VANILLA SKY (CAMERON CROWE)
Vous ne connaissez pas Cameron Crowe ? C'est assez normal, car il a fait assez peu de très bons films, dont bien sûr l'exception en est ce plutôt étonnant Vanilla Sky, daté de 2001. Il faut dire que l'œuvre originale d'où il vient fut écrite en 1997 par Alejandro Amenabar, Abre los ojos, et ne signifie rien d'autre que "Ouvre les yeux", la première phrase entendue par David Aames (Tom Cruise) :
Ouvrir les yeux, est-ce bien normal, au cœur de New York ? S'il y avait du monde, oui, sans doute... Mais quand il n'y a personne, c'est nettement plus inquiétant :
Vous vous en rendrez bien compte, sur cette vidéo très courte de une minute :
Raison de plus pour se réveiller la tête à l'envers :
Dès le début du film, l'on se demande en fait ce qui est normal, qu'il s'agisse de sa relation semblant bien se passer avec Julie Gianni (Cameron Diaz), ou encore de sa vision des sept patrons - surnommés les Sept Nains - de la boîte d'édition qu'il fait marcher à son compte - étant un riche de chez les riches, si l'on peut dire :
Car surgit immédiatement cette personne, le Dr Curtis McCabe (Kurt Russell), qui lui tient des propos pour le moins étonnant - en plus dans une pièce visiblement une prison :
Et ce n'est pas en repensant à son père, le véritable créateur de la boîte, que David Aames va pouvoir sortir de là :
Bien sûr, il pense tout d'abord à l'un de ses plus fidèles associés, Tommy (Timothy Spall), qui ne l'a jamais laissé tomber :
Mais surtout à la véritable femme qu'il aime, Sofia Serrano (Penélope Cruz, qui était la seule à tenir le même rôle dans le film de Alejandro Amenabar) :
L'amour n'a rien à voir avec Julie Gianni, mais bel et bien avec elle, pour qui il serait capable de faire n'importe quoi :
Dans le film, cela coïncide avec son anniversaire de 33 ans, auquel il a invité plein d'amis, mais surtout pas Julie Gianni, qu'il veut définitivement tenir loin de lui... Mauvaise idée, car celle-ci se rend tout de même à la grande fête, et insiste tout particulièrement sur le fait qu'il la raccompagne personnellement en voiture :
Il ne sait pas encore pourquoi, mais il ne va pas tarder à le découvrir... Avec ce suicide flagrant de Julie, David Aames reste en effet sous le choc plus longtemps que prévu :
Au point qu'il en éprouve le besoin d'en parler avec Sofia Serrano, qu'il n'a peut-être jamais autant aimé :
C'est probablement le moment où cela apparaît le plus net dans le film, dernier point où la relation entre David et Sofia est ainsi montrée :
Juste après, David Aames porte un masque fort gênant, qu'il ne peut cependant s'empêcher de porter, étant donné son coma qui a été assez important :
Comme d'habitude, son ami Tommy est toujours là, pour lui éviter les coups bas ou les tentatives des Sept Nains de prendre le contrôle :
Mais l'attitude de David Aames n'est pas du tout la même, non seulement à cause de son masque, mais aussi suite à ses différentes façons de réagir à ce suicide :
C'est là que l'on commence à saisir que, peut-être, David Aames n'est pas vraiment David Aames, mais serait comme ce chien artificiel, vivant dans un nouveau monde, grâce à Life Extension :
Grosso modo, c'est aussi déroutant pour nous que pour lui... Et il faut reconnaître que Tom Cruise joue ce personnage particulièrement bien, à mi-chemin entre les pieds sur terre et la grande folie, ce qui va très bien avec sa presque dernière rencontre avec Sofia Serrano :
D'autant plus que ladite Sofia se transforme quasi-instantanément en Julie Gianni, et lui-même dans sa version antérieure au drame, avec son visage normal :
Déjà, cela ne passe pas très bien aux yeux de Tommy, qui lui parle comme s'il dormait :
Mais surtout, cela tourne au drame avec son seul et unique ami, Brian Shelby (Jason Lee), qui ne comprend pas du tout ce que David Aames avance :
C'est là qu'apparaît Edmund Ventura (Noah Taylor), le chargé de Life Extension, qui pour sa part sait très bien ce qu'il a à faire :
Mais plus ça va, plus cela semble totalement incohérent à David Aames, qui a autant de mal que nous - les simples spectateurs - à reconstituer le cours des choses :
Meilleure preuve avec l'attitude du Dr Curtis McCabe, qui lui aussi semble avoir un grand mal à comprendre l'histoire :
Et pourtant, ce n'est pas les arguments qui manquent à Edmund Ventura, lui décrivant point par point les procédés utilisés, lui faisant même revivre une scène en total silence - alors qu'il la croyait bien réelle :
Nous en avons juste une dernière qui manque encore à ce processus, la fameuse Rebecca Dearborn (Tilda Swinton), qui finit par expliquer en toute logique ce qui va se produire :
Résultat ? L'on est bien mieux face aux images, pour comprendre ce qui se passe dans la tête de David Aames :
Il est là seulement avec deux personnes, Edmund Ventura et le Dr Curtis McCabe, mais ce dernier a l'air tout aussi perdu que lui - et a fortiori, que nous, bien sûr :
Va-t-il pouvoir revivre ce qu'il lui est arrivé ? Aura-t-il cette fois l'occasion d'en déterminer les limites ? Ou est-il déjà dans Life Extension, sans même le savoir ?
En tous cas, il préfère visiblement se réveiller dans le monde réel, et n'a pour cela qu'une seule chose à faire, sauter de l'immeuble en question :
Ce que pouvez découvrir dans cette définitive vidéo de 3' :
Laquelle se termine tout comme le film a débuté, sans que nous le sachions encore : la phrase "Open your eyes" ("Ouvre les yeux"), poussée par Sofia Serrano... Alors, allons-nous regarder cette œuvre plusieurs fois, dans l'espoir de mieux la comprendre la seconde ou troisième fois ?
En tous cas, elle m'a beaucoup plu. Que ce soit en vertu du jeu des acteurs - particulièrement Tom Cruise, qui est ici véritablement exceptionnel -, de la façon très belle dont elle est tournée, de son scénario fort bien construit, ou même de sa durée excédant les deux heures... Vanilla Sky est un film réellement bien réel, dont les "faux thèmes" qui en sont à la base exaltent en réalité des thèmes bien plus puissants, que nous pouvons à chaque instant découvrir dans une vie, quelle qu'elle soit !