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  • lundi, décembre 01, 2025

    AMADEUS (MILOS FORMAN)

    (10/08/2024)

    Comme vous le savez sûrement, il s'agit là d'un immense film de 1984 dû à Milos Forman - déjà fort connu grâce à Vol au-dessus d'un nid de coucou (1975)... Comme la plupart des biopics, cette œuvre s'inspire directement d'une pièce de théâtre de Peter Shaffer (1979), elle-même portée au départ par une courte tragédie d'Alexandre Pouchkine, Mozart et Salieri (1830).

    Ce thème, complètement faux, vient d'une légende de l'époque romantique : la jalousie puis l'empoisonnement de Wolfgang Amadeus Mozart par Antonio Salieri... Mais il a énormément plu à Milos Forman, qui confia à Peter Shaffer l'intégralité du scénario, et a réussi à en tirer l'essentiel sur un angle certes un peu anachronique, mais pas du tout irréel.

    Hormis l'opposition entre les deux musiciens, presque toute l'actualité de la vie de Mozart est totalement exacte, et à part quelques erreurs assez peu importantes - et inhérentes à tout biopic -, l'on se retrouve comme par magie en Autriche à la fin du XVIIIème siècle, et cet Opus de presque trois heures se regarde toujours avec un grand plaisir ! 

    Evidemment, l'on se retrouve dès le départ en présence d'Antonio Salieri (1750-1825) - joué par F. Murray Abraham -, qui est vu tout à la fin de sa vie en 1823 en train de rater sa tentative de suicide, et se trouve envoyé dans un hôpital psychiatrique. Là, il est invité par le père Vogler (Richard Frank) à se livrer à une vaste confession - que j'éviterai de retranscrire, mais qui se poursuivra jusqu'à la fin du film :

    Cela bascule aussitôt sur la propre vie de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), un enfant très doué, qui jouait de n'importe quel instrument, et composa ses premières œuvres à l'âge de six ans !
    Joseph II (Jeffrey Jones) était alors empereur d'Autriche - pour être exact, empereur du Saint-Empire romain germanique -, et s'il avait jusqu'alors Salieri comme compositeur de cour et directeur de l'opéra italien depuis 1774, il se tourna très vite vers ce nouvel arrivant :
    Mozart (Tom Hulce) rencontra quelque temps plus tard, en 1777, sa future femme, Constance Weber (Elizabeth Berridge), qui n'était autre que la cousine germaine du compositeur célèbre Carl Maria von Weber (1786-1826)... Mais une fois en 1782, il devient officiellement un très grand musicien de Joseph II, auquel il devra livrer sans plus tarder l'opéra toujours connu aujourd'hui, L'Enlèvement au sérail, pour la première fois entièrement écrit en allemand :
    Aucun des artistes interprétant les rôles n'était à l'époque bien connu, et ceci était très volontaire de la part de Milos Forman. Lequel se livra, après l'audition de 1400 figurants, à une sélection farouche des intéressés principaux, notamment Salieri, Mozart, sa femme, Joseph II, et son ami Shikaneder...
    Ceci se voit instantanément avec Caterina Cavalieri (Christine Ebersole), qui non seulement est la grande chanteuse de L'Enlèvement au sérail et l'amante de Salieri, mais tombe sous les yeux de Joseph II - et bien sûr de tout le public - comme la future épouse de Mozart :

    Heureusement, Joseph II s'aperçoit au dernier moment de la fausseté de cette opinion, et malgré le visage fort déçu de Catarina Cavalieri, il s'empresse de féliciter Mozart pour son union :

    Le mariage de Mozart avec Constance Weber aura lieu à Vienne en 1782, qui devra donner naissance non pas un unique enfant - c'est l'une des rares erreurs de ce film -, mais bel et bien à six :
    Peu de temps après, celle-ci se rend chez Salieri afin de faire adopter sa candidature grâce à un nouvel opéra de son mari :
    Il est stupéfié de la perfection de l'écriture... Mais s'empresse dans le même temps de voir la femme de Mozart le soir-même, dans un but inavouable, ce qu'elle refuse de faire :
    Du coup, l'opinion de Salieri sur le compositeur change radicalement, surtout vis-à-vis de Joseph II... Certes, il respecte Mozart, mais il ne peut s'empêcher de décrire son manque d'éducation, sa façon de rire plutôt curieuse, son jeu invétéré au billard, son alcoolisme, et du coup sa spontanéité fort dérangeante dans le milieu de la cour :
    Pour ne rien arranger, l'apparition de son père Leopold Mozart (Roy Dotrice) autour des années 1785 complique les choses, tant celui-ci est attaché à son métier d'éducateur de musique à la cour de Salzbourg :
    Mozart essaye de l'empêcher de mettre la main dans la propreté de l'appartement, refuse d'aller à Salzbourg avec lui, et tente même d'amuser un peu ce père trop sérieux par son interprétation étonnante au piano... Mais visiblement, cela n'obtient aucun succès :
    Une mystérieuse femme de ménage Lorl (Cynthia Nixon) se présente alors à toute la famille, sans qu'elle soit autorisée à dire qui la paye pour cela... Et bien qu'il soit évident pour tous les spectateurs qu'il s'agisse de Salieri, Leopold Mozart refuse d'emblée sans même le savoir, juste pour le principe :
    Heureusement, Mozart présente enfin son nouvel opéra Le Nozze di Figaro (1786) à Joseph II... Lequel ne sait trop que faire au départ, car cette œuvre de Lorenzo da Ponte était basée sur la pièce française de Beaumarchais, dont il avait interdit toute représentation à Vienne :
    Mais très enthousiasmé par Mozart, il finit non seulement par lever cette interdiction... Mais surtout par remettre en liste le ballet du troisième acte (fandango), qui était jusqu'alors toléré - absolument sans orchestre - par le comte Rosenberg :
    Inutile de dire que Joseph II est enchanté de cette répartition, qui évite le caractère ridicule de cette danse privée de musique :
    Hélas, un an plus tard (1787), Constance Mozart annonce à son mari la terrible nouvelle de la disparition de son père Leopold :
    Du coup, celui-ci écrit dans le même temps un autre opéra, Don Giovanni - toujours basé sur le texte de Lorenzo da Ponte, mais nettement plus sombre que Le Nozze di Figaro, juste créé l'année précédente :
    C'est aussi le moment précis où le film bascule vers sa version la plus tragique, qui hélas correspond bien à la réalité... Lorsque Mozart reçoit la visite d'un mystérieux inconnu, qui lui commande un Requiem en 1791, sans lui laisser beaucoup de temps :
    D'une façon très curieuse, son ami Emanuel Schikaneder (Simon Callow) - directeur depuis 1790 du Freihaustheater et franc-maçon - lui demande de composer la même année un autre opéra beaucoup plus déjanté que les précédents, et dont il va écrire lui-même tout le scénario très original :
    Ceci va non seulement déplaire à Salieri, mais aussi à la propre mère de la femme de Mozart, qui ne va pas hésiter à le critiquer dans les moindres détails :
    Mais il parvient à jouer avec un grand succès son ultime opéra, Die Zauberflöte (La Flûte enchantée) - le plus célèbre d'entre tous, notamment grâce à cet air sublime - et très délicat - confié à la soprano, celui de la Reine de la Nuit à l'acte II :
    D'où il ressort malheureusement très affaibli, ne pouvant guère tenir au-delà de deux représentations :
    Il ne lui restait plus alors qu'à écrire son Requiem - commandé anonymement par le comte Franz de Walsegg... C'est là qu'on rentre dans l'aspect complètement mythologique du film voulu par Milos Forman, où l'on voit Mozart de plus en plus malade se faire aider par Salieri - ce qui est totalement inventé, mais cadre très bien avec l'aspect général de la lutte profonde entre deux classes de la société :
    Sa femme rentre alors de Salzburg, où elle était brièvement partie faire une cure... Hélas, avant même qu'elle ait pu faire part à Salieri de tout ce qu'elle pense, elle assiste désespérée à la mort de son mari :
    Comme on le sait, il fut enterré dans une fosse commune - ce qui tenait tout d'abord aux pauvres (car Mozart n'était pas riche du tout), mais surtout à une loi mise en place par Joseph II, afin que les Viennois évitent de ramener des maladies des cimetières ;
    Vous pourrez voir la scène entière ici, accompagnée par son Requiem :
    Et le film se conclut avec les dernières phrases de Salieri, qu'il prononça en 1823 après sa tentative de suicide, et son intégration dans le grand hôpital de Vienne, en chaise roulante et dans un état sénile :

    Que dire de plus ? Certes, on peut commencer par le seul aspect négatif du film, celui de se dérouler du début jusqu'à la fin sur une pure opposition entre Mozart et Salieri - totalement inventée, bien sûr ! Mais cette vision des choses, qui date d'Alexandre Pouchkine au début du XIXème siècle, a énormément aidé Peter Shaffer et Milos Forman à donner une juste idée de la musique à cette époque, basée non seulement sur les dons personnels, mais aussi sur la place sociale que l'on occupe, pour des raisons qui ont fort peu de rapports avec ceux-ci...

    Si j'en viens maintenant aux grandes qualités de cet Opus, outre le fait qu'il ait quasiment triplé le budget initial de 18 millions de dollars, je ne saurais trop quoi dire : ses acteurs, fort peu connus, sont tous géniaux, la musique est évidemment superbe, le cadre - situé à Prague plutôt qu'à Vienne - apparait magnifique, et il en va de même pour les nombreux costumes et maquillages...

    Amadeus mérite grandement les huit Oscars du cinéma obtenus en 1985, les cinq propositions offertes par Golden Globes, et j'espère qu'il vous plaira énormément, quarante ans plus tard !

    Il me faut en outre absolument mentionner Valmont, un film réalisé cinq ans plus tard par Milos Forman, basé sur la nouvelle - publiée en 1782 - de Pierre Choderlos de Laclos, les Liaisons dangereuses. C'est sans doute un peu moins intéressant que la vie de Mozart, étant donné que très lié aux pratiques libertines de l'époque, mais c'est orchestré avec une perfection absolue par Milos Forman, non seulement sur le plan des acteurs (notamment Colin Firth et Annette Bening), mais à tous les niveaux concernant la mise en scène, la musique, les costumes, etc... Je vous le recommande absolument !

    Autres biopics (avec entre parenthèses la date du film, et le nom de la personne traitée) : Patton (1970, George Patton), Barry Lyndon (1975, Barry Lyndon), Raging Bull (1980, Jake LaMotta), Elephant Man (1980, John Merrick), Bird (1988, Charlie Parker), Ed Wood (1994, Ed Wood), Braveheart (1995, William Wallace), A Straight Story (1999, Alvin Straight), The Insider (1999, Jeffrey Wigand), Ali (2002, Cassius Clay), Frida (2002, Frida Kahlo), Girl with a Pearl Earring (2003, Johannes Vermeer), Marie-Antoinette (2006, Marie-Antoinette), The Last King of Scotland (2006, Idi Amin Dada), La Môme (2007, Edith Piaf), Into the Wild (2007, Christopher McCandless), Zodiac (2007, Arthur Leigh Allen & Robert Graysmith), Invictus (2009, Nelson Mandela), J. Edgar (2011, J. Edgar Hoover), Silence (2017, jésuites portugais)

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    mercredi, novembre 20, 2024

    HUGO CABRET (MARTIN SCORSESE)

    Je dois dire que ce film de 2011, soit deux ans avant The Wolf of Wall Street, est tout simplement exceptionnel, et apparaît comme l'une de ses œuvres les plus positives et les plus optimistes... Il y a une bonne raison à cela: après la naissance de sa fille Francesca en 1999, Martin Scorsese voulait absolument réaliser un Opus qu'elle puisse voir sans problème, et il eut la très bonne idée de se baser sur le roman illustré pour enfants L'Invention de Hugo Cabret, de Brian Selznick.

    En outre, ce livre s'inspire de la vie de Georges Méliès (1861-1938), l'un des grands créateurs du cinéma avec les frères Lumière - tous trois français, ais-je besoin de le préciser ? -, et ce fut une grande inspiration pour Martin Scorsese, qui déclara sans hésiter :

    "En tant que cinéaste, j'ai le sentiment que l'on doit tout à Georges Méliès. Et quand je revois ses premiers films, je suis ému, ils m'inspirent, parce que cent ans après leur création, ils font toujours naître ce frisson lié à l'innovation et à la découverte. Méliès a inventé et exploré la plus grande partie des techniques que nous utilisons aujourd'hui. Les films fantastiques et les films de science-fiction descendent de Méliès. Tout était déjà dans le travail de ce précurseur".

    Aucune raison de se faire du souci, donc, et profitons-en pour rendre ce tournage aussi agréable que possible - avec le grand maître sur la gauche, bien sûr :

    Cela commence avec le personnage principal, Hugo Cabret, qui après un début chaotique avec son père puis son oncle, se met à vivre tout seul dans la gare Montparnasse, entretenant et réparant l'horloge :

    Il est à noter que l'acteur - Asa Butterfield - n'avait que 13 ans à l'époque, et que malgré ses débuts dans le cinéma, il était véritablement excellent. Et je dois avouer que ses yeux me semblent incroyables, dignes de ceux tout aussi fascinants de Jodie Foster :

    Au départ, le seul ennemi auquel il doit se confronter est l'inspecteur de la gare Gustave (Sacha Baron Cohen) et son doberman Maximilien, ce qui n'est pas spécialement facile :
    Vivant en grande partie de petits vols, Hugo se trouve vite confronté au principal vendeur de la gare, un certain "Papi Georges" (Ben Kingsley) - qui en fait se révèle être le véritable Georges Méliès, ce que nous ne découvrirons que bien plus tard dans le film :
    Ils se vouent dès le début une antipathie acharnée, mais sans que l'on sache vraiment pourquoi, cela se calme avec le découverte de l'un des premiers films de Louis Lumière, L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat - daté de 1895, et effrayant tous les spectateurs, bien au-delà de ce l'on pouvait imaginer :
    Durant tout ce temps, Hugo se rend à la bibliothèque, où il finit par rencontrer la filleule de Papi Georges, Isabelle, une jeune fille avec laquelle il s'entend très bien - ce qui est finalement assez normal, puisque son interprète, Chloë Grace Moretz, avait exactement le même âge que lui, soit 13 ans :
    Son grand projet reste de réparer un automate créé par son père, et ils vont finalement y parvenir... Sans que l'on sache vraiment comment ni pourquoi, l'automate se met à dessiner la lune détruite par une bombe - une œuvre que Hugo connait très bien, et qui est le tout premier film de science-fiction, dû à Georges Méliès en 1902 :
    Il se revoit pour un temps avec son père horloger (Jude Law), en train de tenter une réparation de l'automate - sans bien avoir ce qui se passe en réalité :
    Mais il le découvre subitement avec Isabelle et René Tabard (Michael Stuhlbarg), un expert cinématographique vénérant Georges Méliès, leur projetant son fameux film Le Voyage dans la Lune, hélas convaincu comme tout le monde que leur auteur était mort au cours de la Première Guerre mondiale :
    Fort heureusement, ce n'est pas vrai du du tout, et Hugo tout comme Isabelle commence à se douter de la véritable identité de Papi Georges :
    C'est le moment précis où Hugo se trouve livré à un cauchemar terrible d'un train arrivant gare Montparnasse - une scène magistralement filmée par Martin Scorsese, qui a nécessité une locomotive de 4,5 mètres de long, quatre mois de travail pour un plan d'à peine deux minutes, et décrit en réalité le réel accident du 22 octobre 1895 ! 
    Vous avez vu ? L'image du film est pratiquement la même que la photographie réaliste qui a été prise à l'époque, ce qui est tout simplement incroyable !
    L'on pourrait dire que l'histoire est presque terminée... Mais il reste encore à Hugo de découvrir qui est Georges Méliès, autrement dit le fameux Papi Georges. Au départ, ce dernier apparaît assez consterné que l'enfant ait percé tous ses secrets, mais il finit par s'y habituer, et lui raconte peu à peu toute son histoire - autrement dit, celle de son atelier et des nombreux films qui y ont vu le jour :
    Dernier drame : la surveillance de Gustave reprend de plus belle, contraignant Hugo à fuir dans l'escalier de la fameuse horloge, jusqu'à se retrouver lui-même pendu à ses aiguilles... Mais heureusement, Georges Méliès est là, et contrairement à son attitude originelle, il parvient à faire libérer Hugo de la traque de ce dernier - qui au final s'avère plutôt content :
    Merveilleux, n'est-ce pas ? Il ne fallait que cela pour redonner à Georges Méliès sa confiance en lui, et lui offrir en guise de remerciement toute une soirée consacrée à lui-même et à son œuvre, ce qui est la moindre des choses :
    On y voit bien sûr certains de ses films les plus connus, allant de ses origines et des nombreuses actrices (dont sa femme) jusqu'à ses remises en couleur - ce qui fut évidemment le cas pour Le Voyage dans la Lune :
    Mais laissons le très souriant Martin Scorsese nous donner - en partie - un certain nombre d'explications à cet Opus, reliant tout à la fois les films fantastiques, les effets spéciaux, le jeu des acteurs, tout ceci étant en grande partie dû à la création et au testament de Georges Méliès :
    Je dois donc comme d'habitude rendre hommage à Martin Scorsese, qui une fois de plus nous donne un film inoubliable, honorant l'un des créateurs du cinéma, et d'une façon bien différente de ce qu'il avait l'habitude de faire - sauf peut-être dans After Hours de 1985, un Opus complètement surréaliste !
    Il me faut aussi remercier Allociné, grâce à qui j'ai pu emprunter la plupart de ces photos, car hélas je ne possède pas ce film en DVD, et je n'ai pu le voir qu'avec la bonne volonté d'ARTE, qui l'a programmé en octobre 2024. En tous cas, je souhaite beaucoup que vous le regardiez de vos propres yeux, et que vous y laissiez un petit commentaire, ne serait-ce qu'en guise de respect à Georges Méliès !
    Autres films du même réalisateur : Taxi DriverRaging BullAfter HoursCape FearBringing Out the DeadAviatorSilence

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