FRIDA (JULIE TAYMOR)
Histoire de se détendre un peu après deux films parlant de la seconde guerre mondiale, il est temps de se consacrer à une cinéaste qui a réalisé en 2002 son chef-d'œuvre en prenant comme personnage principale une peintre mexicaine assez célèbre, Frida Kahlo (1907-1954) :
Julie Taymor a d'ailleurs connu grâce à ce film une certaine célébrité, que méritent très peu de films ayant des sujets similaires… Je veux entre autres parler de Van Gogh (Pialat), ou de William Turner (Leigh), très rares artistes à donner l'occasion à des cinématographes de leur rendre hommage (et là, je ne parle même pas des musiciens classiques, situation quasiment désespérée, exception faite du fabuleux Amadeus de Milos Forman) !
Comment débuter cet Opus ? Et bien, tout simplement, par la fin de cette peintre, qui fut assez mouvementée, pour le moins que l'on puisse dire :
Comment débuter cet Opus ? Et bien, tout simplement, par la fin de cette peintre, qui fut assez mouvementée, pour le moins que l'on puisse dire :
Mais cela dure juste le temps qu'il faut… Pour se retrouver confronté avec son histoire vue en détails, tout d'abord avec son enfance assez heureuse à Mexico :
Puis avec le terrible accident de bus et de tramway, subi à l'âge de 18 ans, et qui fit d'elle l'une des rares rescapées de ce drame :
C'est peut-être l'occasion de constater que, de temps à autre, Julie Taymor réagit avec pas mal de sincérité dans ses images de synthèse rajoutées :
Et une grande beauté dans la description de la réalité telle qu'elle fût en réalité :
Toujours est-il que l'on se retrouve alors confronté à la même question que se posait Frida Kahlo : comment occuper tout ce temps contrainte au lit, si ce n'est par de la peinture ?
Trois ans plus tard, finalement debout, elle rencontre enfin un peintre qu'elle admire beaucoup depuis longtemps, Diego Rivera (joué ici par Alfred Molina) :
Et lui-même se voit impressionné, non seulement par le talent et toute l'énergie qui se dégage de cette jeune fille :
Mais aussi par tout autre chose, malgré une vingtaine d'années d'écart, et de fait, c'est bien compréhensible, vu la grande beauté et le style puissant de l'actrice fondamentale de ce film, Salma Hayek :
Comme on ne le sait peut-être pas, Frida Kahlo reste assez hantée, depuis son trop long séjour dans l'hôpital, par des autoportraits assez étranges :
Mais ceci ne l'empêchera pas d'épouser Diego Rivera en 1929, à peine quatre ans après son accident :
Et cela n'empêchera pas non plus la réalisatrice de jouer avec ses multiples images, dues comme ci-dessus, à Frida Kahlo, ou comme ci-dessous, à Alfred Molina et Salma Hayek :
Moralité : tout peut se révéler tout à la fois très positif comme très négatif, dans l'alliance entre deux peintres proches l'un de l'autre, mais aussi séparés par l'âge, la conception de la vie, et les différences assez nettes dans leur vision du couple… C'est ce qui va se manifester très peu de temps après dans le dégoût de Frida pour l'Amérique, grande responsable de l'emploi de Diego Rivera à San Francisco :
Ceci est très bien rendu par Julie Taymor, qui utilise presque du noir et blanc… Et ne se prive pas de mentionner, assez rapidement, la bisexualité de Frida, qui était en quelque sorte sa seule possibilité d'échapper aux très nombreuses tromperies de son mari :
Malgré tout, ils s'aimaient quand même énormément… C'est entre autres pour cette raison que Diego Rivera accepta de quitter les Etats-Unis, et s'installa à San Ãngel dans une maison fort étrange, conçue par un autre peintre, Juan O'Morgan (et utilisée vraiment dans le film) :
"Car on est deux personnes différentes, mais l'amour nous réunit"... C'est, en quelque sorte, le résumé de la situation vécue par Frida, qui suite à son séjour aux Etats-Unis et à deux fausses couches, se remet tout doucement à peindre, enfin rentrée chez elle :
C'est alors avec un tout autre problème qu'elle va se trouver confrontée, autour de 1937... L'accueil de Léon Troski et de sa femme Natalia, qui à force d'être condamnés à l'exil, finissent par se retrouver à Mexico :
Tel est le début d'un incroyable casse-tête… Où l'on retrouve d'un côté Diego Rivera coucher avec la propre sœur de Frida, Cristina, et de l'autre, la principale concernée sortir depuis un certain temps avec Léon Trotski :
Comme on le dit souvent, c'était relativement insoluble, comme problème :
A moins, bien sûr, de se résoudre aux extrêmes en 1938, soit à peine dix ans après le mariage :
Bonne raison de donner enfin sa liberté à Frida Kahlo, qui se rend toute seule à Paris en 1939 pour participer à une exposition de toiles mexicaines… Mais c'était une totale surprise, comme elle l'écrit elle-même : "Ils ont tellement de foutus intellectuels pourris que je ne peux plus les supporter. J'aimerais mieux m'asseoir par terre dans le marché de Toluca pour vendre des tortillas que d'avoir quoi que ce soit à voir avec ces connards artistiques de Paris" :
Voilà, c'est dit (merci de la part d'André Breton, qui était le principal responsable de cette venue dans la capitale)… En 1940, elle se rend de nouveau à San Francisco pour tenter de se soigner le dos, et d'une nouvelle mycose à la main droite :
Et là, à peine deux années après leur divorce, grande surprise de la part de Diego Rivera :
Alors elle accepte… Mais son état de santé se dégrade de jour en jour, et des douleurs au pied droit et au dos l'empêchent tout bonnement de marcher, voire même entraînant en 1940 six opérations, dont la dernière est particulièrement grave :
Il n'empêche… En 1953, juste avant son opération définitive de la jambe droite suite à une gangrène, Frida Kahlo trouve le moyen de contourner l'interdiction absolue de son médecin de se lever, et de participer à sa première exposition au Mexique :
Elle en paraît relativement heureuse, mais il y a bien des façons de masquer la réalité… C'est elle-même qui le dit : "J'ai toujours envie de me suicider. Seul Diego m'en empêche, car je m'imagine que je pourrais lui manquer. Mais jamais de toute ma vie je n'ai souffert davantage"... Ceci est parfaitement résumé par Julie Taymor, qui en tant que dernières images la montre regardant ses œuvres d'un air désabusé :
Traçant ainsi ses derniers mots :
Et évoluant vers sa mort en juillet 1954, tout juste à quarante-sept ans, en précisant bien qu'après avoir passé autant de temps couchée ou à l'hôpital, elle souhaitait être incinérée :
Voilà, avec une quarantaine de photographies, le principal de sa vie, fort bien résumée par Julie Taymor, qui a véritablement réalisé un très bon film, avec un budget raisonnable de 12 millions de dollars… Je parle non seulement de la grande qualité de chaque image, relativement exceptionnelle, mais aussi des deux acteurs principaux, Salma Hayek et Alfred Molina (Frida et Diego), et aussi - une fois n'est pas coutume - de la musique exceptionnelle de Elliot Goldenthal, qui surpassait ici ses compétences déjà bien audibles dans le trop génial Heat, ou encore Final Fantasy…
Vous allez, bien sûr, me poser la question : est-ce que ça valait vraiment le coup de tourner un film entier sur Frida Kahlo ? J'éviterai d'y répondre, bien sûr… Mais hormis quelques œuvres consacrées soit à Van Gogh, soit à Rembrandt, soit à Turner, il nous manque toujours des films axés autour de Leonardo da Vinci, ou de Salvador Dali, pour le plus moderne… Et fort heureusement, je ne parle pas de musique, où à part le fameux film de Milos Forman consacré à Mozart, il nous en reste un grand nombre à tourner, au hasard sur Bach, Brahms, ou encore Schönberg !
Vous allez, bien sûr, me poser la question : est-ce que ça valait vraiment le coup de tourner un film entier sur Frida Kahlo ? J'éviterai d'y répondre, bien sûr… Mais hormis quelques œuvres consacrées soit à Van Gogh, soit à Rembrandt, soit à Turner, il nous manque toujours des films axés autour de Leonardo da Vinci, ou de Salvador Dali, pour le plus moderne… Et fort heureusement, je ne parle pas de musique, où à part le fameux film de Milos Forman consacré à Mozart, il nous en reste un grand nombre à tourner, au hasard sur Bach, Brahms, ou encore Schönberg !
Autres biopics (avec entre parenthèses la date du film, et le nom de la personne traitée) : Patton (1970, George Patton), Barry Lyndon (1975, Barry Lyndon), Raging Bull (1980, Jake LaMotta), Elephant Man (1980, John Merrick), Amadeus (1984, Wolfgang Amadeus Mozart), Bird (1988, Charlie Parker), Ed Wood (1994, Ed Wood), Braveheart (1995, William Wallace), A Straight Story (1999, Alvin Straight), The Insider (1999, Jeffrey Wigand), Ali (2002, Cassius Clay), Girl with a Pearl Earring (2003, Johannes Vermeer), Marie-Antoinette (2006, Marie-Antoinette), The Last King of Scotland (2006, Idi Amin Dada), La Môme (2007, Edith Piaf), Into the Wild (2007, Christopher McCandless), Zodiac (2007, Arthur Leigh Allen & Robert Graysmith), Invictus (2009, Nelson Mandela), J. Edgar (2011, J. Egar Hoover), Silence (2017, jésuites portugais)
Libellés : Biographie, Biopic, Documentaire, Mexique, Peinture, Taymor
10 Comments:
drole de vie que celle Frida !!!
N'est-ce pas ? En tous cas, cela a donné lieu à cet excellent film, et ce n'est pas rien, comparé avec le peu d'œuvres qui existent en rapport avec les peintres...
Ah oui, tu avais raison, j'ai beaucoup aimé cette histoire. En plus il y avait Léon et Natalia...
Les images de ce corps blessé et meurtri à l'hôpital sont belles.
Merci
Oui, c'est bien dit… C'est vrai que ces images sont en général fort belles, ce qui n'est pas si courant que cela, en fin de compte !
Merci pour ce très bel article! J'ai beaucoup apprécié ce film moi aussi : quelle vie! J'ai été scotchée par sa motivation à séduire Riviera, par sa résignation à différents points de vue, son amour du Mexique, sa liaison avec Trotski, sa mort. J'aime bien ses toiles, elles secouent!
Et Salma Hayek m'a paru bien dans le rôle.
Merci de ta part ! Tu as raison, c'est un très beau film… Moi, j'ai peut-être un défaut : je ne raffole pas de ses toiles… Mais effectivement, c'est une vie assez géniale, et comme tu le dis, très bien interprétée par Salma Hayek !
J'ai dévoré tout ce que vous écrivez sur cet excellent film et je suis éblouie par votre culture cinématographique et votre mémoire au sujet des noms et des lieux...et de tant et tant de choses que vous connaissez si bien . C'est du bonheur de vous entendre raconter et encore raconter Bravo. Bravo et je mâche mes mots😏
Ma culture cinématographique et ma mémoire des mots, il ne faut pas les exagérer, tout de même... Il est vrai que presque toujours, je ne parle que de films que je possède en DVD, et que pour ma mémoire des lieux et des personnages, il y a heureusement Wikipédia ! Néanmoins, un grand merci pour votre "bravo", et j'espère bien continuer encore un certain temps...
Bon sang Vincent ! je n'avais pas vu ce chapitre sur Frida dont je suis tombé amoureux en voyant ses oeuvres, en lisant sa biographie et en voyant l'exposition qui lui a été consacrée le mois dernier au Palais Galliéra.
Tes blogs sont toujours passionnants, normal on te sent passionné !
Merci, pour les compliments sur le blog ! Moi aussi, j'aime beaucoup Frida, et Salma Hayek qui tient son rôle est vraiment extra... L'inconvénient de l'AVC, c'est qu'il m'empêche désormais de me rendre, par exemple, à l'exposition du Palais Galliera... Mais cela me laisse toujours apte à regarder un film remarquablement fait, ce qui est bien le cas ici !
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