela ne servira à rien... Il sera tout de même arrêté par Jack Valentine, lequel tentera de l'emprisonner pour un bon bout de temps :
Mais bien sûr, Yuri Orlov a ses propres convictions, et n'hésite absolument pas à les partager avec son interlocuteur... Il sera relayé très peu de temps après par Oliver Southern (Donald Sutherland), qui félicitera Jack Valentine, et laissera à Yuri Orlov une vaste somme d'argent - histoire de compenser un petit peu :
Certes, ceci peut passer pour une œuvre, comme d'habitude bien travaillée sur la question du réalisme et de l'opportunité... Mais la dernière image nous montre la vérité telle qu'elle est, avec les cinq pays responsables, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Russie, la France et la Chine - tous membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU :
En fait, il existe assez peu de films portant sur ce sujet - partiellement car la production n'est pas du tout favorisée par les états en question -, et je me bornerai à citer ceux-ci, historiques pour de nombreuses raisons... Tout d'abord, ceux dont j'ai déjà parlé ici : Paths of Glory (Stanley Kubrick, 1957), The Deer Hunter (Michael Cimino, 1978), Apocalypse Now (Francis Ford Coppola, 1979), Rambo (Ted Kotcheff, 1982), Full Metal Jacket (Stanley Kubrick, 1987), Born on the Fourth of July (Oliver Stone, 1989), Flags of Our Fathers (Clint Eastwood, 2006), Letters from Iwo Jima (Clint Eastwood, 2006).
Ensuite, histoire de bien conclure, sur deux films qui me restent encore à examiner, dus à Steven Spielberg : Saving Private Ryan (1998), et surtout Schindler's List (1993), qui est véritablement exceptionnel. J'espère que j'aurai l'occasion de le faire, vu qu'il y a longtemps que je les ai en DVD, et vous souhaite en attendant une bonne vision de Lord of War, avec - qui sait ? - peut-être un commentaire !
Savez-vous pourquoi je me mets à parler de ce film (tristement intitulé en français La Leçon de piano), datant exactement de 1993, soit trente ans auparavant ? Il y a au moins deux bonnes raisons à cela, et je vais vous les donner sans plus tarder :
1) Il s'agit du premier film réalisé par une femme à remporter la Palme d'or du Festival de Cannes cette même année, Jane Campion, une artiste de Nouvelle-Zélande fort douée pour parler de son propre pays. Ensuite, il y a hélas assez peu d'évènements de ce type, exception faite de la nomination de Kathryn Bigelow à obtenir le premier prix de la BAFTA en 2010, dont j'ai naturellement déjà parlée dans mon article du 8 mars, Journée internationale des femmes.
2) Par ailleurs, il y a extrêmement peu d'Opus concernant cet instrument - dont j'ai joué presque toute ma vie... Je pourrais certes parler d'Amadeus de Milos Forman (1984), ou de The Pianist de Roman Polanski (2002), mais il ne joue qu'un rôle totalement secondaire dans ces films, alors qu'il est fondamental dans celui de Jane Campion - d'autant que l'actrice principale l'utilise comme moyen de communiquer, étant muette depuis l'âge de six ans.
Ada McGrath (Holly Hunter) est en effet une grande interprète, et on l'entrevoit au tout début venant de son Ecosse natale en 1852. Juste avant de débarquer avec sa petite fille dans l'île de Nouvelle-Zélande, une nommée Flora McGrath (Anna Paquin), où celle-ci lui sert de traductrice de sa langue des signes :
Entièrement vêtue d'habits typiques de l'époque victorienne, elle est au départ prise en charge par la troupe de Maoris - qui, pour l'instant, s'avère plutôt pacifique :
Très peu de temps après, elle va rencontrer en même temps l'énigmatique George Baines (Harvey Keitel), et celui pour lequel elle est venue spécialement en Nouvelle-Zélande, le futur mari qu'elle ne connait pas encore, Alistair Stewart (Sam Neill) :
Mais il va faire aussitôt ce qu'il faut, le mariage, même si cela se passe rapidement et entièrement sous la pluie :
Ce qui provoque, on ne sait trop pourquoi, cet aveu insoupçonné de George Baines à Ada McGrath :
Mais elle, bien que muette, n'est pas sourde du tout, et veut absolument son piano - qui est resté sur la plage, en fonction du peu d'intérêt qu'éprouve Alistair Stewart envers cet instrument :
Bien qu'Ada McGrath l'ignore encore, George Baines est le seul à pouvoir l'aider... Il a très bien senti la désapprobation d'Alistair Stewart envers cet instrument, et tente de lui échanger contre des terres visiblement inutiles, mais dont le colon serait bien avide :
Alistair Stewart a l'air dans un premier temps assez surpris, mais il adopte rapidement cet échange, qui rapporte finalement à tout le monde :
C'est donc le moment pour Ada McGrath et sa petite fille d'aller jouer une dernière fois sur la plage, avant que le piano ne déménage définitivement chez George Baines... N'oublions d'ailleurs pas que toute la musique du film, très généreuse et bien parlante, est due à Michael Nyman, qui nous donna à l'occasion son Concerto pour piano !
Une fois le piano dans la maison du principal intéressé, il n'y a qu'une seule façon de le racheter - et ce n'est certes pas sur le peu d'argent d'Alistair Stewart qu'elle doit compter... En fait, George Baines monte un deal avec elle, consistant à échanger un certain nombre de touches contre ce qu'elle pourra donner d'elle-même, à prendre ou à laisser :
Sa petite fille Flora s'inquiète un peu, dans un premier temps :
Mais visiblement, pour de rien... Comme le fait remarquer à Alistair Stewart sa tante Morag (Kerry Walker), tout se passe provisoirement bien :
George Baines commence donc à appliquer son deal, dans un premier temps plutôt simple et facile à réaliser :
Au bout d'une heure de film, on assiste à une grande fête montée pour la famille dans la maison d'Alistair Stewart... Où se matérialisent pas mal de choses, absolument pas dues au hasard - si l'on sait bien lire au second degré :
Pendant ce temps, George Baines exige de plus en plus d'Ada McGrath... Et si celle-ci fut un peu gênée au départ, elle sait maintenant exactement quoi lui demander, et n'hésite pas à lui donner son prix :
Alors survient un coup de théâtre assez inattendu : n'ayant au bout du compte pas assez d'argent pour acheter le piano, il décide finalement de le rendre à Alistair Stewart, en compagnie des Maoris pour le porter :
Cela provoque chez Ada McGrath une réaction marquée, tout à la fois très violente et portée sur le silence absolu, ce qui gêne beaucoup Alistair Stewart :
Et George Baines le vit très mal lui aussi, bien que pour une toute autre raison :
Le problème, c'est qu'Ada McGrath est finalement assez d'accord avec lui, pouvant de moins en moins supporter ce mari colon Alistair Stewart, qu'elle a depuis longtemps mis de coté :
Hélas, Alistair Stewart passait justement par là, et se livre à l'espionnage de leurs pratiques - qui lui semblent insultantes et totalement dépravées :
Peu de temps après, il tente la même chose dans les bois avec Ada McGrath, mais sans succès... Car fort heureusement, la petite fille Flora intervient au bon moment :
Cela n'empêche pas Alistair Stewart de se montrer extrêmement virulent, allant jusqu'à les séquestrer toutes les deux dans une maison entièrement bouclée... D'où elle est interdite de sortie, jusqu'à ce qu'il lui dise la vérité sur George Baines et son départ :
Et s'interroge du même coup sur cet autre fait, bien plus gênant pour lui, et totalement incompréhensible :
En ce moment, enfermée dans la maison, elle n'a qu'un seul moyen de communiquer avec George Baines en écrivant son amour sur une touche de piano, qu'elle lui fera parvenir en utilisant sa petite fille :
Mais Alistair Stewart s'en aperçoit, par négligence de Flora... Et décide de lui couper un doigt à la hache pour commencer - même s'il doit monter jusqu'à deux, trois ou quatre par la suite :
Ensuite, il a bel et bien l'intention de tuer George Baines avec son fusil... Mais il s'en empêche à la dernière minute, comprenant très bien qu'au final, seule la volonté de Ada McGrath compte réellement :
Il laisse donc George Baines l'emmener avec lui sur un archipel bien plus paisible, ce qu'il fait aussitôt avec l'aide de quelques Maoris... Mais Ada McGrath va bien surprendre tout le monde par sa dernière volonté, celle de jeter le piano en pleine mer depuis la pirogue :
Et plus étonnant encore, elle passe le cordon à ses jambes pour mourir au même endroit... Mais elle sort de l'eau finalement bien décidée à vivre, quoiqu'il arrive :
Finalement, elle a bien raison... Une fois parvenus sur une autre terre dans leur nouvelle maison, George Baines lui refait son doigt, et Ada McGrath apprend à parler (ou se souvient de la parole ?) :
La presque dernière image nous surprend toujours, tellement elle nous montre à quel point Ada McGrath avait raison, et ne se trompait pas du tout vis-à-vis des intentions de George Baines :
Vous voulez voir un petit trailer de cet excellent film ? Je vous en prie :
C'est une œuvre étonnante, n'est-ce pas ? D'une part, bien sûr, car il s'agit de la première Palme d'or du festival de Cannes remis à une femme en 1993, mais d'autre part, parce qu'il y est question - en une époque beaucoup plus réservée - du pouvoir féminin sur les hommes qui passent à ses côtés.
Le rôle de Holly Hunter y est d'ailleurs remarquable, aussi bien en tant que pianiste qu'en tant que grande muette ne se servant que de la langue des signes, et lui valut non seulement le prix d'interprétation féminine dans ce même festival en 1993, mais aussi l'année suivante un prix identique aux Oscars, aux Golden Globes et à la BAFTA.
Sam Neill n'apparaît par contre pas sous son meilleur aspect, surtout comparé à Harvey Keitel, qui emporte tout... Mais quoi qu'il en soit, cela reste avant tout important pour Jane Campion, qui gagna avec ce prix une vision bien plus positive de ses films précédents (surtout An Angel at My Table, assez fantastique), et lui promettant un très bel avenir - notamment avec The Portait of a Lady, avec Nicole Kidman et John Malkovich. Soyez donc très heureux en regardant cet Opus, qui a très peu d'équivalents sur le marché !