Réalisé en 1992, il s'agit d'une préquelle à la série télévisée sortie deux ans plus tôt, Twin Peaks, juste après le film Sailor et Lula (1990). Nombreux ont été ceux à voir la première saison, beaucoup moins à regarder la seconde, mais au fond, cela n'a que peu d'importance... Car même si les personnages sont, en partie, les mêmes, il s'agit cette fois de persuader les gens n'ayant jamais vu la série à la télévision de se rendre au cinéma afin d'en capter le concept - ce que l'on ne pouvait faire mieux qu'avec ce sous-titre, Fire walk with me, n'est-ce pas ?
1) Première partie
Comme je l'ai déjà précisé, il s'agit d'une préquelle - autrement dit, d'une œuvre dont l'histoire précède celle d'une pièce plus anciennement créée, phénomène qui était alors encore rare au cinéma. Ici, il s'agit du meurtre de Teresa Banks, dont le corps vient d'être retrouvé dans une rivière... Mais si vous voulez voir à quel point cela diffère de la série, mieux vaut regarder le trailer, qui nous résume assez bien ce qui se trame en un peu plus de deux heures :
Fait assez surprenant, c'est que la première personne que nous voyons s'avère David Lynch lui-même, dont la particularité est de se trouver un peu sourd... Il incarne le chef de file Gorden Cole du FBI de Portland (Oregon), et envoie à Dear Meadow (Washington) ses deux agents favoris, Chet Desmond (Chris Isaak) et Sam Stanley (Kiefer Sutherland) - ce dernier étant également légiste.
Il leur poste sous une forme codée - autrement dit, via une jeune fille placée près d'un avion - un message de type Blue Rose, que Sam Stanley comprend fort bien :
Une fois arrivés dans l'état de Washington, ils se rendent immédiatement compte du mauvais accueil des policiers locaux... Mais ils remettent très vite les choses à leur place, Chet Desmond n'hésitant pas à fracasser le nez de l'un d'entre eux :
Sam Stanley examine dès lors le corps de Teresa Banks (Pamela Gidley)... Il y découvre, caché sous l'un de ses ongles, la lettre T :
Cela ne leur dit toutefois pas grand chose, et ils se renseignent sur elle un peu partout, visiblement avec très peu de résultats :
Ils décident alors de fouiller la caravane de Teresa Banks, en s'adressant à Carl Rodd (Harry Dean Stanton, célèbre depuis Alien en 1979)... Ils sont intrigués par une photo d'elle avec un anneau vert :
Ils décident alors de ramener le corps à Portland pour effectuer une autopsie... Mais c'est la dernière fois que nous les verrons - comme quoi, l'idée principale de ce film scindé en deux parties n'est absolument pas anecdotique :
Meilleure preuve à Philadelphie, c'est désormais au tour du nouvel agent Dale Cooper (Kyle MacLachlan, ayant déjà participé à deux films de David Lynch, Dune (1984)et Blue Velvet (1986), sans parler de tous les épisodes de Twin Peaks) de faire part à son supérieur Gordon Cole d'un rêve inquiétant qu'il a fait :
Dans lequel apparaît curieusement un nommé Phillip Jeffries (David Bowie, mais oui !), qui a théoriquement disparu depuis deux ans... Mais qui expose une réunion "entre les esprits" - en fait, des anciens de Twin Peaks - entre autres Michael J. Anderson et Killer Bob, dont on ne connaît ni l'origine, ni la destinée, ni même l'existence réelle :
Phillip Jeffries accuse l'agent Dale Cooper de ne pas être lui-même... Mais celui-ci se met rapidement au point, en dévoilant une vérité qui ne va pas tarder à arriver, avec la seconde partie du film - dans laquelle il sera beaucoup moins présent :
Que dire d'autre de cette première partie, qui représente environ un quart du film ? Sur un point purement théorique, certains acteurs n'apparaitrons plus du tout dans la seconde section - David Bowie, Chris Isaak, David Lynch, Kiefer Sutherland... Vu sous un autre angle, cette nouvelle partie constitue par contre la phase la plus importante de l'œuvre, qui donne vie à de nouvelles personnes bien plus inquiétantes, et n'est pas du tout réalisée de la même façon - du moins, c'est ma propre opinion.
2) Deuxième partie
Un an plus tard, dans la petite ville de Twin Peaks - fictive, mais située entre le Canada et les Etats-Unis...
Avec la jeune fille tant attendue, Laura Palmer (Sheryl Lee), qui est aimée de tous, et n'a qu'un seul défaut - visible dès qu'on est un peu dans le secret, user et abuser de la cocaïne :
Elle a en théorie un homme qui l'aime véritablement, James Hurley (James Marshall)... Mais en pratique, l'un de ceux qui la fournit régulièrement en cette fameuse drogue, et en outre se montre relativement violent, Bobby Briggs (Dana Ashbrook) :
L'agent Dale Cooper essaye de chercher l'identité de la jeune fille avec l'agent Albert Rosenfield (Miguel Ferrer)... Mais selon les mots de ce dernier, sans aucun succès :
On retrouve alors Laura Palmer avec toute sa famille, sa mère Sarah, totalement dépassée (Grace Zabriskie) et surtout son père Leland (Ray Wise), bien plus inquiétant... Il lui reproche déjà de ne pas s'être lavé les mains avant le dîner, puis lui retire un anneau qu'elle a au cou :
Ensuite, l'attitude qu'il adopte s'avère pour le moins paradoxale... Et cela a l'air de beaucoup gêner Laura Palmer :
Laura Palmer fait un rêve - disons plutôt un cauchemar -, où elle entre dans Black Lodge, et se trouve parée de l'anneau vert que l'on avait déjà vu auparavant... Mais une fois réveillée, celui-ci a disparu :
L'on voit d'un seul coup Bobby Briggs passer un coup de fil à Jacques Renault, le tenant du Bang Bang Bar - et donc, un grand expert en cocaïne et en prostitution :
Jacques Renault s'empresse d'ailleurs d'offrir tout ce qu'elle veut à Laura Palmer, qui se trouve aussi être une prostituée dans ce bar :
Il se passe beaucoup de choses dans cet endroit, mais je ne veux pas vous dire lesquelles... Sinon la fantastique chanteuse Julee Cruise, qui interprète avec une voix très haute et éthérée une superbe chanson de Angelo Badalamenti, sur des paroles de David Lynch, Falling :
Ayant toujours besoin de cocaïne, Laura Palmer décide d'accompagner Bobby Briggs en pleine nuit pour un rendez-vous avec Cliff Howard, un trafiquant de cocaïne... Mais celui-ci se révèle menaçant, et Bobby Briggs l'abat aussitôt :
La nuit suivante, alors que Laura Palmer est bien droguée, elle se voit subitement violée par Killer Bob (Frank Silva) :
Mais en ouvrant les yeux, elle s'aperçoit que celui-ci est en réalité son propre père Leland - ce qu'elle ne supporte pas :
Vient alors la tragédie finale, déjà commencée par un viol commis par Jacques Renault - se sentant bien supérieur physiquement à Laura Palmer :
Ensuite par la volonté de Leland Palmer, qui met de côté Jacques Renault, puis s'en prend de plus en plus fou à sa propre fille :
Celle-ci s'est rendue jusqu'au bout avec Ronette Pulaski, une autre prostituée, et reçoit de sa part l'anneau vert... Juste avant d'être tuée par Leland Palmer - ce que nous découvrons au travers de la vue très noire de Michael J. Anderson :
Et voici la version particulièrement étrange de la fin du film, dans la Black Lodge, où se trouve aussi bien Michael J. Anderson - le nain - que Killer Bob et Leland Palmer, ces deux derniers en hauteur :
Mais aussi Dale Cooper, qui sourit à Laura Palmer, qui semble ainsi obtenir sa propre rédemption et peut enfin être heureuse :
Que voulez-vous que je vous dise de plus sur cet Opus très étrange ?
En premier lieu, il ne s'agit pas d'un biopic raisonnable, tel que furent Elephant Man (1980) ou A Straight Story (1999), mais pas non plus d'un film totalement déjanté, à l'image de Eraserhead (1977), Lost Highway (1997), ou encore Mullholland Drive (2001)... En fait, nous sommes très exactement entre les deux, parlant hélas de faits ayant bien pu exister, mais traités de temps à autre d'une façon poétique, fantastique ou surréaliste, tout comme dans Sailor et Lula (1990), et bien plus encore sur les deux saisons de la série télévisée Twin Peaks (1990 et 1991).
Ensuite, il est malheureusement vrai que cette œuvre s'est trouvée descendue lors de sa création, aussi bien aux Etats-Unis qu'en France. Mais plusieurs années après sa sortie, sa réévaluation s'est bien mise en place, allant jusqu'à considérer ce film comme l'un des 100 absolument nécessaires. Ceci se mettra encore plus en place en 2019, où l'Opus fut enfin classé comme le quatrième meilleur film des années 1990 par British Film Institute - ce qui n'est pas rien !
Si vous désirez laisser un commentaire, inutile de vous préciser à quel point cela me fera plaisir... Après plusieurs jours de travail, cela est bien normal, n'est-ce pas ?
Bonne année 2014, bientôt ! Vous êtes sans doute étonné du fait que je parle de Wes Craven, non pas au sujet de Les Griffes de la nuit, qui était l'un de ses tout premiers films, mais de Freddy sort de la nuit, le septième de la série, et sorti aux alentours de 1994.
Ici, il faut que je m'explique un petit peu : certes, Les Griffes de la nuit ne sont pas mal, et transmettent bien le film d'horreur autour des années 1984 ; mais Freddy sort de la nuit est nettement meilleur à plein de points de vue, notamment le fait qu'il se base sur le premier pour en jouer à tous les niveaux, qu'il s'agisse de paradoxe, d'humour, ou de citation. Laissons donc Wes Craven s'exprimer brièvement - ce qui est fort possible sur les nombreux bonus du DVD :
Vous voyez, non ? Le premier plan est d'ailleurs une fausse reprise du plan initial des Griffes de la Nuit, fondé sur les mêmes doigts terrifiants :
Sauf qu'il s'agit bien évidemment d'un film que l'on est en train de tourner, ce qui lui enlève beaucoup de frayeur :
C"est l'une des premières fois que l'on revoit Heather Langenkamp, celle qui jouait Nancy Thompson dans le tout premier Les Griffes de la Nuit :
Ici, théoriquement, pour un interview on ne peut plus branché :
Mais qui en réalité apparaît toujours sous le profil de Nancy Thompson dans le premier plan de l'image :
Il en va bien sûr de même pour Robert Englud, qui après avoir joué avec un plaisir notoire le rôle de Freddy, réapparaît avec la plus grande politesse du monde, costume et lunettes obligées :
On doit bien sûr ici voir la dette de Wes Craven, qui s'applique également non seulement à l'une des plus grandes marques de film du monde :
Mais aussi à l'un de ses producteurs les plus puissants, Robert Shave, d'ailleurs filmé, par hasard ou non, sur une reproduction de Andy Warhol :
Au bout d'une bonne demi-heure, le film fait enfin sa première bavure avec le meurtre du mari de Heather Langenkamp, où l'on voit très brièvement Robert Englud apparaître - je veux dire Freddy, bien sûr :
Meurtre qui engendre, assez dramatiquement, les mauvaises réactions de Heather Langenkamp et de son fils :
Mais meurtre qui montre aussi, de façon extrêmement ambigüe, l'attitude de Robert Englund, tout en même temps capable de peindre une toile fort noire et de s'entretenir très courtoisement, ce qui est assez perturbant :
C'est la bonne occasion pour le célèbre Wes Craven de parler assez longtemps avec Heather Langenkamp, en montrant, sait-on jamais, la sublime maison qu'il a pu s'offrir grâce à tous ses films d'horreur :
C'est également le moment où l'on voit le film se barrer une seconde fois vers Les Griffes de la Nuit, d'une façon tout d'abord relativement peu marquée :
Mais très vite nettement plus en citation pure et simple, celle de Freddy créant son premier meurtre en plein cauchemar d'une personne, le tout dans le parcours assez stupéfiant du sol au plafond, surtout en 1984 :
En fait, c'est très bon jusque là, où l'on commence à subir une fin plutôt longue, en tous cas assez peu habitée par le premier film :
Vous pourrez certes me dire, cela se comprend, que cette fin a pour but la simple lecture, au second degré, du script du film :
Mais cela est plutôt long, et même pas au premier ou au second degré, bref, ce n'est pas clair :
Tout ça pour en revenir au thème du script, qui certes est très bon, mais qui marquerait d'autant mieux la fin du film que ce soit la première fois qu'on le voit :
Vous remarquerez, en passant, que cette ultime phrase du script rebalance à juste titre le tout premier plan du film, comme si une fois arrivé à la fin, on ne pouvait faire qu'une seule chose : recommencer l'œuvre une fois de plus... Et pour être honnête, il me faut avouer que ceci est bien plus fréquent qu'avec le film original, Les Griffes de la nuit, et à plus forte raison avec tous les films retournés sur cette idée, le plus souvent moins bons (je fais bien sûr exception du très fameux La Fin de Freddy)... Voici, au cas où vous le souhaiteriez, le trailer :
Comme le dit Christophe Lemonnier sur le site Devildead, "Malgré ses faiblesses, Freddy sort de la nuit donne une approche intéressante du mythe de Freddy. Le disque plutôt blindé de bonus divers fera certainement succomber les fans. Y compris ceux qui trouvent ce dernier opus un peu trop prétentieux !". Je ne vois pas quoi d'autre lui reprocher... Il existe à ce sujet deux statistiques sur la série : la première, qui est celle décrivant peut-être l'opinion de Wes Craven, 1, 7, 6, 4, 3, 5 et 2, et l'autre, qui est de moi, 6, 7, 1, 4, 3, 5 et 2. Certes, il y a quelques différences, mais grosso modo des points communs, plaçant toutes le second en dernier... C'est là le principal, non ?