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  • mercredi, mai 01, 2024

    PLAY MISTY FOR ME (CLINT EASTWOOD)

    Je ne fais habituellement pas ce type d'article... Mais là, c'est à mes yeux exceptionnel, puisque nous avons affaire au tout premier film à la fois joué et dirigé par Clint Eastwood (1971) - dont le titre français Un frisson dans la nuit en dit déjà beaucoup trop...

    A ce sujet, il s'est exprimé de la façon suivante : "Après m'être tapé la tête contre les murs pendant 17 ans, hanté les plateaux, influencé parfois par mes propres idées les angles de prise de vue, vu les acteurs partir dans n'importe quelle direction sans être aidés, et travaillé avec des réalisateurs bons ou mauvais, je suis arrivé au point où je me sens capable de réaliser mes propres films. Je me souviens de toutes les erreurs mais aussi des bonnes choses. J'en sais assez pour contrôler mes propres projets et obtenir ce que je veux des acteurs " :

    Le scénario était écrit à la fois par Jo Heims et Dean Riesner, mais il coïncidait en outre totalement à la vie privée de Clint Eastwood, qui fut harcelé quelques années auparavant par une femme plus âgée que lui - tout comme c'est le cas dans ce film.
    Il joue le rôle du disc-jockey  (Dave Garver) pour la radio KRML, tout bonnement située sur sa ville-fétiche de Carmel-by-the-Sea, un coin de Californie où il réside en réalité et où il a ses propres habitudes :
    Il passe dans cette boîte plusieurs morceaux de jazz, notamment à chaque fois le fameux Misty d'Erroll Garner (Misty), sous la demande d'une femme qu'il ne connaît pas encore, mais qu'il ne va pas tarder à rencontrer dans le bar Murphy's.
    Reconnaissez-vous au passage le gérant de ce restaurant ?
    Il s'agit en fait de Don Siegel, un célèbre réalisateur, connu non seulement pour son mythique Invasion of the Body Snatchers (1956), mais surtout pour le fameux Dirty Harry sorti la même année 1971, et où Clint Eastwood interprétait le rôle principal.
    Bref... Il finit par côtoyer Evelyn Draper (Jessica Walter), qui au départ se présente sous un aspect plutôt sympathique - bien que ne cachant pas d'emblée d'évidentes intentions sexuelles :
    Il est un peu plus inquiet, lorsqu'il s'aperçoit que celle-ci peut se pointer à n'importe quelle heure sans prévenir... Ce qui le pousse à bien mettre les choses au point :
    Pour être franc, il ne pense en fait qu'à une seule chose : se remettre avec son ancienne amie Tobie Williams (Donna Mills)... Mais vu des yeux de celle-ci, cela n'a pas l'air aussi simple, étant donné que Dave Garver l'a fait beaucoup souffrir avec son travail de disc-jockey :
    Quoiqu'il en soit, cela donne toujours l'occasion à Clint Eastwood de filmer la belle plage de Carmel-by-the-Sea... Juste avant de connaître sa première dispute avec Evelyn Draper, qui tente de lui emprunter ses clefs de voiture :
    Une chose de plus : alors qu'il est vraiment fatigué de son passage sur KRML, elle décide tout de même de se pointer chez lui... Et devant son manque d'ardeur, elle se met tout simplement nue :
    Le pire, après avoir réussi à s'endormir avec lui, elle finit par s'en aller... Puis elle le rappelle de façon insistante, de sorte qu'il ne peut réagir autrement qu'en lui disant "Il n'y a rien" :
    Résultat ? Elle finit par tenter de suicider :
    Tout en y allant très légèrement, ce qui rend le compte-rendu du médecin convoqué sur les lieux plutôt rassurant :
    En attendant, sa précédente amie Tobie Williams passe à Dave Garver un coup de fil pour l'inviter, et celui-ci a l'air très enthousiaste :
    Sinon qu'avant cela, il doit se rendre à un déjeuner d'affaires avec Madge Brenner (Irene Hervey) - avec laquelle, selon toute apparence, il s'entend très bien :
    Sauf qu'il est vite rattrapé par Evelyn Draper, laquelle le soupçonne de draguer une nouvelle femme, et ne se prive pas de les insulter tous les deux - surtout celle qu'elle qualifie de "grande aînée" :
    C'est en fait le moment du film où l'on ne voit plus Evelyn Draper comme une simple dragueuse, mais comme une vraie paranoïaque, de plus en plus agressive... Birdie (Clarice Taylor), la femme de ménage de Dave Garver, le sent très bien, en s'apercevant d'une catastrophe dans sa maison - juste avant d'être violemment frappée par Evelyn Draper :
    Non seulement les médecins débarquent sur les lieux, mais aussi la police, avec à leur tête le sergent McCallum (John Larch) :
    C'est un moment où le film ralentit un tout petit peu... Mais dans une bonne intention, puisque Dave Garver et Tobie Williams sont en train de savourer la nature californienne, en ayant l'impression d'être dans la jungle - tout cela sur l'absolument captivante musique de Roberta Flack, The First Time Ever I Saw Your Face (écoutez-la ici) :
    Dans le même registre, on assiste en leur compagnie à un concert public durant quelque temps (celui du Monterey Jazz Festival)... Cela pourra peut-être vous sembler un peu long, mais sûrement pas si vous aimez vraiment le jazz, car les différents instrumentistes sont réellement doués (Cannonball Adderley, Johnny Otis, Joe Zawinul) :
    En outre, tout semble sur le point de s'arranger avec Evelyn Draper, puisque celle-ci passe un coup de téléphone d'un aéroport, comme si elle allait visiblement se rendre ailleurs :
    Mais en réalité, elle est très proche de chez lui - voire même trop proche, puisqu'elle tente une première fois de l'assassiner :
    Heureusement survivant, Dave Garver pense que la priorité reste d'avertir son amie Tobie Williams - qui ne connait pas encore Evelyn Draper, bien que cette dernière ait presque donné la mort à la femme de ménage de Dave Garver, Birdie :
    Suite à quoi il l'appelle, pour la prévenir de l'arrivée du sergent McCallum dans un instant - qu'il préfère envoyer sur le terrain, afin de se préparer à tout.
    Mais ce n'est hélas pas le cas, puisque McCallum se fait tout simplement tuer avant même d'être parvenu à la maison, tandis que Tobie Williams commence à deviner qui est sa nouvelle femme de chambre :
    Bien sûr, on a pu en vouloir à Clint Eastwood de pourvoir son premier film de certaines longueurs ou de pertes de rythme occasionnelles... Mais il faisait aussi preuve d'une grande aisance dans ce double plan sur les yeux des deux victimes potentielles, d'autant plus impressionnant que cela a lieu dans deux endroits différents :
    Et rien n'allait en s'améliorant, bien au contraire... Faute d'avoir pu tuer Dave Garver directement, Evelyn Draper s'attaquait au tableau qui le représentait, et fixait la pauvre Tobie Williams sur son lit, la bouche emprisonnée :
    Inutile de vous dire comment Evelyn Draper va tout de même finir par y passer... Peut-être Dave Garver l'a-t-il tuée, mais malgré tout, il semble plutôt qu'elle ait perdu son équilibre, et se soit ainsi offerte toute seule la falaise reliant la maison de Tobie Williams à la mer :
    Quoiqu'il en soit, il ne reste plus à Dave Garver et Tobie Williams qu'à réaliser enfin leur projet initial... Non sans la dernière allusion à Evelyn Draper, bien sûr grâce à la chanson Misty, qui figure bien mieux dans le titre original :

    Alors, qu'en pensez-vous ? Certes, ce n'est qu'un premier film, beaucoup moins maîtrisé que son second, High Plains Drifter (1973), mais nous annonçant déjà les nombreuses capacités de Clint Eastwood en matière de cinéma, tout à la fois tranquille, fluide, et sans efforts visibles - tout en accordant une importance essentielle au rythme global, avec des accélérations et des pauses.

    En tous cas, cet Opus qui a bénéficié du budget très court pour l'époque de 725000 dollars en a tiré 5,5 millions, ce qui permettra à Clint Eastwood de s'imposer définitivement comme réalisateur - avec tous les grands succès que vous connaissez sans doute déjà, et que vous pouvez consulter sur la liste suivante, bien assez longue !

    Autres films du même réalisateur : High Plains DrifterThe Eiger Sanction, The Outlaw Josey WalesThe Gauntlet, Bronco Billy, FirefoxHonkytonk ManSudden ImpactPale RiderBirdWhite Hunter, Black HeartThe Rookie, UnforgivenA Perfect WorldThe Bridges of Madison CountyAbsolute PowerMidnight in the Garden of Good and EvilSpace CowboysBlood WorkMystic RiverMillion Dollar BabyFlags of Our FathersLetters from Iwo JimaGran TorinoHereafter, InvictusJ. Edgar

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    dimanche, mars 10, 2024

    ERASERHEAD (DAVID LYNCH)

    Et oui, il s'agit du tout premier film de David Lynch, que nous connaissons bien mieux aujourd'hui qu'à l'époque de sa sortie (1977), où il eut à souffrir de beaucoup de problèmes insolubles... Tout d'abord, son budget ridicule de 10000 dollars, ce qui a engagé son tournage sur six ans, à partir de 1971. Ensuite, sa situation dans Philadelphie, ville particulièrement industrielle et dangereuse, où toute l'action s'est déroulée. Et pour terminer, le nombre important de discussions ayant eu lieu durant toute cette période, concernant le surréalisme du film, son scénario jugé par moment totalement incohérent, et dont vous trouverez une bien meilleure explication - comme d'habitude - sur Wikipédia !

    N'oubliez pas, au passage, que Eraserhead fait partie des dix meilleurs films d'horreur réalisés dans le monde aux yeux de Stanley Kubrick, qui le recommanda à toute son équipe avant la réalisation de Shining (1980) - l'un de ses nombreux chefs-d'œuvre.

    Cette histoire commence avec Henry Spencer (Jack Nance, un acteur fétiche de David Lynch), que l'on découvre marchant sans arrêt dans Philadelphie, juste afin de parvenir à l'appartement de sa future femme - qu'il n'a pas vue depuis longtemps :

    Lorsqu'il retrouve enfin Mary (Charlotte Stewart), il a l'air apaisé par sa réaction plutôt positive, et entre sans problème dans la pièce :
    Mais il y rencontre aussi la mère de Mary (Jeanne Bates) et son père Bill (Allen Joseph)... Henry Spencer ne s'en aperçoit pas tout de suite, mais Bill a l'air totalement déconnecté de la situation tendue qui règne autour de la table :
    Phénomène qui va bien sûr s'aggraver au cours du repas, où le poulet se met à bouger tout seul, sans que cela n'ait l'air de gêner personne :
    Le film commence alors à entrer dans sa phase surréaliste, qui se développe encore davantage lorsque la mère de Mary pose à Henry Spencer une question fondamentale sur le sexe... Et elle parle tout de suite de leur enfant prématuré et hideusement déformé, ce qu'il ne savait pas encore :
    Mais il est obligé de s'en occuper, et quelle que soit sa réaction, le bébé n'arrête pas de hurler dans tous les sens - ce qui dans un premier temps motive énormément Mary :
    Bien que je ne sois pas censé en parler, il faut savoir que David Lynch a connu en 1968 une expérience assez proche : être à l'âge de 22 ans le père d'une jeune fille ayant une forme sévère de pied bot, ce qui la contraignit à un traitement chirurgical assez lourd....
    Evidemment, ceci n'est pas lié directement au personnage de Henry Spencer, mais il existe tout de même une certaine similitude entre les deux, ce qui lui donnera - selon Greg Olson - "une vision bipolaire de l'Amérique, entre Paradis et Enfer", qui servira de base à tous ses films à venir :
    Cependant, à force de s'occuper en permanence de leur enfant, Mary en a subitement marre, et décide de s'en aller - sans oublier de bien dire à Henry Spencer ce dont il doit se charger durant tout ce temps :
    Dans un premier temps, Henry Spencer s'occupe plutôt bien de son enfant... Mais le fait de se retrouver seul face à lui, qui est de plus en plus malade, le déroute complètement :
    Résultat ? Il se dirige rapidement vers le radiateur, où il découvre soudain Lady in the Radiator - aux joues hypertrophiées comme la fameuse Betty Boop -, qui chante et danse sur l'étrange musique pour orgue de Fats Waller :
    Ou bien ne serait-ce pas un rêve ? Car Mary est de nouveau là, semblant même n'avoir guère bougé de l'appartement :
    Et surtout la belle voisine (Judith Roberts) en route, avec qui Henry Spencer aura une relation sexuelle évidente - même s'il n'a rien d'autre à faire pour cela qu'approuver ses intentions :
    Lady in the Radiator revient alors, et interprète cette fois-ci Beautiful Girl Across the Hall ("La jolie fille de l'autre côté du couloir")... Au début toute seule, et puis - fait assez révélateur - Henry Spencer vient se joindre à elle :
    Sauf que ça ne se passe pas du tout comme la première fois, et que sa tête est immédiatement coupée, puis projetée sur le carrelage du sol... A la place, nous retrouvons celle du bébé, qui prend place comme si de rien n'était dans son costume :
    La tête est rapidement emmenée par un jeune garçon à un réceptionniste, qui la transmet à son tour à l'ingénieur d'une usine de crayon - se servant du cerveau pour constituer une gomme efficace (d'où le titre Eraserhead, qui signifie "tête effaceuse")... Il faut noter que ce thème était au départ l'un des plus importants du film, jusqu'à ce qu'il soit remis à sa dimension réelle, bien moins vitale :
    D'ailleurs, Henry Spencer se réveille d'un seul coup entier, comme si il avait rêvé tout cela... Mais il voit aussitôt derrière sa porte la belle voisine avec un autre homme, et retombe dans son cauchemar habituel - où il n'est plus lui-même, juste un cerveau entièrement consacré au bébé, comme si celui-ci avait pris sa place :
    Il prend alors la seule décision qu'il lui reste encore, et va mettre fin à la vie du bébé avec une simple paire de ciseaux... Ceci donne lieu à des images assez torrides, qu'il vaut mieux éviter si l'on est pas habitué à ce genre d'effets spéciaux - gardés encore secrets aujourd'hui, pour dire à quel point David Lynch était en avance sur son temps :
    Reste un type d'image assez impressionnant, celui des lampes rondes et de l'électricité qui se met à mal marcher - qui se retrouvera de la même façon bien des années plus tard, à la fois dans Lost Highway (1997) et Mulholland Drive (2001) :
    Et Henry Spencer retourne - sans bébé - vers le radiateur, où il retrouve enfin celle qu'il apprécie depuis le début, avec qui il disparaît sans aucun remord :

    Si vous n'avez pas encore vu ce film, j'en ai retrouvé un petit trailer, qui raconte en 1'40" l'essentiel de cette histoire inversée - qui de toute façon ne dure que 89 minutes :

    Je ne vois plus grand chose à décrire ici - à part les surprenantes contradictions qu'à vécu David Lynch durant toute cette période, et que je vous ai déjà invité à voir sur Wikipédia. Tout ce qui est important, c'est qu'il soit devenu dès son second film (Elephant Man, 1980) un réalisateur exceptionnel - dont j'espère que vous pourrez découvrir sans plus tarder les œuvres qu'il a tourné par la suite !

    Autres films du même réalisateur : Elephant Man, Blue VelvetWild at HeartTwin Peaks : Fire Walk whit MeLost HighwayThe Straight StoryMulholland Drive

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